Musée Eudore-Dubeau, Université de Montréal
Montréal, Québec

Galerie Vignettes Histoires Contactez-nous Recherche
 

L'Oeuvre d'Eudore-Dubeau, visionnaire de la médecine dentaire au Canada

 

 

Entrevue avec Dr Jean-Paul Lussier - résumé de la transcription

Musée Eudore-Dubeau: Bonjour Dr Lussier. Merci d'avoir accepté notre invitation et de répondre à quelques questions.

Vous avez complété vos études en médecine dentaire en 1942 et vous êtes resté membre actif de la communauté universitaire depuis toutes ces années en occupant entre autres le poste de doyen et celui de professeur. Pouvez-vous nous parler de l'évolution de la Faculté depuis sa création?

Dr Lussier : On doit à Eudore Dubeau d'avoir fondé la Faculté et d'avoir obtenu l'affiliation avec l'Université de Montréal, ce qui lui donna aussitôt un avantage. Notons qu'à cette époque les écoles dentaires pouvaient être affiliées à des universités mais il y existait aussi des écoles privées et commerciales. Aux États-Unis, il y avait beaucoup plus d'écoles privées que d'écoles publiques, ce qui créa certains problèmes. Au Canada, heureusement, toutes les écoles dentaires qui existaient à ce moment-là ont été affiliées à des universités. Au moment où Dr Dubeau obtenait l'affiliation avec l'Université Laval à Montréal, l'École dentaire de l'Université de Toronto avait obtenu l'affiliation avec l'Université l'année précédente. Pour ce qui est de l'Université McGill, l'affiliation s'est faite quelques années plus tard, mais toujours au début du 20e siècle. Dr Dubeau est considéré comme précurseur puisque l'École dentaire de l'Université Laval à Montréal a été l'une des premières école dentaire au Canada. De plus, l'École de Dr Dubeau a toujours obtenu un bon classement par rapport aux vérifications qui se faisaient.

Musée Eudore-Dubeau : En 1904, Dr Dubeau a créé l'École de chirurgie dentaire, affiliée à l'Université Laval à Montréal, et en 1921, cette École devint la Faculté de chirurgie dentaire de l'Université de Montréal. Qu'est-ce qui selon vous a motivé Dr Dubeau à poursuivre un tel projet?

Dr Lussier : En 1920, l'Université de Montréal a obtenu son autonomie et est devenue véritablement l'Université de Montréal et non plus l'Université Laval à Montréal. Étant donné que l'École de médecine était devenue une faculté, Dr Dubeau a voulu, lui aussi, que son École devienne une faculté. Il a alors entrepris de longues démarches et en 1921, l'Université de Montréal a accordé le titre de faculté à l'École de Dr Dubeau.

Musée Eudore-Dubeau : Ayant étudié lorsque Dr Dubeau était doyen, pouvez-vous nous parler de la relation qu'il entretenait avec ses étudiants?

Dr Lussier: Je suis un peu mal placé pour vous le dire, même s'il a été mon doyen. J'ai terminé en 1942 et Dr Dubeau a été en fonction jusqu'en 1944. Il était doyen et en même temps professeur de la Faculté. Il s'était accordé le domaine de la pathologie dentaire, et c'est cet enseignement que j'ai reçu de lui. À l'époque, la pathologie dentaire se résumait à assez peu de choses. Il n'y avait pas non plus beaucoup d'articles publiés sur le sujet. En outre, l'enseignement que j'ai reçu de lui était assez limité parce qu'à ce moment-là il ne s'intéressait à peu près pas à l'aspect scientifique de la profession. Il était beaucoup plus intéressé par l'économie et la politique. Il faisait son travail de doyen en tant que représentant de l'Université et responsable des activités du conseil, mais c'est tout.

Musée Eudore-Dubeau : Avez-vous fait de la clinique sous la supervision de Dr Dubeau?

Dr Lussier : Non. Je ne crois pas que Dr Dubeau se soit engagé bien longtemps en clinique. Il a pratiqué pendant un certain temps, mais je crois qu'il s'est dissocié assez rapidement de l'aspect clinique. Il s'occupait davantage de ses immeubles sur Sherbrooke, et c'est d'ailleurs avec ça qu'il a fait fortune. Les médecins et dentistes francophones étaient très nombreux à avoir établi leur cabinet dans ce coin de Montréal.

