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Le curé Victor Rousselot (qui comptait un de ses frères au sein de la communauté de Bellefontaine), de la paroisse Notre-Dame de Montréal, songea à réactiver l'ancien projet de fondation d'un monastère en terre canadienne en apprenant que les soldats français s'apprêtaient à chasser les moines de Bellefontaine de leur Abbaye en 1880. Il pensa donc à offrir aux moines un immense terrain à même la seigneurie des Messieurs de Saint-Sulpice, au Lac des Deux-Montagnes. M. Rousselot entrevoyait déjà tous les avantages de la création d'une ferme modèle dans la région de Montréal, car les moines de Bellefontaine étaient reconnus pour leurs grands talents d'agriculteurs.

C'est à la fin de janvier 1881 que le père abbé de Bellefontaine annonça au curé Rousselot qu'il acceptait d'envoyer dans le diocèse de Montréal quelques moines qui deviendraient en vérité les fondateurs véritables de l'abbaye tant souhaitée. Dans une missive du 29 janvier, Dom Jean-Marie annonçait la bonne nouvelle au curé Rousselot. Ce précieux document conservé dans les Archives du monastère d'Oka fait part de la décision de la communauté de Bellefontaine d'accepter l'invitation du diocèse de Montréal et des Messieurs de Saint-Sulpice. Ils tenteront donc de créer cette fameuse école modèle tout en les mettant en garde «contre les grands espoirs que pourrait susciter la venue des moines en terre québécoise».

Dom Jean-Marie Chouteau, abbé de Bellefontaine, et le Père Jean-Baptiste Gaudin quittèrent donc Le Havre le 26 mars 1881 en route pour le Canada. Arrivés à New-York le 7 avril 1881, les deux moines se retrouvèrent à Montréal dès le lendemain matin où il furent accueillis au séminaire des Sulpiciens avec chaleur et émotion par les Messieurs de Saint-Sulpice. Dès le jour suivant, ils se rendirent à l'évêché présenter leurs hommages à Mgr Fabre.

Les Sulpiciens, après plusieurs discussions, cédèrent enfin aux Trappistes un domaine de 1000 arpents. C'était le 3 mai 1881. Mais les moines n'avaient absolument aucune ressource, sauf leur travail, leur courage et une foi inébranlable. Ils n'avaient consenti à venir en Amérique pour y fonder une communauté que dans la mesure où ils avaient reçu la promesse d'une assistance financière du gouvernement de la province. Ils reçurent cette aide mais elle se fit attendre longtemps et causa aux religieux de bien vives inquiétudes. De même les relations avec les Sulpiciens ne furent pas toujours faciles, car les Trappistes étaient des hommes de Dieu, pas des «hommes d'affaires».

Installés dans la maison du meunier depuis leur arrivée dans la seigneurie, ils manquèrent rapidement d'espace. En effet, le 25 mai 1881, ils confièrent, par contrat, la construction d'un premier monastère en bois à l'architecte Leprohon et un entrepreneur du nom de Malo. Dès le lendemain, Dom Jean-Marie rentre à Bellefontaine. Le 8 septembre, Mgr Fabre vient bénir le monastère en construction. En ce jour, la communauté naissante a deux raisons de se réjouir: elle reçoit la visite de l'évêque du diocèse et apprend que le père Guillaume Lehaye est nommé Prieur de Notre-Dame-du-Lac. Les travaux de construction avançaient rapidement et à la fin de septembre, charpentiers et menuisiers quittèrent le chantier, et les moines se chargèrent de terminer les menus travaux. C'est le 9 novembre que la petite communauté passa sa première nuit dans son premier vrai monastère en haut de la colline.

Références :

Les archives de l'Abbaye Notre-Dame-du-Lac

Les archives de l'Université de Montréal

Ouvriers de la parole, 1881-1981
Abbaye Notre-Dame-du-Lac
Par Frère André Picard, o.c.s.d et Père Jean Doutre, o.c.s.d
Ateliers des Sourds, Montréal (1978) Inc.

L'Institut d'Oka, Cinquantenaire 1893-1943
Par Père Louis-Marie, o.c.r, 15 juin 1944

La Trappe d'Oka (son histoire depuis sa fondation, en 1881, jusqu'à nos jours)
Par Camille-Antonio Doucet
Les Presses Élite Inc, 15 mai 1979