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Didier Joubert
2004
Montréal (Québec), Canada
ATTACHEMENT DE TEXTE


Crédits:
Cité historia

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La fabrication du cidre

Les notes sur la ''manière de faire le cidre'' au fort de la Montagne, rédigées par Antoine-Alexis Molin, p.s.s., vers 1810, et d'autres documents nous permettent de résumer la fabrication du cidre de la façon suivante:
- Les pommes sont cueillies puis remisées à l'abri des intempéries où elles finissent de mûrir et perdent leur humidité.
- Elles sont mesurées par pains, chaque pain équivalant à 54 poches de 2 minots (1 minot représente un peu plus d'un pied cube) puis placées dans l'enceinte de la pile.
- La pile se compose d'une auge circulaire et d'une meule de bois traversée par un essieu. Une extrémité de cet essieu est fixée à un axe vertical mobile au centre de sa pile. Un cheval est attelé à l'autre extrémité et sa marche autour de la pile entraîne le roulement de la meule dans l'auge et le broyage des pommes.
- Les pomme pilées forment une pâte appelée marc, qu'on dépose dans une cuve à l'aide d'une pelle de bois.
- Cette pâte doit fermenter un jour ou deux dans la cuve avant d'être pressée.
- On place sur la table du pressoir une première couche de marc, d'environ 4 pouces d'épaisseur, qu'on couvre d'un lit de paille longue. L'opération est répétée jusqu'à l'obtention d'un pain de 4 à 5 pieds de hauteur, plus large à la base qu'au sommet. Les lits de paille séparant les couches de pâte facilitent l'égout du jus et consolident le pain.
- Lorsque le pain est monté, on le laisse égoutter quelques temps, puis on y appuie le manteau du pressoir et l'on presse peu à peu.
- Le lendemain, lorsqu'il ne coule plus de jus, on remonte le mouton. On coupe alors le pourtour du pain, on dépose ces ''coupures'' sur le dessus du pain et on presse à nouveau. Cette opération peut être répétée 2 ou 3 fois.
- Au fort de la Montagne, le marc est répandu dans le grand verger ''pour que les volailles et les paons surtout mangent les pépins''.
- Le cidre est mis à fermenter dans des barriques qu'il convient de ne jamais remplir à ras bords, ni de boucher. La fermentation est si violente que les barriques éclateraient.
- Lorsque la fermentation est terminée, le cidre doit être entreposé dans des barriques ou dans des quarts (contenants plus petits) qu'on prend soin de remplir et de bien sceller.
- Le père Molin conseille de ne jamais presser après la Saint-Martin (le 11 novembre), d'embouteiller le cidre au mois de mars puis d'attendre encore de 6 à 8 semaines avant de le boire.
Il s'agit là bien sûr, du processus général de fabrication, car chaque producteur devait avoir sa recette personnelle pour obtenir un cidre à son goût.


Quelques détails supplémentaires

Les pommes servant à faire le cidre étaient généralement de petites pommes sauvages ou des variétés rustiques. Tout comme le vin, fréquemment élaboré à partir de divers cépages, le cidre pouvait être composé de plusieurs variétés de pommes. Les fruits employés étant très durs, on leur additionnait parfois un peu d'eau dans la pile, afin d'obtenir une pâte plus juteuse. Ici, comme en France, certains ajoutaient aux pommes une faible quantité de poires. On fabriquait aussi du poiré, boisson fermentée faite avec le jus de poire.

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Maquette du pressoir
2006
Montréal (Québec), Canada
ATTACHEMENT DE TEXTE


Crédits:
Cité historia
Photo: Joan Doré

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La maquette du pressoir

La maquette représente à l'échelle 1:6 une partie du bâtiment dans laquelle est insérée une des deux machines qui s'y trouvaient.

La maquette reprend la structure du bâtiment telle qu'elle était à l'origine peu après sa construction vers 1806 et avant sa transformation en habitation, après 1841. On a donc le loisir de voir l'assemblage des colombages au moment où ils étaient de simples poteaux reliés par des aisseliers et des entretoises. Le bâtiment était alors entièrement en bois et possédait un toit à quatre versants. L'inventaire des biens après le décès de Didier Joubert nous renseigne sur le bâtiment mais ne décrit pas la machine.

On ne retrouve qu'une mention de la machine du pressoir dans les actes notariés. L'inventaire des biens de la communauté de Marie-Louise Juteau et F.X. Racicot inclut: ''L'agrès d'un pressoir complet...'' mais il ne nous donne pas de renseignements sur le genre de machine. On ne connaît donc pas la forme exacte de la machine utilisée par Didier Joubert.

Cependant, deux documents, de même que l'analyse du bâtiment après le curetage et les fouilles archéologiques, nous ont permis d'avancer une hypothèse pour représenter les deux machines qui se trouvaient dans le bâtiment du pressoir du Sault-au-Récollet.

Un premier document d'intérêt local est un texte conservé aux archives du Séminaire. Il décrit le mode de fabrication du cidre au fort de la Montagne vers 1810. Tout au long de cette description, le document réfère aux parties d'un instrument alors en usage. Comme Joubert était un mandataire des Sulpiciens, il y a lieu de croire qu'il opère au même moment un instrument semblable.

Le second document est une description très détaillée et illustrée d'un pressoir à cidre que l'on trouve dans l'Encyclopédie de Diderot (1780). Ce document nous permet de comprendre le fonctionnement de la machine du Sault-au-Récollet qui, comme celle de la Montagne, utilise à peu près le même équipement.

Enfin, les vestiges présents dans la cave de la maison et les entailles observées dans les poutres du plafond nous ont fourni des indications très précises sur le type et les dimensions de chacun des pressoirs.


