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C'est en 1830 que le comté des Deux-Montagnes est créé par le fractionnement du comté d'York en ceux d'Ottawa, Vaudreuil et Deux-Montagnes. Le recensement de l'année suivante nous indique que le comté des Deux-Montagnes est le quatrième au Bas-Canada au niveau de sa population, soit 23 706 habitants, après ceux de Montréal, Québec et Berthier, sur un total bas-canadien d'environ 555 000 personnes.

Après quelques années d'accalmie politique, l'année 1834 marque de manière indéniable l'histoire du mouvement patriote pour deux raisons principales : l'adoption des 92 Résolutions et les élections générales de novembre. Ce sont avant tout les 92 Résolutions qui lancent véritablement l'agenda politique qui se termine avec le recours aux armes en 1837-1838. Le document est rédigé vers la fin de 1833 par Louis-Joseph Papineau et Augustin-Norbert Morin, député de Bellechasse. Il est déposé en Chambre le 7 janvier 1834 et il est adopté en troisième lecture le 22 février suivant par 56 voix contre 23. Deux grands objectifs sont visés avec la publication de ce fameux texte législatif : canaliser le mécontentement populaire et constituer un bloc de revendications homogènes et indissociables.

Le Parti patriote passe ainsi de la résistance passive en mode revendicatif. De plus, il jouit d'une conjoncture idéale puisque l'engouement populaire est palpable. Nous pouvons regrouper le contenu des 92 Résolutions en cinq grandes catégories. L'historien Robert Rumilly les résume ainsi : d'abord, on réclame l'élection populaire du Conseil législatif (la Solution Papineau). On demande ensuite la responsabilité directe du Conseil exécutif devant la Chambre, c'est-à-dire la fameuse responsabilité ministérielle. Les députés patriotes réclament de plus « la cession immédiate à la Chambre d'assemblée de tous les revenus de la province, sans aucune stipulation préalable pour une liste civile, la rénovation de certaines lois du Parlement impérial comme la loi des tenures et la loi plus récente autorisant une compagnie à posséder des terres dans le Bas-Canada et le contrôle par le Parlement provincial de l'administration de la colonisation des terres de la Couronne » ; pensons au système des cantons exploité entre autre par la British American Land Company, sans compter les réserves du clergé ou le surnombre de bureaux d'administration des terres.

Les 92 Résolutions sont véritablement reçues par certains tories comme une véritable déclaration d'indépendance. Selon l'historien Fernand Ouellet, « il ne fait aucun doute que ce manifeste nationaliste pouvait être perçu […] comme un manifeste révolutionnaire […] ». Les conséquences d'une telle radicalisation du Parti patriote sont importantes pour la suite des événements. L'adoption des Résolutions amène désormais plusieurs députés patriotes modérés – la majorité du district de Québec – à dénoncer celles-ci. Une scission s'opère au sein même du Parti patriote. Les leaders John Neilson, Andrew Stuart, Joseph Quesnel, Pierre-Dominique Debartzch, Austin Cuvillier et d'autres quittent les rangs de la coalition patriote. Ils deviendront graduellement, pour quelques-uns d'entre-eux, les plus ardents adversaires des patriotes en 1837-1838.

S'offrent à Papineau et ses amis deux stratégies, à la suite du refus du Conseil législatif d'entériner les 92 Résolutions ; d'abord en faisant des pressions directement sur Londres puisqu'on croyait toujours en sa bienveillance, et ensuite en engageant le processus populaire par l'élaboration des assemblées publiques en vue de structurer les assises du mouvement patriote dans tous les comtés de la province et ce, par la création de comités de comté afin de faire légitimer les 92 Résolutions.

On envoie ensuite les Résolutions accompagnées d'une pétition de 78 000 noms à Londres afin d'alerter, comme nous le disions, les autorités britanniques de la mauvaise gestion et des abus générés dans leur colonie d'Amérique du Nord par leurs gouverneurs. En Angleterre, la Commission Grey-Gibbs est d'ailleurs chargée d'étudier la question. Directement au sein même de la Chambre des Communes en Angleterre, des députés radicaux défendent la cause patriote. Ce sont les Philosophic Radicals ayant notamment à leur tête John A. Roebuck, député de Bath et agent officiel de l'Assemblée législative du Bas-Canada, et son secrétaire Henry S. Chapman, Joseph Hume, député de Middlesex, John Temple Leader, jeune député de Westminster depuis 1835, William Molesworth, un proche de Durham, le baron Henry Peter Brougham, seul défenseur de la cause patriote au sein de la Chambre haute (House of Lords) ainsi que Daniel O'Connell, important leader irlandais à la tête d'une trentaine de députés.

