Musée régional de Vaudreuil-Soulanges
Vaudreuil-Dorion, Québec

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De la subsistance à la collection : les appelants de chasse du Suroît
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L'art d'évoluer

Depuis toujours, l'homme a utilisé les leurres afin d'attirer les espèces animales, cependant leur forme et leur conception ont évolué au cours des siècles. En Amérique du Nord, plusieurs recherches et témoignages prouvent que certaines nations amérindiennes ont fabriqué et se sont servies d'appelants rudimentaires afin de tromper la vigilance des oiseaux migrateurs (canards, bernaches, oies, etc.)1. La trouvaille la plus spectaculaire fut la découverte au Nevada, en 1924, de trois appelants de plus de mille ans. Ils auraient été fabriqués par les ancêtres de la nation des Paiutes du Nord à l'aide de joncs de marais recouverts de peau et de plumes de canards2. Cette technique semble avoir été également employée au Canada. En effet, en 1705, le Baron de La Hontan dans ses récits de voyages observe que les Amérindiens utilisaient «[…] des peaux d'Oyes, d'Outardes, & de Canards remplies de foin, & attachées par les pieds avec deux clous fur certains morceaux de bois fort minces qu'on laisse flotter autour de la hutte [cache]3».

Néanmoins, cette pratique ne semble pas s'être imposée chez les colons français et anglais. Privilégiant les méthodes de chasse à l'européenne, ils préféreront généralement, tout comme leurs descendants, l'emploi d'appelants vivants à la fabrication de leurres en bois ou en joncs. En effet, les chasseurs utiliseront des canards domestiqués ou non et dont on avait quelquefois, brisé les ailes et attaché l'une des pattes à une corde reliée à un pieu4. Il faudra attendre l'adoption de la loi de 1917 pour que les chasseurs délaissent cette méthode et privilégient l'emploi d'appelants sculptés dont l'apogée de fabrication se situera entre 1920 et 1960. Parallèlement à la production artisanale, il se développera une industrie spécialisée dans la confection de leurres. Les compagnies les plus connues étaient la Mason Decoy Factory de Détroit (1885-1925), la Peterborough Canoe Company en Ontario (1920-1930) et la Robin Brothers Shoe Last Factory de Montréal (1898-1946)5.

Cette période faste se terminera, comme le souligne l'historien de l'art Michel Lessard, avec l'utilisation accrue du plastique et du caoutchouc qui poussera la «confrérie» de sculpteurs d'appelants de bois à se tourner graduellement vers la production de pièces plus décoratives6. En conséquence à cette transition, apparaîtront des œuvres sculptées dont le raffinement donne l'illusion de contempler de véritables oiseaux. Ainsi donc, les leurres destinés à la chasse se sont transformés au cours des siècles afin de répondre aux besoins des différentes époques, passant d'outils utilitaires à des témoins d'un art et d'une culture en constante évolution7.

1. Sébastien Daviau, «L'appelant de chasse québécois : de la subsistance à la collection», Au fil du temps, publication de la Société d'histoire et de généalogie de Salaberry, vol. 14, no 1, mars 2005, p. 20.

2. Patricia Fleming, dir. Traditions in Wood, a History of Wildfowl Decoys in Canada. Camden East, Camden House Publishing, 1987, p. 15.

3. Donald Guay. Histoires vraies de la chasse au Québec. Montréal, VLB Éditeur, 1983, pp. 53-55.

4. Paul-Louis Martin. Histoire de la chasse au Québec. Montréal, Les Éditions du Boréal Express, 1980, p. 250.

5. François St-Onge. Sculpteurs d'appelants du Québec. Québec, Les Éditions GID, 2008, pp. 268-273, Hugh H. Turnbull. Les Trompeurs : appeaux et sculptures antiques d'oiseaux canadiens et américains. Saint-Lambert, Musée Marsil, 1983, p. 3 et Patricia Fleming, dir., op. cit., p. 70.

6. Michel Lessard. Antiquités du Québec : vie sociale et culturelle. Montréal, Les Éditions de l'Homme, 1995, p. 145.

7. Sébastien Daviau, loc. cit., p. 22.

 

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