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La ferme-école ou la ferme modèle des Trappistes franchit rapidement les étapes. Elle devient école d'agriculture en 1893 avant d'accéder au rang de faculté universitaire en s'affiliant à l'Université Laval à Montréal en 1908. L'école d'agriculture devient l'Institut Agricole d'Oka qui peut désormais octroyer des diplômes universitaires. À cette époque, l'école compte dix professeurs. Plusieurs étudiants proviennent de France, car le supérieur de la Trappe d'Oka profite de ses voyages en Europe, à l'occasion du chapitre général annuel, pour faire de la propagande. Quelques Amérindiens d'Oka comprenant le français figurent aussi parmi les étudiants. De plus, les fils de cultivateurs affluent à l'IAO où ils peuvent suivre des cours abrégés. Devant un tel succès, des cours par correspondance sont élaborés. Ils sont donnés par l'intermédiaire de la Revue de l'Institut agricole d'Oka et La terre de chez nous, des publications de l'Institut. Sa bibliothèque compte plus de 100 000 volumes, son herbier recense 70 000 spécimens et sa collection d'insectes n'est pas moins impressionnante.

À ses débuts, l'Institut n'offre qu'un seul cours appelé «cours abrégé ou cours moyen», qui est axé sur la culture fruitière. Celui-ci est divisé en cours préparatoire et en cours technique en 1905. Avec l'affiliation à l'Université, le cours technique est prolongé à trois ans avec une année préparatoire pour ceux qui en ont besoin. Les premiers bacheliers ès sciences agricoles sont diplômés en juin 1911.

En 1914, le cours régulier est porté à 4 ans et  le programme est révisé pour embrasser toutes les branches de l'agriculture : industrie laitière, aviculture, apiculture, céréales, fabrication du beurre et du fromage, etc. Ainsi le cours moyen s'adresse aux fils d'agriculteurs et aux jeunes gens de la ville désirant retourner à la terre; et le cours universitaire forme les futurs agronomes. La même année, un octroi fédéral permet l'engagement de nouveaux professeurs ayant fait des stages dans des universités étrangères d'Amérique, de France et de Belgique. De plus, les moines professeurs s'appliquent à obtenir leurs diplômes universitaires. À compter de 1921, il y a un examen d'entrée pour les nouveaux étudiants.

À l'IAO, les élèves reçoivent chaque jour, dans les divers départements de la ferme, de l'enseignement théorique, scientifique et pratique. En effet, une union étroite existe entre l'école et la ferme du monastère qui tient lieu de démonstration pratique pour les étudiants. L'Institut y améliore ses installations en construisant un pavillon d'appréciation, des poulaillers, une porcherie, une laiterie et en reconstruisant la grange et les étables incendiées en 1916.

L'École de médecine vétérinaire de l'IAO, affiliée à l'Université de Montréal, est née le 4 octobre 1928 de la fusion des quatre écoles vétérinaires du Québec. Cette école vise deux objectifs : le premier consiste à offrir un enseignement de langue française à la population du Québec, du Canada et des États-Unis; le second est de constituer par ses travaux un trait d'union entre la science vétérinaire française et américaine. Les professeurs de l'IAO acceptent de donner les sciences de base afin d'aider au début de cette école et, en 1934, on construit un hôpital vétérinaire.

En 1930, les Trappistes concluent une entente avec le ministère de l'Agriculture. La première partie s'engage à dispenser l'enseignement agricole pendant 30 ans et la seconde, à verser un octroi de 300 000$. Cette subvention permet à l'Institut de remplacer la vieille école de bois par une construction en pierre de six étages servant à abriter la chapelle, la bibliothèque, l'amphithéâtre, les bureaux de l'administration et des professeurs, les principaux laboratoires ainsi que les chambres réservées aux étudiants.

L'École de médecine vétérinaire déménage  à St-Hyacinthe le 28 octobre 1947, après avoir formé 146 médecins vétérinaires à Oka. Dans les années 1950, la ferme s'étend sur 1800 acres dont 800 acres en culture et 80 arpents en vergers. Son cheptel comprend des chevaux, des porcs, des moutons, des bovins laitiers et de boucherie, des volailles. Il compte environ 140 têtes de bovins, 50 têtes d'équidés, 50 truies et plus de 2000 poules.

Les Trappistes signifient au ministère de l'Agriculture en 1958, soit deux ans avant l'expiration de l'entente de 1930, qu'ils se retirent de l'enseignement agricole. En 1960, le gouvernement annonce la construction d'une nouvelle école à Oka et demande aux Trappistes de poursuivre l'enseignement jusqu'à la fin des travaux. Ces derniers acceptent. Une ferme est achetée et on commence les fondations du futur Institut. Suite aux élections du 22 juin, les travaux sont arrêtés et le nouveau gouvernement remet la question de l'enseignement agricole et agronomique à l'étude. Finalement, une décision en faveur d'une seule faculté d'agronomie à l'Université Laval met un terme à l'enseignement à Oka. L'Institut agricole d'Oka ferme ses portes le 20 octobre 1962, date de la dernière collation des grades. Il a ainsi formé plus de 800 diplômés en agronomie et a accueilli une centaine d'étudiants étrangers en ses murs.

