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La mi-novembre 1837 marque un tournant important dans la radicalisation du mouvement patriote du comté des Deux-Montagnes. On y observe un changement au niveau du leadership régional patriote.

Le 16 novembre 1837, le gouverneur Gosford émet des mandats d'arrestation contre 26 chefs patriotes dont Louis-Joseph Papineau et Jean-Olivier Chénier, ainsi que les deux députés du comtés des Deux-Montagnes, Jean-Joseph Girouard et William Henry Scott pour qui il offre une récompense de 500£. Deux choix s'offrent donc aux leaders patriotes dont la tête est mise à prix : soit de se laisser arrêter ou, au contraire, de résister à leur arrestation en se réfugiant dans les principaux bastions patriotes les plus susceptibles de les défendre. En 1837, ces endroits sont les villages de Saint-Denis et Saint-Charles dans le comté de Richelieu, et ceux de Saint-Benoît et Saint-Eustache dans le comté des Deux-Montagnes.

Après un conciliabule quelque peu improvisé réunissant Edmund B. O'Callaghan, Louis-Joseph Papineau et Jean-Philippe Boucher-Belleville, « l'intellectuel militant » Amury Girod semble prendre l'initiative de se rendre au nord de Montréal afin d'y organiser les forces. D'origine suisse, Girod prend rapidement les commandes de l'organisation à Saint-Eustache aux côtés de Chénier. Il est d'ailleurs nommé « général de l'armée du Nord ».

Dans les jours suivants, une « délégation » de jeunes professionnels provenant des Fils de la liberté arrive dans le comté des Deux-Montagnes. Ce sont Jean-Baptiste-Henri Brien et André-Benjamin Papineau (cousin de Louis-Joseph), respectivement docteur et notaire dans la paroisse de Saint-Martin sur l'île Jésus, Richard Hubert et Féréol Peltier, avocats de Montréal, ainsi que trois membres de la famille De Lorimier, à savoir François-Marie-Thomas Chevalier (notaire), Chamilly (avocat) et Georges-Gédéon (étudiant en médecine).

« Les notables réformistes qui dirigeaient politiquement le comté sont donc en quelque sorte « substitués » par d'autres membres des professions libérales, quoi que plus jeunes et venant de l'extérieur de la région ». Sous les ordres de Girod et Chénier, le mouvement patriote prend une tangente militaire extraordinaire. Ainsi, les « vieux chefs » que sont Raizenne, Berthelot, Dumouchel père, Barcelo, Lemaire, perdent graduellement le contrôle de leur nouvelle « République ». D'autres leaders, tels William Henry Scott et Émery Féré, deux réformistes de la première heure, s'affichent désormais ouvertement contre la résistance armée prônée par Chénier et Girod. Le cas de Scott est particulier puisque sa tête est non seulement mise à prix par les autorités, mais aussi par les patriotes radicaux qui lui reprochent de ne pas vouloir se mettre à leur tête. En conséquence, il se rend chez son frère cadet Neil, marchand à Sainte-Thérèse. De sons côté, l'arpenteur Émery Féré est constitué prisonnier à Saint-Eustache au soir du 2 décembre 1837 par les hommes de Chénier.

Les insurgés de Saint-Benoît – Jean-Baptiste Dumouchel et ses fils, les frères Masson, Jean-Joseph Girouard, James Watts, Louis Coursolles et le curé Étienne Chartier – élaborent quant à eux quelques retranchements aux environs de Grand-Brûlé afin de ralentir une éventuelle marche des troupes en provenance de la seigneurie d'Argenteuil et de Glengarry, dans le Haut-Canada. Le principal camp armé est cependant formé au village de Saint-Eustache, alors déserté par plusieurs familles influentes. Le seul endroit pouvant servir de fortification aux patriotes de Saint-Eustache est le quadrilatère formé par l'église paroissiale, le presbytère du curé Jacques Paquin, le couvent récemment construit ainsi que le manoir de la famille Lambert-Dumont. Le 1er décembre, Chénier se rend au presbytère afin de réclamer les clés du couvent au curé Paquin. L'ardent loyaliste s'y refuse évidemment, provoquant la colère du chef patriote qui s'empare par la force des clés du couvent qui devient le quartier général des patriotes de Saint-Eustache.

À l'aube de l'historique bataille de Saint-Eustache, une certaine structure militaire se met en place à Saint-Eustache. Le général Girod a sous commandement, outre le major Chénier et les nouveaux venus de Montréal, quelques cultivateurs de la région à divers grades subalternes. Mentionnons les noms de Jacques et Pierre Dubeau, François-Xavier Grignon, Christophe et Joseph Guitard, ainsi que plusieurs membres des familles Aubry, Beauchamp, Beautron dit Major, Bélanger, Cabana, Danis, Doré, Groulx, Guérin, Guindon, Lanthier et Legault dit Deslauriers. Quelques jours avant l'affrontement, ces gens seront la cause directe ou indirecte de la plupart des actes de répression commis à l'endroit des loyaux, surtout à Saint-Eustache, mais aussi dans tout le comté des Deux-Montagnes.