La période qui suit (1834 à 1837) en est une d'attente pour les Papineauistes. Marquée par une mobilisation patriote et loyale, elle est ponctuée de plusieurs dizaines d'assemblées populaires.

1834 est aussi une année charnière en raison des élections générales qui se déroulent en novembre 1834. Sur fond des 92 Résolutions, cette première véritable élection « partisane » de l'histoire du Québec est marquée par une violence omniprésente. La population y est très divisée et la dynamique sociopolitique y est intense, particulièrement dans le comté des Deux-Montagnes. Deux importantes factions s'opposent depuis plusieurs années, surtout à Saint-Eustache. Du côté constitutionnel, on retrouve le clan seigneurial réunissant les grandes familles propriétaires de la région et quelques notables et marchands. Le clan réformiste est pour sa part formé principalement de la petite bourgeoisie professionnelle.

Une polarisation géographique est aussi palpable. Les paroisses, villages et cantons de Saint-André, Lachute, Grenville, Carillon, Chatham et Gore sont à juste titre considérés loyalistes tandis que les paroisses de Saint-Benoît, Sainte-Scholastique, Saint-Hermas, Saint-Colomban sont réputées pour être traditionnellement patriotes. Le cas de Saint-Eustache est toutefois particulier. Politiquement divisés, patriotes et bureaucrates se côtoient au village et dans la paroisse.

Au cours de l'été et de l'automne 1834, les candidats sont choisis en vue de l'élection. Du côté patriote, le notaire Jean-Joseph Girouard de Saint-Benoît et William Henry Scott, marchand à Saint-Eustache, sont en lice. Chez les constitutionnels, Frédéric-Eugène Globensky, notaire de Saint-Eustache, et James Brown, imprimeur de Saint-André, sont les candidats dans Deux-Montagnes.

L'élection débute d'abord à Saint-André, dans la seigneurie d'Argenteuil, le 4 novembre 1834. À l'ajournement du poll le 10 novembre, Scott, Dumouchel et Barcelo sont assaillis par une bande d'Écossais armés de bâtons. Pris en embuscade, les trois hommes réussissent à s'échapper, non sans avoir essuyé quelques blessures. Le 13 novembre, le poll se transporte à Saint-Eustache, second lieu de votation. La violence est encore au rendez-vous. Un affrontement se produit même sur la Grand-rue. On y dénombre deux blessés irlandais dans le clan patriote et une vingtaine chez les loyaux. Le lendemain, l'officier-rapporteur Stephen Mackay annonce publiquement le désistement des candidats constitutionnels. Scott et Girouard sont dûment élus, malgré leur insistance à poursuivre l'élection.

Les députés du comté des Deux-Montagnes Scott et Girouard interviennent peu en Chambre lors des débats parlementaires. Ils sont toutefois le point d'encrage du mouvement patriote dans la région des Deux-Montagnes. Aux côtés d'autres leaders, ils sont les instigateurs de plusieurs assemblées politiques entre 1834 et 1837.

Dans l'ensemble du Bas-Canada, les élections générales de 1834 « consacrent, aux dires de l'historien Gilles Laporte, la double victoire des 92 Résolutions et du leadership de Louis-Joseph Papineau ». Le Parti patriote remporte 77 des 88 sièges. La table est mise pour d'éventuels affrontements politiques et militaires puisqu'à partir de ce moment, les loyaux savent pertinemment qu'ils ne remporteront plus d'élections. En fait, la victoire des intérêts des marchands britanniques passera, non plus par la lutte légale et démocratique, mais bien par une pression exercée sur la Couronne britannique et en poussant graduellement le mouvement patriote sur la voie de l'illégalité.

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Habitant canadien
1868

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Drapeau des patriotes
10 décembre 2005

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4

Louis Joseph Papineau
1820

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5

Elzéar Bédard
1830

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6

Augustin Norbert Morin
1838

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