Le patrimoine légué par l'Institut agricole d'Oka est vaste, riche et très diversifié car il va bien au delà du simple enseignement aux élèves. En effet, l'IAO a offert des cours abrégés aux agriculteurs souhaitant se renseigner sur les méthodes modernes de culture ou de nouvelles cultures préconisées, des cours à domicile, des cours aux inspecteurs d'écoles et aux instituteurs ruraux. En 1929, l'IAO crée et donne, dans La Terre de chez nous, le premier cours d'agriculture par correspondance de l'Union des cultivateurs catholiques (UCC). Enfin, l'IAO a aussi offert un cours par correspondance d'initiation à l'étude de la flore du Québec et un cours de génétique élémentaire dans le supplément agricole de La Presse grâce à la collaboration de son rédacteur, Bruno Wilson, un diplômé d'Oka.

De plus, l'IAO contribue également à divulguer son enseignement grâce à de nombreuses publications disponibles pour tous ceux qu'intéressent l'agriculture et l'agronomie. Des séries de publications touchent les domaines suivants : une série de manuels, une série de vulgarisation, une série de recherches et une série pour la section vétérinaire. Notons qu'à partir de 1926 jusqu'en 1962 paraît La Revue d'Oka (agronomie et médecine vétérinaire), dirigée par le père Louis-Marie tandis que de leur côté, les étudiants publient, entre autres,  le journal Carabins d'Oka. 

Parmi les principales retombées des recherches effectuées à l'IAO sont nés le melon d'Oka, créé par le père Athanase, et la première race de volaille canadienne, la poule Chantecler, créé par le frère Wilfrid. N'oublions pas qu'à ces recherches s'ajoutent celles sur les techniques et pratiques d'arrosages contre les insectes et les maladies dans les vergers, la taille rationnelle des arbres fruitiers, l'éclaircissage des pommes, le chaponnage, l'industrie des poussins d'un jour, l'industrie de la fabrication du bacon sur la ferme, l'insémination artificielle, les glaïeuls, les pâturages, les vignes, les produits laitiers et des parcelles d'expérimentation. À sa fermeture en 1962, l'IAO possède une bibliothèque avec plus de 100 000 volumes, périodiques et bulletins ainsi qu'un herbier de 70 700 spécimens sur feuilles d'herbier et 20 000 pour échange, ce qui en fait le quatrième du Canada et le premier de toutes les écoles d'agriculture du pays. Sa collection d'insectes compte plus de 25 000 spécimens récoltés surtout par le père Léopold et le frère Ouellette.

L'Institut agricole d'Oka a participé à la création de plusieurs associations et organismes. Nous vous en rappelons les principales:

1.-La Société d'élevage du comté des Deux-Montagnes est fondée en 1926 par Gustave Toupin, professeur à l'Institut et rendant de nombreux services aux agriculteurs de la région;
2.-L'Institut Rosell de bactériologie laitière est également fondée à l'Institut en 1936 par les professeurs José-Maria Rosell et Gustave Toupin;
3.-L'Institut ayant aussi collaboré à la fondation de l'Union expérimentale des agriculteurs du Québec;
4.-L'Association des jeunes éleveurs de poussins d'un jour;
5.-L'Association avicole du comté des Deux-Montagnes;
6.-Le syndicat d'élevage du cheval belge;
7.-Le Comptoir coopératif de Montréal.

En terminant, il ne faut pas passer sous silence le dévouement et le travail important des personnes qui ont occupé successivement le poste de directeur de l'IAO au fil des ans:

R.P Édouard Riopelle, o.c.r 1908-1914
R.P Patrice Gibbons, o.c.r 1914 (jan.-fév.)
R.P Jean-de-la-croix Léveillé, o.c.r 1914-1918
R.P Athanase Montour, o.c.r 1918-1919
R.P Jean-de-la-croix Léveillé, o.c.r 1919-1920
R.P Léopold Ortiz, o.c.r 1920-1937
R.P Déodat Chamberland, o.c.r 1937-1938
R.P Norbert Lépine, o.c.r 1938-1962

Voilà l'héritage que nous ont légué les moines de l'Abbaye Notre-Dame-du-Lac à Oka en quelque 115 ans d'histoire.

Références :

Les archives de l'Abbaye Notre-Dame-du-Lac

Les archives de l'Université de Montréal

Ouvriers de la parole, 1881-1981
Abbaye Notre-Dame-du-Lac
Par Frère André Picard, o.c.s.d et Père Jean Doutre, o.c.s.d
Ateliers des Sourds, Montréal (1978) Inc.

L'Institut d'Oka, Cinquantenaire 1893-1943
Par Père Louis-Marie, o.c.r, 15 juin 1944

La Trappe d'Oka (son histoire depuis sa fondation, en 1881, jusqu'à nos jours)
Par Camille-Antonio Doucet
Les Presses Élite Inc, 15 mai 1979.