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GRC Rapport annuel pour l'année se terminant le 30 septembre 1920
GENDARMERIE ROYALE DU CANADA RAPPORT DU COMMISSAIRE
11 GEORGE V, A. 1921 DOCUMENT PARLEMENTAIRE No. 28

Meurtres supposés près du Lac Baker

Dans l'hiver 1919-20, le sergent W.O. Douglas était en charge du détachement de Fullerton. Ce détachement, à plus de 400 milles au nord de Churchill et à 100 milles du goulet Chesterfield, le lond de la côte, a été, pendant cette période, le centre d'une patrouille très active. De septembre 1916 à janvier 1919, la distance parcourue par les patrouilles qui relevaient de Fullerton a été de près de 16 000 milles.

Le 19 décembre 1919, le maréchal des logis Douglas, avec le gendarme Eyre et deux indigènes, a quitté Fullerton pour se rendre au goulet Chesterfiled où il est arrivé le 22 décembre, après avoir été retardé d'une journée par la poudrerie. Au poste de la Compagnie de la Baie d'Hudson une lettre l'attendait, venant du gérant du poste de Baker Lake de la Compagnie de la Baie d'Hudson, situé à 150 milles au fond du goulet Chesterfield, l'informant que deux de ses chasseurs avaient été tués par un autre indigène, que le meurtrier était au large et que la population indigène de la région était grandement effrayée. Le maréchal des logis Douglas décida immédiatement de remonter le goulet jusqu'au lac Baker. Les préparatifs nécessaires ont pris quelque temps, car il a fallu se procurer plus de nourriture à chiens, à Fullerton, et le 1er janvier 1920, le maréchal des logis Douglas, après avoir renvoyé le gendarme Erye à Fullerton, partit pour le lac Baker. Il avait avec lui deux indigènes et deux attelages de chiens. Il arriva à Baker Lake le 8 janvier.
Les renseignements à obtenir étaient maigres. Un Esquimau de la tribu des Paddlermuit, du nom de Ou-and-wak, demeurant à environ 150 milles au sud, était dénoncé comme ayant tué au fusil deux frères, de la même tribu, du nom de Ang-alook-you-ak et de Ale-cummick et s'étant approprié la femme du premier. Les autres Esquimaux avaient tellement peur d'Ou-ang-wak qu'il s se tenaient loin du poste de lac Baker. Le maréchal des logis Douglas résolut de se rendre à l'endroit du meurtre, pour faire enquête et, si nécessaire, pour arrêter l'accusé. Il surgit immédiatement des difficultés qui le retardèrent de près de trois semaines, car les indigènes avaient peur de l'accompagner. Il dit dans son rapport :
J'ai eu beaucoup de difficulté à obtenir quelqu'un pour faire le voyage. Enfin j'ai pu avoir un indigène qui m'assurait connaître le pays mais qui refusait de partir à moins que nous n'ayons trois traîneaux et quatre ou cinq hommes. Il prétendait avoir entendu dire que cet indigène avait déclaré que la police ne le prendrait pas vivant. Il donna cette raison pour demander uen organisation assez considérable.
Après beaucoup de difficultés, le maréchal des logis Douglas réunit un groupe d'Esquimaux, avec la femme de l'un d'eux, et trois traîneaux à chiens, et partit de Baker Lake le 27 janvier. Ce qui donne un exemple des difficultés du voyage dans ces régions, c'est la difficulté qu'on a eue pour trouver de la nourriture à chiens. On n'en a pas emporté, dans ce voyage, et les animaux sur lesquels on comptait pour le transport ont vécu les 4 ou 5 premiers jours sur le caribou tué le lon du chemin et, le reste du temps, d'une quantité insuffisante de viande de cache d'été que le maréchal des logis Douglas fit en sorte d'acheter.

Le 5 février, on arriva à un camp indigène de deux iglous et on trouva deux jeunes gens d'une tribu dont le nom s'épelle soit Shav-voe-toe ou Shag-wak-toe. Les indigènes du maréchal des logis Douglas avaient tellement peur d'Ou-ang-wak - ils croyaient qu'il pouvait être là - qu'il eut peine à les convaincre de le conduire aux iglous et de voir qui les habitaient. « Ils ont beaucoup ri en voyant que l'un des hommes était le beau-frère de l'un des guides. » On apprit que celui qu'on cherchait avait son camp à environ 2 jours d'ici, qu'il avait été averti par des blancs que la police le chercherait pour le tuer et était très excité.

« Lorsque ces deux jeunes gens l'avaient vu la dernière fois, il était assis dans son iglou, le visage caché dans ses mains, et, à intervalles de quelques minutes, se levait et sortait pour voir s'il y avait quelque traîneau étranger aux environs. »

Tout cela augmentait la frayeur des compagnons indigènes du maréchal des logis Douglas, qui décidèrent de retourner chez eux. Il apprit qu'il y avait un camp d'indigènes entre l'endroit où ils étaient et le camp d'Ou-ang-wak et il finit par convaincre son escorte de se rendre à cette maison. Ils y arrivèrent le 7 février après-midi.

