14

Brise lames, Beaumont (Memramcook), N.B.
1984
Beaumont (Memramcook) N.-B
ATTACHEMENT DE TEXTE


Crédits:
Photo: Musée Acadien, U. de Moncton

15

Mais de terribles désastres s'abattaient quelques fois sur ces entreprises communales, la mer voulant comme démontrer à l'homme qu'elle était toujours maîtresse, donnait parfois une exhibition de sa puissance en se gonflant de rage et détruisant dans un instant, ce que de chétifs humains avaient péniblement élevé sur son passage. Un de ces grands désastres survint il n'y a pas si longtemps sur la rivière Petitcodiac et, comme c'est le seul dont nous avons un rapportage précis, la Saxby Gale va nous servir d'exemple ici. Ce fut le 26 octobre 1869 quand la Baie de Fundy, l'ancienne Baie Française, de si triste mémoire pour notre peuple, décida soudainement de s'aventurer sur le haut des terres de Dorchester, Sackville et Amherst.

J. Médard Léger

La Société historique acadienne, 2e cahier, Moncton (N.-B.) 1962

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Vestige d'aboiteau, Beaumont, N.B.
1984
Beaumont (Memramcook) N.-B
ATTACHEMENT DE TEXTE


Crédits:
Photo: Musée Acadien, U. de Moncton

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- Pis chacun faisait-i' des aboiteaux vis-à-vis de sa terre?

- Non, non. I' choisissaient. Généralement y avait un ruisseau où-ce qu'i' font l'aboiteau ... y avait un ruisseau qui prenait l'eau su' l'an-pormier j'crois ben, pis à force de passer de l'eau, ben ça vient que ça grandit ... le ruisseau grandit ... le ruisseau égrandit. C'est là ... quand i' appellent ça le canal de l'aboiteau.

Gaspard Bourque

Centre d'études acadiennes, coll. Lauraine Léger (1977)

18

M. Zacharie Boudreau, avec Ronnie Gilles LeBlanc
1988
Beaumont (Memramcook) N.-B
ATTACHEMENT AUDIO


Crédits:
Photo: Musée Acadien, U. de Moncton

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M. Zacharie Boudreau, de Memramcook, N.-B.
En entretien avec Ronnie-Gilles LeBlanc Le 20 août, 1981

Zacharie Boudreau: (...) C'était du cèdre, du cèdre. I' appeliont ça une sluice. C'était un, c'était un, manière d'une boîte qu'était ouverte des deux boutes, pis i' y'avait un clapet pour pouvoir, pour arrêter l'eau de la mer de rentrer, pis laisser sortir l'eau qui m'nait d'la terre haute.

Ce clapet là, c'était une affaire qu'était coume,... mettons qu'c'est une boîte icitte là, hein, pis là ensuite, c'était mis coume ça là, environ cinq, six pieds du boute, du bord de la rivière, vois-tu, du bord de la rivière, coume ça.

Quand la mer montait, la pression de l'eau poussait d'là d'sus, pis ça fermait ça. I' y' avait un cadre tout l'tour. Quand qu'la mer s'en allait, ça rouvrait ça. I' y' avait une penture en haut, pis là, l'eau, la neige et la pluie, tout ça sortait, pis ç'allait à la rivière.

Pour la faire, l'aboiteau, ben, un aboiteau neuve, tu commençait dans le fond. Tu cleanais ça dans l'fond, c'est selon la largeur qu'elle était, si elle avait cinquante, soixante pieds, ben fallait qu'tu cleanis pour soixante pieds, là. Pis ces dalles-là aviont coume six pieds de large, pis environ quat' pieds d'haut, quat', cinq pieds d'haut, j'sais pas juste asteure.

Quand t'avais fait ton,.... i' appeliont ça le bed là, quand t'avais fait ce bed-là, tu faisais ta sluice. I' appeliont ça une sluice, là, cette affaire-là qu'était fait en bois, coume une boîte. Tu faisais ta sluice pis là i' l'emmeniont. Ben fallait la revirer de bord, pis la faire, vois-tu, avec des poles, la revirer d'boute. Imaginez, c'était pesant. C'était long comme d'icitte à la barrière là. Tu virais ça de bord pis tu faisais le fond, pis là tu mettais le clapet, pis là tu la, tu la laissait tombe dans l'eau. Tu la roulais, la halais jusqu'à tant qu'a v'nit dans l'eau. Tu l'emmenais dans le ruisseau, là, tu la settais dans le fond. Tu, ... l'aboiteau était coume ça, là, pis là coume ça, là, pis là le ruisseau rentrait d'même, lui. Tu l'mettais coume le ruisseau va, dans le fond, aussi plange comme tu pouvais.

Pis là i' coummenciont à haler de la terre, de la terre de pré, pis des sapins, là, d'environ dix, douze pieds de longs, avec les branches après. I' mettiont un rang de terre, un rang de sapins coume trois pieds, pis là trois pieds après ça de terre, pis là un rang de sapins d'environ un pieds, j'crois ben. Toute la largeur de ça, la largeur de la sluice. Pis i' buildaient coume ça jusqu'à tant qu'i arrivit sur le faît. Pis tant qu'c'arrivait sur le faît, ben là si c'était, si c'était un endroit que le chemin passait dessus, tu laissais coume quarante pieds d'large au faît, pis en bas des fois c'était soixante, soixante-quinze pieds, c'est selon coumment c'est que le ruisseau était grand, vois-tu.

