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1760 : La Conquête

Dans la nuit du 6 au 7 septembre 1760, Pierre de Rigaud de Vaudreuil, dernier gouverneur général de la Nouvelle-France, tient un conseil de guerre avec ses principaux généraux afin de prendre en considération les conséquences d'une éventuelle capitulation face aux Britanniques. Vaudreuil tient aux honneurs de la guerre pour ses troupes et surtout, à la protection des droits religieux, judiciaires et matériels des Canadiens.

Le 8 septembre 1760, près d'un an après la défaite de Montcalm sur les Plaines d'Abraham, les Britanniques, sous le commandement de Jeffrey Amherst, s'emparent de Montréal. La capitulation de Montréal officialise la passation de la colonie française aux mains de l'Angleterre. C'est la Conquête. Enfin, le Traité de Paris ratifié en 1763 confirme le changement de métropole, mais surtout, la victoire de l'Angleterre sur la France lors de la Guerre de Sept Ans.

Aux dires de lord Durham, l'Angleterre se devait « de traiter le pays conquis comme un pays ouvert aux vainqueurs ; d'encourager leur émigration ; de regarder la race conquise comme entièrement subordonnée et de s'efforcer, aussi promptement que possible, d'assimiler le caractère et les institutions des nouveaux sujets à ceux de la grande masse de l'Empire ». En soit, le but premier de la nouvelle mère-patrie est d'assimiler le peuple conquis.

Le 22 juin 1774, dans le but d'éviter une possible alliance du peuple canadien aux Américains dans leur guerre d'indépendance, l'Angleterre proclame l'Acte de Québec qui entre en vigueur le 1er mai 1775. Celui-ci assure les libertés religieuses, le droit civil français, le maintien du régime seigneurial et la permission aux Canadiens français de participer à l'administration de la colonie. De plus, les frontières de la Province of Quebec s'élargissent aux Grands-Lacs limitant par le fait même le désir d'expansion des 13 colonies américaines vers l'ouest.

1791 : L'Acte constitutionnel

L'Acte constitutionnel de 1791 tire son origine de la guerre d'indépendance américaine qui, en réalité, retarde la création d'une chambre d'assemblée au Canada. Cette guerre sanglante amène plusieurs milliers de Loyalistes à migrer vers les colonies d'Amérique du Nord demeurées fidèles à l'Angleterre. La voix de ces nouveaux arrivants s'ajoute alors à celle des Britanniques arrivés au Bas-Canada après la Conquête de 1760 et des réformistes canadiens-français qui, ensemble, réclament notamment des institutions parlementaires et le passage du code civil français aux lois britanniques.

À la suite de quelques pétitions, « le gouverneur Guy Carleton crée en 1786 deux comités chargés d'étudier la question ». À Londres, le Premier ministre William Pitt et son secrétaire d'État aux Colonies étudient aussi profondément la question. On désire avant tout établir un équilibre entre les institutions représentatives et le pouvoir aristocratique.

Le 10 juin 1791 est adopté l'Acte constitutionnel (Anno Tricesimo Primo 31, Geo. III, c. XXXI). La Province of Quebec est ainsi divisée en deux colonies distinctes – le Haut et le Bas-Canada – chacune dotée d'institutions représentatives, dont une Assemblée législative. Leur population respective est, en 1791, de 14 000 habitants dans le Haut-Canada et de 100 000 dans le Bas-Canada.

Le gouverneur représente évidemment l'autorité suprême du roi d'Angleterre dans ce nouveau parlementarisme nord-américain. Il a le pouvoir de sanctionner ou de désavouer les projets de lois, de convoquer, proroger ou dissoudre la Chambre d'assemblée et le Conseil législatif, et enfin d'organiser les élections.

Sous le gouverneur, deux conseils lui sont subordonnés. D'abord, le Conseil exécutif, dont les membres sont nommés par Londres sur les recommandations du gouverneur « et qui n'ont de compte à rendre que devant ce dernier », peut être comparé de nos jours au Conseil des ministres. Le Conseil législatif est pour sa part formé de 15 personnes nommées à vie par le gouverneur. Le Sénat d'aujourd'hui est l'héritier direct de cette formation. En soit, ce système laisse libre cours au favoritisme du gouverneur en place qui nomme proches et amis aux postes clés du gouvernement.

Enfin, la seule véritable institution parlementaire représentative est l'Assemblée législative (communément appelée la Chambre d'assemblée). En 1791, elle est formée de 50 députés élus pour un mandat de 4 ans au suffrage populaire (selon certains critères) dans 25 comtés. En 1829, le nombre de députés est de 84 et de 90 à la veille des troubles.

Les origines des troubles politiques, menant ultimement à la prise des armes de 1837-1838, proviennent de cette hiérarchisation politique (voir le schéma ci-joint). Les pouvoirs législatifs de la Chambre d'assemblée sont donc très limités. Il faut savoir que tous les projets de lois adoptés par les députés en Chambre sont ensuite soumis et doivent être adoptés par les Conseils exécutif et législatif et obtenir la sanction du gouverneur. Vers le milieu des années 1820, les relations sont excessivement tendues entre la Chambre « basse » et l'exécutif. En fait, la députation, pour la plupart d'origine canadienne-française, tente de voter des lois qui sont presque toujours systématiquement refusées ou durement amendées. L'insatisfaction s'accentue au sein de la coalition canadienne que l'on appelle couramment Parti canadien et qui est dirigée par les Bédard, Panet et Papineau.

Le 21 juin 1815, la figure montante du Parti canadien et jeune avocat de profession, Louis-Joseph Papineau, député depuis 1808, est élu au poste d'orateur de la Chambre d'assemblée ; un poste crucial puisque ce dernier dirige les débats, détient une voix prépondérante en cas d'égalité et est autorisé à s'exprimer au nom de l'Assemblée législative tout en assurant les communications avec le Conseil législatif et le gouverneur. Le puissant leadership ainsi que le charisme de Papineau, qui incarne graduellement à lui-seul son parti, amènera inévitablement des conflits de personnalités avec les différents gouverneurs qui se succéderont entre 1820 et 1837. Les crises parlementaires sont donc sporadiques entre les différentes instances politiques.

Après les crises engendrées par l'exclusion du député juif Hart (1808), le débat sur l'éligibilité des juges et la querelle des prisons (1809), il convient de souligner la première grande crise politique à survenir durant l'administration du gouverneur James Craig. Francophobe avoué en qui l'on voit un représentant du népotisme, Craig est accusé de ne pas respecter la volonté populaire puisque, insatisfait de la composition de l'Assemblée législative, il la dissout à trois reprises en 16 mois en 1808-1809. Le jeune quotidien Le Canadien est d'ailleurs fermé et saccagé par les autorités durant cette période trouble, ses propriétaires étant incarcérés tout aussi rapidement. La crise sous Craig se conclut finalement avec le départ du gouverneur en mars 1811. Avec ce rappel, Londres apparaît désormais conciliante envers sa colonie. Cette (fausse) croyance sera présente au pays jusqu'à la réception des résolutions Russell au printemps 1837.

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Capitulation de Montréal en 1760
1800
Montréal
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Tableau politique depuis 1791
10 décembre 2005

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4

Assemblée législative du Bas Canada
1793
Montréal
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5

Pierre Stanislas Bédard
1810

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6

Joseph Papineau
1882

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