« À Notre arrivée à ce camp, un jeune homme, qui désirait se renseigner sur notre compte et faire rapport au chef, vint nous rencontrer à quelque distance des iglous. Après quelque temps, il revint nous dire qu'Edjogajuch, chef de la tribu, désirait nous voir dans son iglou. Negvic, le guide, l'indigène Joe et moi-même, nous retournâmes avec cet homme et les deux autres membres de l'expédition restèrent pour garder les traîneaux. Entré dans la hutte, je distribuai des poignées de main, enlevai mon koulotang (veste en caribou), m'assis sur le banc à côté du chef et lui dis que nous avions faim et aimerions manger avec lui. Il sortit un caribou gelé et plusieurs couteaux de boucherie. Nous nous asseyons et mangeons. Cela rend la situation meilleure et tous les indigènes commencent à parler. Nos deux autres hommes entrent. Après le repas, je sors du tabac et des allumettes et lorsque tout le monde a sa pipe allumée, je commence avec l'indigène Joe comme interprète, à dire le pourquoi de ma venue.

Edjogajuch répondit que ma venue lui faisait de la peine et qu'Ou-ang-wak demeurait à une journée de son camp. Il m'avertit de ne pas aller là car il venait de quitter ce camp et il avait peur que si un blanc s'y rendait pour essayer d'emmener Ou-ang-wak, il y aurait des coups de feu.
Cela acheva mes indigènes qui refusèrent d'avancer un pas de plus.
Des négociations suivirent.
J'ai fait bâtir un iglou et j'ai fait demander Edjogajuch. Je lui ai dit, par l'intermédiaire de l'interprète, qu'Ou-ang-wak était accusé d'avoir tué deux hommes. Il répondit que c'était vrai. J'ajoutai que cela était contraire à la loi des blancs, que j'étais venu pour voir Ou-ang-wak et que je ne retournerai pas sans cela. Puis je lui suggérai de me conduire au comp de l'autre côté du lac, le matin. Il refusa, disant qu'on pourrait le tuer lui aussi.
J'essayai de nouveau d'amener mes indigènes avec moi à ce camp, mais en vain. Je fis demander de nouveau Edjogajuch, je lui dis que je le regardais comme un chef dans ce district et qu'il lui incombait soit de m'amener avec lui à ce camp ou d'y aller lui-même pour me ramener Ou-ang-wak. Il répondit qu'il ne viendrait pas avec moi mais qu'il irait seul et tâcherait de l'amener. Je lui dis que j'attendrais ici, à ce camp, trois jours et que si, à la fin de ce temps, il n'était pas revenu, ou si je n'avais pas de nouvelle de lui, je viendrais moi-même chercher Ou-and-wak. Il avait grand peur, croyant sans doute qu'en voyant Ou-ang-wak je le tuerais. Je lui donnai ma parole que je ne ferais aucun mal à Ou-ang-wak ni à aucun des indigènes, s'ils agissaient comme il faut et ne montraient pas d'hostilité.
En conséquence, le 8 février, Edjogajuch quitta son camp, et tard dans l'après-midi du 9 février, il revint avec Ou-ang-wak et la femme.
À leur arrivée au camp [dit le maréchal des logis Douglas], j'ai fait demander à tous les indigènes de venir dans mon iglou où, à l'aide de mon interprète, j'ai donné à Ou-ang-wak l'avertissement qui se donne ordinairement, dans ces cas, avant l'arrestation. Mais j'étais parfaitement certain que cela ne signifiait rien à ses yeux car il était très effrayé, à ce moment, n'écoutait nullement l'interprète et se tenait les yeux fixés sur moi.
J'ai fait des enquêtes complètes au sujet des deux hommes morts et j'ai remarqué que souvent les indigènes demandaient des renseignements à l'accusé.
Alors le maréchal des logis Douglas arrêta Ou-ang-wak.
Alors je lui ai dit qu'il devait venir avec moi au pays de l'home blanc, parce que le grand chef là, désirait le voir. Il me demanda ce qu'on allait faire de lui et si on allait le tuer. Je lui ai dit que je n'en savais rien, mais je l'ai assuré que s'il agissait loyalement avec moi, il serait bien traité et amené à l'extérieur, devant le grand chef blanc...'
Le Sergent Douglas emmena donc Ou-ang-wak et la femme à Baker Lake, Chesterfield Inlet, puis à Churchill, au Manitoba. Il emmena ensuite Ou-ang-wak au Fort-Nelson, au Pas, et enfin à Dauphin, au Manitoba.