10.1 La fin d'une époque et le début d'une autre
De conception innovatrice, le canal de Soulanges va néanmoins subir les affres du temps. Encore une fois, les avancées technologiques du monde maritime et les nouveaux besoins commerciaux et économiques scelleront définitivement le sort de cet ouvrage important. Dès les années 1930 avec l'agrandissement du canal Welland (1932), il devient évident que l'ensemble du réseau de canaux du Saint-Laurent doit être modifié afin de répondre adéquatement aux navires dont le tonnage augmente constamment et qui sont de plus en plus à l'étroit dans la majorité des écluses. Les autorités canadiennes trouveront une solution à cette problématique par la mise en chantier de la Voie maritime du Saint-Laurent. Profitant de l'appui du gouvernement américain, les travaux de construction débutèrent près de Cornwall le 10 août 1954 et se terminèrent à l'hiver 19581. L'ouverture officielle a eu lieu le 26 juin 1959. « Des six canaux et 32 écluses jusque-là nécessaires pour assurer la navigation de Montréal au lac Ontario, on n'utilisera plus que quatre canaux et sept grandes écluses, dont deux en territoire américain »2. Des bâtiments mesurant près de 230 mètres de longueur par 24 mètres de largeur, avec un tirant d'eau de 8,2 mètres, pourront dorénavant atteindre les Grands Lacs3.
1. François Cartier. Canal de Soulanges. D'un défi à l'autre. Les Coteaux, Société de développement du canal de Soulanges / Musée régional de Vaudreuil-Soulanges, 1999, p. 101.
2. Daniel Lauzon, dir. Bilan du patrimoine: transport, communication et service publics : Série 4000, fonction commerciale : série 5000. Québec, Les publications du Québec/ministère des Communications et de la Culture, Collection patrimoine : dossier, 1999, p. 69.
3. Mario Filion, dir. Histoire du Haut-Saint-Laurent. Sainte-Foy, Les Éditions de l'IQRC, 2000, p. 261.
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10. 2 Un canal abandonné
Ainsi, il n'est pas surprenant que le canal de Soulanges et l'ancien système de canaux du Saint-Laurent auquel il s'intégrait furent progressivement abandonnés. Les derniers navires traversèrent le canal de Soulanges à l'automne 1958. Dès l'année suivante, une partie des équipements de cette construction sera transférée aux vieux canaux de Lachine, de Sainte-Anne-de-Bellevue et de Chambly. Si certains des travailleurs prirent une retraite anticipée, un peu plus de la moitié demeurèrent au service du gouvernement fédéral. Des 132 ouvriers que composait le personnel du canal à l'époque, une soixantaine d'entre eux seront relocalisés à la Voie maritime du Saint-Laurent, 20 autres conserveront temporairement leur emploi à Soulanges afin de compléter graduellement la fermeture des installations et finalement, un plus petit nombre ira grossir le rang des travailleurs du canal de Lachine.
En 1960, les autorités démantèleront les ponts tournants pour les remplacer par des jetées de pierre. Afin de réaliser cette opération, les eaux du canal de Soulanges seront vidées. Réalisant que l'absence de pression d'eau provoquait des éboulis comme à l'époque de la construction du canal soixante ans plus tôt, celui-ci fut rempli de nouveau. Cinq ans plus tard, suite à des négociations, le canal et sa centrale hydroélectrique passèrent du gouvernement fédéral aux mains du gouvernement du Québec. Pratiquement moribond, il faut atteindre le début des années 1990, sous la tutelle de différents organismes de la région de Vaudreuil-Soulanges dont le Comité Piste cyclable Soulanges, pour que des projets de remise en valeur voient le jour afin que ce bijou du patrimoine québécois ne tombe définitivement dans l'oubli. Vestige incontournable du développement économique et industriel d'un pays, il est primordial que le canal de Soulanges continue de jouer un rôle prédominant au niveau patrimonial et touristique.
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