Pis après ça i' y avait de l'ouvrage pour que ça seyit étanche, faulait que ça seyit étanche, vois-tu. I' y a une façon de vase de pré que l'eau passe pas en travers, l'eau passe pas en travers. I' appelont ça de la tourbe, ben là les Anglais appelaient ça de la clay. I' piliont ça, c'tte clay-la, aussi tight coume qu'i pouviont, par p'tite affaire à venir tout l' tour de la sluice pour pas que ç'emborvit pour ... si l'eau prend à sortir elle a bétôt fait un trou, hein? Coume ça l'eau peut pas passer en travers de la tourbe. C'était usé pour ça, pour remplir des endroits où c'qu'y a de l'eau,... ç'emborve pas.

I' mettons ça ensemble, i' passont leur ferrée coume ça pour que ça seal, là. Ç'emborvera jamais.

Ronnie-Gilles LeBlanc: Quo' c' que vous appelez la ferrée? C'est une sorte de ..

Zacharie Boudreau: La ferrée c'est une sorte de pelle ...

Ronnie-Gilles LeBlanc: Une pelle de pré, ou...?

Zacharie Boudreau: Une pelle de pré exprès pour ça, oui. C'est une pelle qu'est large coume ça, pis elle est longue de même, pis i' y a une poignée su' l' travers en haut. Tu peux couper la vase avec ça, ou de la clay, vois-tu. Pis là, i' coupiont ça, pis i' la garrochiont, pis i' y en avait un qui prenait une fourche, là, pis qui faisait son ouvrage, pis qui la tapait pis la pilait coume-i'-faut, pour pas qu'i ayit aucun trou pour que l'air - pour que l'eau -, pouvit passer, vois-tu.

Ronnie-Gilles LeBlanc: Comment c'que ça pouvait prendre de temps à faire une aboiteau?

Zacharie Boudreau: Ah! C'était une djob de deux, trois mois pour faire une aboiteau. Ça prenait du temps, vois tu, des fois c'était vingt pieds de haut et large pas moins que quarante-cinq, cinquante pieds de large au fond (...)

Collection Musée acadien, Moncton (1981)

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Levée et aboiteau, Boudreau Village, N.B.
1988
Memramcook, N.-B
ATTACHEMENT DE TEXTE


Crédits:
Photo: Musée Acadien, U. de Moncton

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Ah c'était une job de deux, trois mois pour faire un aboiteau. Ça pornait du temps 'ois-tu, des fois c'était vingt pieds d'haut et large pas moins que quarante-cinq, cinquante pieds d'large au fond. Pis là on bevelait ça des deux bords là. Disons que l'ru'sseau va d'même hein, ben la sluice était comme ça ielle aussi. La sluice est tout l'temps placée coume le ru'sseau. Pis là chaque côté coume ça là, on pornait à raccourcir un p'tit brin des deux bords quand on mettait nos lits, nos lits d' terre là.

Zacharie (Carie) Boudreau

Collection Musée acadien, Moncton (1981)

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Levée et vestige d'aboiteau, Beaumont
1984
Beaumont (Memramcook) N.-B
ATTACHEMENT DE TEXTE


Crédits:
Photo: Musée Acadien, U. de Moncton

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Les levées, ce sont des remparts, des digues, tandis que les aboiteaux sont d'ingénieuses écluses qui s'ouvrent pour irriguer les terres et se referment contre les marées. Chacun avait la garde de la section qui bordait ses terres et ce système de sécurité collective - puissant lien de solidarité entre les Acadiens - a fonctionné sans faille jusqu'en 1939.

Pendant la guerre, pour construire et entretenir ces digues, la main-d'oeuvre manquait et l'eau faisait ici et là des trouées victorieuses, bien que l'ensemble résistât toujours aux pulsations énormes de la mer.

L'Évangéline, Moncton, 7 septembre 1954

24

Aboiteau, Anse des Cormier, N.B.
1984
Anse-des-Cormier (Memramcook) N.-B
ATTACHEMENT DE TEXTE


Crédits:
Photo: Musée Acadien, U. de Moncton

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La conduite d'échappement a donné à notre système de levées, ses caractéristiques propres. Sa construction devait assurer un bon écoulement de l'eau douce, mais une fermeture à l'eau salée. Ces conditions furent respectées par une vanne, appelée "clapet", qui bloquait l'entrée à l'eau salée, mais laissait sortir l'eau du pré. Son angle d'inclinaison vers la mer encourageait le procédé.

Yves Cormier

Les cahiers de la Société historique acadienne, Vol. 19, no. 1 - 2, 1988

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Vestiges d'aboiteau, Beaumont, N.B.
1984
Beaumont (Memramcook) N.-B
ATTACHEMENT DE TEXTE


Crédits:
Photo: Musée Acadien, U. de Moncton

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C'est difficile à mettre la terre sur la dalle avec les sapins pour conserver ça, pour pas que la mer peuve rentrer, miner. Parce que si vous commenciez à mettre la terre sur une dalle avec pas de sapins, ben les deux ou trois premières mers viendront pis ils laveriont tout ça. Vous auriez perdu tout votre ouvrage, qui peut durer deux ou trois mois.

Maintenant avec des sapins, les sapins ont la puissance ou le naturel ... la vase se tient dans les branches. Au lieu de se défaire, ça ramasse. Ça garde la vase. A commence à se maintenir là, qu'a fait une force avec le sapin. A fait une force que la mer ne défait pas.

Adolphe LeBlanc

Centre d'études acadiennes, U. de Moncton, Coll. P. Anselme Chiasson (1959)