
Émélie Chamard, femme d'avant-garde
Émélie Caron est née le 10 février 1887 à L’Anse-aux-Sauvages, à Saint-Jean-Port-Joli. Sa mère l’initie dès son jeune âge aux arts textiles, particulièrement au tissage. Émélie développe une adresse hors du commun. En janvier 1906, pour son mariage avec Edmond Chamard de la Demi-Lieue, elle porte une robe blanche confectionnée dans une pièce de lin qu’elle a tissée et cousue. De 1907 à 1932, le couple aura onze enfants. Émélie fait les vêtements pour tous, ainsi que le linge de maison avec le lin cultivé sur leur terre et la laine de leurs moutons.
En 1923, Émélie Chamard et sa voisine, Clara Moreau, prennent l’initiative de vendre ce qu’elles réalisent au métier et au crochet. La clôture des Chamard, limitrophe à la route No 2, devient présentoir. Catalognes et tapis fournissent un revenu d’appoint, lorsque les touristes s’arrêtent et achètent cet artisanat leur rappelant leur enfance.
La clientèle augmentant sans cesse, Émélie Chamard fait construire, en 1925, une boutique-atelier près de la maison. La réputation de qualité et de finesse des travaux de la tisserande est de plus en plus connue. En 1928, Adélard Godbout et Honorius Bois, tous deux de l’École d’agriculture de Sainte-Anne-de-la-Pocatière, font pression auprès d’Émélie pour qu’elle devienne instructrice pour le ministère de l’Agriculture. Le gouvernement provincial craint, à l’époque, que soient oubliées les traditions artisanales québécoises. Elle accepte. Elle doit parcourir toute la province, notamment les villages de colonisation, pour enseigner le tissage et le tricot. À la maison, le père et les aînées prennent soin des cadets et s’occupent de la ferme. Émélie s’absentera sporadiquement pendant des semaines jusqu’en 1946.
Le retour définitif au bercail incite Émélie à fonder un atelier-école dans la maison familiale. Quant au commerce d’artisanat, il continue. En 1949, un magasin est construit là où nous retrouvons encore aujourd’hui L’Artisanat Chamard.
Émélie Chamard, en faisant fi des règles sociales de son temps a su promouvoir, transmettre et sauvegarder le patrimoine artisanal québécois. Son rôle n’aurait pas été le même sans l’ouverture d’esprit de son mari, Edmond. Émilie Chamard a non seulement permis à des centaines de femmes d’avoir un revenu d’appoint, mais elle a contribué comme des hommes de son époque, dont les frères Bourgault, à faire de Saint-Jean-Port-Joli une destination touristique longtemps appelée « Capitale de l’artisanat ».