Musée Eudore-Dubeau : Dr Dubeau était très occupé dans la communauté. Il a été échevin du Quartier Lafontaine, conseiller municipal de 1940 à 1947, directeur de la Ligue des propriétaires de Montréal, vice-président de la Ligue du progrès civique, promoteur et premier président de la bibliothèque municipale, membre de la Chambre de commerce de Montréal et de l'Est central commercial, membre de la Commission d'hygiène de la ville de Montréal, Directeur de l'Hôpital Ste-Jeanne-d'Arc, gouverneur des hôpitaux Notre-Dame et Ste-Justine, président du Comité du monument Sir Louis-Hyppolyte Lafontaine, chevalier de la Légion d'honneur (France), et consul du Portugal à Montréal. Consacrait-il autant d'énergie à sa profession de doyen qu'aux projets parallèles qu'il dirigeait ?

Dr Lussier : Comme je l'ai laissé entendre auparavant, je crois qu'il s'est dissocié de l'aspect de l'enseignement assez tôt. Il se fiait à des collègues, qui eux prenaient l'enseignement beaucoup plus à coeur. Dr Joseph Nolet, professeur de dentisterie opératoire, et Dr Théophile Côté, professeur de prothèses, étaient parmi les gens qui avaient la responsabilité de la formation technique des étudiants.

Le fait que Dr Dubeau ait agi de la sorte correspondait à sa personnalité, et cette personnalité transparait très bien dans la toile que nous avons au Musée Eudore-Dubeau, et qui a été peinte par Delfosse, l'éminent portraitiste de l'époque. En effet, il est possible de voir dans sa tenue que Dr Dubeau était un homme extrêmement fier de lui, et imposant par son physique, sa taille et son port. Il aimait se faire valoir et c'est pour cela qu'il s'est associé à plusieurs organismes qui lui permettaient de mettre en valeur sa personne et sa personnalité. La Faculté n'était pas sa seule préoccupation ; il était aussi un homme de niveau social élevé qui aimait se faire valoir dans la société. Il était reconnu ici autant qu'ailleurs.

Pour ce qui est de son intérêt à devenir échevin, il faut comprendre qu'à cette époque où Montréal était en plein développement, faire partie de la gestion de la ville comportait certains avantages. Montréal faisaient du lotissement, et étant donné que les échevins étaient au courant des futurs plans de la ville, cela leur permettait d'acheter des terrains clés de façon prioritaire. Mais Dr Dubeau n'était pas le seul à faire ca. À cette époque, c'était pratique courante et personne ne s'en scandalisait. C'est donc ce qui explique qu'il soit devenu propriétaire de très belles maisons sur Sherbrooke, entre St-Denis et St-Hubert. Aujourd'hui, la plupart de ces constructions ont été transformées en hôtels. Il est cependant encore possible de voir sur Sherbrooke certaines constructions qui ont appartenu ou qui ressemblent aux propriétés que possédait Dr Dubeau.

Musée Eudore-Dubeau : Dr Dubeau a épousé Yvonne Leduc en 1897 et ils eurent 3 enfants : Jean, Paul et Lucienne. Pouvez-vous me parler de la relation qu'entretenait Dr Dubeau avec sa famille ?

Dr Lussier : Absolument pas. Je ne connais rien sur le sujet. Je sais qu'il a perdu un de ses enfants dans un accident et qu'à la fin de sa vie il ne vivait plus avec sa femme, mais c'est tout. Bien sur, tout le monde était au courant qu'il avait une compagne puisque c'était la sœur de M. Laureys, qui était directeur de l'École des Hautes Études Commerciales.

Musée Eudore-Dubeau : Nous avons souvent entendu parler de la Cadillac de Dr Dubeau…

Dr lussier : Je l'ai bien vu sa Cadillac. Quand il venait à la Faculté il arrivait au volant de sa Cadillac, descendait, puis sa compagne prenait le volant et continuait son chemin. Dr Dubeau montait alors les marches du grand perron qui menaient à son bureau. Mais il ne venait pas à la Faculté tous les jours, peut-être une fois ou deux par semaine. Il arrivait tard en fin d'avant-midi, voyait les gens qu'il devait voir pendant l'heure du midi, puis repartait par la suite.

Musée Eudore-Dubeau : Eudore Dubeau a été l'un des fondateurs de l'Association dentaire canadienne (ADC). Croyez-vous que l'ADC aurait eu le même essor si Dr Dubeau n'avait pas contribué à son élaboration ?

Dr Lussier : S'il n'avait pas été là, je crois bien que l'Association dentaire canadienne aurait tout de même été créée. Plusieurs personnes ont contribué à former l'ADC, c'était une initiative canadienne. Mais le fait qu'il y ait participé, avec le dynamisme qu'il avait quand il était tout jeune dentiste, n'a pu qu'aider les choses. Il voyait dans la profession quelque chose qui dépassait le niveau local.

Musée Eudore-Dubeau : Merci bien Dr Lussier.

 

Imprimer la page

Avis importants  
© RCIP 2024. Tous droits réservés