Les autres types de pressoir

Le type de pressoir qui se trouvait au Sault-au-Récollet et au fort de la Montagne était aussi en usage en France et dans certains états américains de la côte Est, notamment en Pennsylvanie et dans les états voisins.

Un autre type de pressoir, plus facile à manipuler et occupant moins d'espace, était très répandu aussi bien en Europe qu'en Amérique. Cet autre type de machine ne comportait pas de grands arbres mais une vis placée directement au-dessus de la table. Certains de ces appareils comportaient deux et même trois vis.

Anciennement, toutes les pièces de ces machines étaient en bois, mais le métal s'y substitua progressivement, notamment pour les vis. L'utilisation du métal et d'autres améliorations permirent l'apparition, à l'époque victorienne, de pressoirs mobiles. Un broyeur et un pressoir, montés sur une plate-forme tirée par des chevaux, pouvaient être déplacés d'un verger à l'autre, de village en village.

La production du cidre, comme bien d'autres, a été profondément transformée par l'industrialisation. Cependant, dans divers pays, des producteurs artisanaux utilisent toujours des pressoirs traditionnels et quelques musées comptent de vieux pressoirs à cidre dans leurs collections.

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Tirants
1806
Sault-au-Récollet [Montréal] (Québec), Canada
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Crédits:
Cité historia

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Schéma du pressoir et fonctionnement

L'appareil est composé de deux pièces maîtresses appelées ''arbres'', dont l'une est fixe, placée à la partie inférieure et nommée la ''brebis'' (A), et l'autre est mobile, placée à la partie supérieure et nommée le ''mouton'' (B). Chacune de ces pièces pesait deux tonnes et demie en vraie grandeur et pouvait exercer une poussée de plus de trente tonnes.
À une extrémité les arbres sont traversés par une forte ''vis de bois'' (C). Au centre s'élève une paire de ''jumelles'' (D) (montants verticaux) qui encadrent les arbres et les tiennent en équilibre. À l'autre extrémité se trouve une autre paire de jumelles ayant la même fonction et deux tiges de métal, les ''tirants'' (F), pour prendre soin des fortes tensions verticales. L'arbre supérieur (le mouton) monte et descend au besoin entre ces deux paires de jumelles. Au milieu, entre les jumelles, se trouve une base de maçonnerie, le tablier, pour supporter la ''table'' (G) du pressoir.
Sur la table sont déposées les pommes pilées. On les monte en ''pain'' (H) qui doit être comprimé par un panneau, le ''manteau'' (I) qui transmet les pressions exercées par le mouton.
On peut voir dans les jumelles de grandes mortaises permettant d'y glisser les ''clés de bois'' (E) nécessaires à l'opération de la machine. Une clef spéciale relie la vis à la brebis. De même, ''l'écrou'' (J) transmet l'action de la vis au mouton. Enfin, le jus de pomme s'écoule par une gouttière, le ''béron'' (K) et tombe dans une cuve, contenant au moins une tonne. Cette cuve pouvait être tassée contre la partie concave du tablier construit sous la table du pressoir.

On opère la machine en faisant tourner la vis de façon à obtenir un jeu de bascule du mouton en va-et-vient, soit montant, soit descendant, par rapport à la brebis. Ce mouvement est sûrement à l'origine de la nomenclature de ces pièces... Ce mouvement se fait vers le bas pour presser et en direction du haut pour charger le pressoir. On obtient la bonne direction du mouton en plaçant et en enlevant dans les jumelles, les clés aux bons endroits.

Cette opération est très délicate, car toutes les pièces de la machine subissent de très fortes pressions et travaillent à la limite de résistance des matériaux. C'est pourquoi les directives des Sulpiciens étaient claires à ce sujet. Nul ne devait toucher à la machine sans la présence du ''maître pressier'' qui était seul responsable des opérations.

Comment cette machine était-elle placée dans le bâtiment? On peut voir à l'examen des vestiges que les deux pressoirs devaient être placés dans le sens longitudinal du bâtiment. La base de ''maçonnerie'' (X) supportant la table du pressoir est légèrement concave pour permettre d'insérer la cuve qui recueillait le jus de pomme. Le ''muret'' (Y) devait supporter les jumelles du bout des arbres. Les deux tiges attenantes sont ancrées dans le roc et grâce à des tirants, pouvaient prendre charge des fortes pressions ascendantes que générait l'extrémité du mouton suivant le système de levier. Quatre ''entailles'' (Z), placées deux-à-deux, chacune en face l'une de l'autre sur les poutres du plafond, peuvent correspondre à l'emplacement de deux chevêtres servant à maintenir les jumelles centrales en les assujettissant à la structure du bâtiment.

Toutes ces données particulières se retrouvent symétriquement le long des deux murs longitudinaux du bâtiment laissant voir la présence d'un deuxième pressoir avec, cependant, une table légèrement plus petite. Ce deuxième pressoir permettait d'alterner d'une machine à l'autre les opérations de chargement, de pressurage et de déchargement.

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Schéma du pressoir
1988
Montréal (Québec), Canada
ATTACHEMENT DE TEXTE


Crédits:
Cité historia
Communauté Urbaine de Montréal, Service de la mise en valeur du territoire

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La récolte de pommes
20e siècle

ATTACHEMENT DE TEXTE


Crédits:
Collection Cité historia

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La fabrication artisanale du cidre
19e siècle

ATTACHEMENT DE TEXTE


10

La coupe du pain de pommes



Crédits:
Cité historia

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Presse à jus
fin du 19e siècle
Montréal (Québec), Canada
ATTACHEMENT DE TEXTE


Crédits:
Cité historia

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Pressoir mobile
fin 19e siècle, début 20e siècle

ATTACHEMENT DE TEXTE


Crédits:
Quinion, Michael B. ''Cidermaking'', Shire Publications Ltd., 1986, 32 p.