Musée Eudore-Dubeau, Université de Montréal
Montréal, Québec

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L'Oeuvre d'Eudore-Dubeau, visionnaire de la médecine dentaire au Canada

 

 

Entrevue avec Dr Gilles Lavigne - résumé de la transcription

Musée Eudore-Dubeau : Bonjour Dr. Lavigne, merci de prendre le temps de répondre à nos questions. Dr. Eudore Dubeau fut le premier doyen de la Faculté de médecine dentaire de l'Université de Montréal. Étant à votre tour doyen, nous aimerions connaître vos impressions sur l'évolution de la Faculté au cours du dernier siècle.

Dr Lavigne : On parle ici de 105 ans. Il y a donc déjà plus d'un siècle que la Faculté existe. Au départ, celle-ci était située au centre-ville de Montréal, là où se trouve l'UQAM présentement. C'était alors une très petite Faculté; mais celle-ci a tranquillement grossi d'année en année, si bien qu'à l'époque où survient la Deuxième Guerre Mondiale, il avait été établi que la Faculté irait s'établir sur la montagne, dans des locaux plus spacieux, là où on la retrouve aujourd'hui. Le déménagement n'eut cependant pas lieu tout de suite puisque les gouvernements canadiens et américains utilisèrent ces locaux pour faire de la recherche, et ce jusqu'à la fin des années 50. Ce n'est donc qu'à ce moment-là que la Faculté put prendre possession de ses nouveaux locaux. La Faculté est maintenant située sur la montagne depuis 60 ans et c'est sur ce nouveau site que s'est produit son essor le plus important.

Quand j'ai été reçu dentiste, en 1977, la réalité clinique était bien différente de celle d'aujourd'hui. Je me souviens qu'au tout début de ma pratique, lorsqu'un enfant ouvrait la bouche, on voyait une ligne noire en haut et une ligne noire en bas. C'étaient des caries mur à mur. Ce n'est que dans les années 80 qu'on a commencé à voir de moins en moins de caries. Cette réduction du taux de carie reflétait le début d'une nouvelle ère pour la médecine dentaire, qui devint davantage axée vers la prévention. L'hygiène dentaire a commencé à occuper une place plus importante. Aujourd'hui, seulement 17% des enfants ont des caries. Cet important virage vers la prévention est une des grandes victoires de la médecine dentaire, mais on le souligne rarement.

Musée Eudore-Dubeau : Avec le désir de changement(s) qui parcourt la Faculté ces temps-ci, parlez-nous des étapes que vous voudriez la voir franchir, par exemple d'ici 10 ans.

Dr Lavigne : La première étape que j'aimerais franchir serait de voir les étudiants heureux du choix qu'ils ont fait d'être dentiste et qu'ils réussissent à bien s'intégrer à la réalité de la société de demain. Ceci dit, cette réalité n'est pas la même que celle que j'ai moi-même vécue il y a 30-35 ans, lorsque j'ai ouvert mon cabinet. À cette époque, le gros problème était les caries multiples chez les enfants. Maintenant les problèmes sont différents : des patients poly-médicamentés, des gens pauvres, l'immigration. Les traumatismes faciaux ont également évolué : on voit désormais plus de fractures liées à des accidents de sports et moins de fractures dues aux accidents de voitures.

La population vieillit, la génération des baby-boomers est une génération qui aura de plus en plus besoin de soins. De plus en plus, les gens âgés conservent leurs dents et c'est une réalité à laquelle vous allez effectivement être confrontés. Je souhaite que votre génération de dentistes ne traite pas seulement les dents mais bien le patient de façon globale, en tenant compte de ses maladies et de ses conditions sociales et culturelles. Cela représente pour moi un gros défi et c'est quelque chose auquel la Faculté aimerait beaucoup vous préparer. De façon plus spécifique, j'aimerais qu'on ait des locaux réaménagés ou une nouvelle bâtisse. L'Université nous a promis un nouveau pavillon vers les années 2020, mais d'ici là il faut rénover les locaux, ce qui va commencer dès cet été.

En ce qui a trait au curriculum, on aimerait finaliser l'implantation du curriculum de cinq ans de façon à ce qu'il constitue un continuum de formation. Nous voulons qu'à partir du début de votre formation vous deveniez très habiles à travailler avec une équipe - des assistantes dentaire, des hygiénistes. Nous voulons également que la 5e année soit un genre de résidence globale, où on vous donnerait une formation un peu plus poussée dans le domaine de votre choix, par exemple la gériatrie, la dentisterie familiale, la chirurgie, etc.

Musée Eudore-Dubeau : Dr. Dubeau fut le pionnier de l'Association dentaire canadienne. Ayant œuvré en recherche vous-même, où se place le Canada sur la scène mondiale, autant en recherche qu'en dentisterie clinique?

Dr Lavigne : Tout d'abord, en dentisterie clinique, je pense que le Canada se classe très bien. Je suis en mesure de comparer parce que j'ai été professeur invité en Australie et que je donne beaucoup de conférences en Asie et en Europe. Je n'ai donc aucun doute sur la qualité des dentistes qui terminent au Canada en termes de qualité de l'acte. Au niveau théorique, on remarque que les jeunes Canadiens réussissent toujours mieux que les Américains aux examens nord-américains. On peut donc dire que la qualité de notre formation est encore préservée. On peut se demander si c'est dû au fait que les dix facultés canadiennes sont des facultés d'état alors qu' aux États-Unis où on retrouve beaucoup de facultés privées. Il est peut être possible d'établir un lien, et ça m'amène à la première partie de votre question, qui a trait à la recherche.

Les facultés d'état ont toujours eu comme obligation d'avoir un volet recherche. Ici, à l'Université de Montréal on a dix chercheurs temps plein. On travaille en sommeil, en neurologie, en alimentation. On travaille sur l'os, les implants, tout ça en lien avec l'orthopédie. Le Canada a eu un élan fantastique en recherche dans les années 80. Il y a malheureusement eu un ralentissement depuis une dizaine d'années. Il y a moins d'investissements, les niches qui étaient réservées à la médecine dentaire sont disparues parce qu'on nous a dit que nous étions tellement bons que nous pouvions maintenant nous intégrer au reste de la médecine. Tout ceci a créé une certaine crise, de sorte que nous avons désormais énormément de difficulté à convaincre de jeunes dentistes à s'investir dans la recherche et à partager leur vie professionnelle entre l'académique, la recherche et la clinique. Cela représente un énorme défi pour les années à venir. Vous m'avez demandé dans la question précédente les étapes que j'aimerais voir la Faculté franchir d'ici dix ans. Eh bien, une des choses que j'aimerais faire est de réussir à ré-intéresser les jeunes cliniciens à la recherche.

Musée Eudore-Dubeau : Je vous remercie beaucoup, Dr Lavigne, pour cette entrevue.

 

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