Le camp armé de Saint-Eustache amène bientôt quelques centaines d'hommes venus supporter et défendre leurs chefs, ou, à tout le moins, venus profiter de l'abondance et du bon temps au village. Avec cette affluence accrue, trois principaux problèmes de logistique apparaissent. Les leaders doivent d'abord loger les nouveaux arrivants. Ceux-ci auront le loisir de s'héberger entre autres dans les auberges du village laissées vacantes par leurs propriétaires, dont celle de David Mitchell, mais aussi dans les maisons appartenant aux loyaux qui ont déserté la région, victime de répression (charivari).

Le second besoin du camp de Saint-Eustache se porte sur l'approvisionnement en nourriture. Le général Girod tentera en vain de sauvegarder les propriétés privées qui sont régulièrement victimes de « réquisitions » de la part des insurgés indisciplinés. Plusieurs groupes de rebelles sillonnent ainsi les rangs de la paroisse à la recherche de nourriture et de munitions. À Saint-Eustache même, les magasins généraux d'Hubert Globensky et de James Gentle sont notamment pillés par les résistants qui prennent soin d'emporter toutes boissons alcoolisées.

Toutefois, avec l'accroissement du pillage et l'augmentation du nombre de charivaris politiques envers les loyaux de la région, le climat devient vite insupportable pour les familles de ces derniers. Les familles seigneuriales se voient en quelque sorte dans l'obligation de quitter la région afin de trouver refuge la plupart à Montréal.

Le troisième problème de logistique concerne évidemment l'approvisionnement du camp de Saint-Eustache en armes. À ce sujet, on organise une expédition sur la Mission d'Oka où se trouve un comptoir de la Compagnie de la Baie-d'Hudson. Girod quitte Saint-Eustache au soir du 29 novembre en compagnie de 80 personnes, pour la plupart armées. Au matin du 30 novembre, il est rejoint par Chénier à la tête d'une centaine d'hommes plus ou moins indisciplinés. À Oka, le groupe cerne la maison de l'agent McTavish, le séminaire, ainsi que le magasin de la Baie-d'Hudson. Le butin est maigre, à savoir huit fusils, deux livres de poudre et 1 200 livres plomb. Girod et Chénier se rendent ensuite au presbytère occupé par le curé Dufresne, supérieur de la Mission d'Oka. Malgré l'intransigeance du curé à leur céder un canon, les deux chefs rebelles le prennent néanmoins par la force. Girod rencontre ensuite les chefs iroquois qui souhaitent toutefois maintenir leur neutralité dans le conflit qui oppose les patriotes au gouvernement britannique. Peu désireux d'en venir à un conflit ouvert avec les Indiens, Girod et son groupe quittent la Mission du Lac des Deux-Montagnes en emportant leur maigre butin. Le canon est entreposé à Saint-Benoît, mais ne sert pas lors des troubles de décembre 1837. Il apprendra plus tard avec stupeur que les Amérindiens d'Oka auraient remis leurs canons aux loyalistes de Saint-André.

Quoi qu'il en soit, Girod et Chénier s'attendent à être attaqué par l'armée régulière en provenance de Montréal. Le 6 décembre 1837, afin d'empêcher, ou du moins de ralentir les troupes régulières, Girod envoie une vingtaine d'hommes de Saint-Eustache vers Sainte-Thérèse dans le but de détruire le pont Porteous qui relie cette paroisse à celle de Sainte-Rose sur l'île Jésus. D'après quelques dépositions, ce sont Louis Coursolles, aubergiste de Saint-Benoît, et l'avocat montréalais Richard Hubert, qui dirigent le contingent. On réussit à affaiblir les poutres du pont tant et si bien que l'armée ne pourra l'emprunter lors de sa marche vers Saint-Eustache.

Parallèlement à la mobilisation des insurgés dans le comté des Deux-Montagnes, les loyaux s'organisent dans la seigneurie d'Argenteuil et à Saint-Eustache. À Montréal, Colborne prépare ses effectifs en vue de la campagne projetée au nord de Montréal.

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Déposition de Michel Cheval
1838

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3

Expédition sur Oka
14 janvier 1888
Oka
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4

Bon du gouvernement provisoire
2 décembre 1837
Saint-Eustache
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5

Hubert Globensky
1870
Inconnu
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6

Témoignage de Marc Ladouceur
29 janvier 1838

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7

André Benjamin Papineau
1838

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8

Richard Hubert
1838

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9

Jean Baptiste Henri Brien
1838

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10

Georges Gédéon de Lorimier
1838

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