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Chronique no. 5

L'historique de l'église Saint-Pierre

- Les origines
- La construction de la première église
- L'agrandissement de 1900

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Extrait du registre de la paroisse Saint-Pierre
1830
Îles de la Madeleine, Québec, Canada
ATTACHEMENT DE TEXTE


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Les origines

Les premières années de la paroisse Saint-Pierre de Lavernière sont étroitement liées à l'histoire des missionnaires qui ont pris en charge les missions des Îles-de-la-Madeleine.

De 1774 à 1782, le missionnaire Thomas-François Leroux est en charge de la mission des Îles-de-la-Madeleine. Outre cet endroit il s'occupe du Cap-Breton, de l'Île Saint-Jean, de Memramcook et des environs. Il s'occupe des premiers habitants de l'archipel, principalement des hommes engagés par le marchand Gridley.

Ce missionnaire construira une première chapelle sur l'île Amherst au pied des buttes des Demoiselles. Le missionnaire William Phelan poursuivra son oeuvre saisonnière de 1784 à 1792.

Jusqu'en 1793, les Îles sont visitées périodiquement par des missionnaires francophones, rattachés au diocèse de Québec.

Notre-Dame-des-Monts de Havre-Aubert est devenue la première mission des Îles en 1793, après l'arrivée de l'abbé Jean-Baptiste Alain. Il est venu avec un groupe d'Acadiens qui, en provenance des Îles Saint-Pierre et Miquelon, fuyait les répercussions de la révolution française. En s'installant en permanence aux Îles, il jette les fondements d'une solide communauté chrétienne.

En 1821, le diocèse de Québec réorganise son administration. Mgr MacEachren est nommé évêque-auxiliaire dans les Maritimes. Son territoire comprend le Nouveau-Brunswick, l'Île du Cap-Breton, l'Île du Prince-Édouard et les Îles-de-la-Madeleine. Son siège épiscopal est à Charlottetown.

En 1829, le diocèse de Charlottetown est officiellement créé et Mgr MacEachren y est nommé évêque. Ce nouveau diocèse continu cependant de recevoir le soutient du diocèse de Québec qui lui envoie des missionnaires jusque dans les années 1850. Ces prêtres-missionnaires francophones sont formés au Séminaire de Québec.

Aux Îles, pendant cette période, les changements sont rapides. La création des paroisses suit de près l'évolution du peuplement du territoire madelinien.

En 1823, le curé Magloire Blanchet débute la construction d'une chapelle située à Havre-aux-Maisons. Elle semble être la deuxième chapelle construite aux Îles, après celle de Amherst (Havre-Aubert). La construction s'achève en 1825, mais elle n'est ouverte au culte qu'en 1828 par l'abbé Béland.

Il est possible qu'il y ait eu d'autres petites chapelles ailleurs sur l'archipel, là où il y a des noyaux de peuplement mais, nous n'avons pas d'informations à cet effet. Il arrive aussi que des messes soient officiées par les missionnaires dans de simples maisons privées.

Sur l'île centrale Grindstone, aujourd'hui l'île du Cap-aux-Meules, les habitants de l'Étang-du-Nord sont de plus en plus nombreux. Ils réclament eux aussi une chapelle pour le passage du missionnaire. La construction d'un endroit où ils peuvent se recueillir commence en 1828.

Cette chapelle est localisée à la Côte de l'Étang-du-Nord, où plusieurs familles de pêcheurs sont établies. Elle est desservie par l'abbé Pierre Bédard, missionnaire résidant de Havre-Aubert. La chapelle est bénie le 18 novembre 1830 par l'abbé P.H. Brunet sous l'invocation de Saint-François Xavier. Elle est rattachée à la paroisse de Havre-Aubert.

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M. l'abbé Georges Antoine Belcourt, curé de la mission de Havre aux Maisons de 1872 à 1874
1874
Îles de la Madeleine, Québec, Canada
ATTACHEMENT DE TEXTE


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Les origines (suite)

En peu de temps, la chapelle Saint-François-Xavier de l'Étang-du-Nord devient exiguë et la population grandissante réclame un bâtiment plus grand. Le curé Alexis Bélanger entreprend alors la construction d'une seconde chapelle, mesurant 30 pieds par 25 pieds, qui sera située au même endroit.

De 1846 à 1876, les Îles-de-la-Madeleine sont divisées en deux missions, la mission de Havre-Aubert et celle de Havre-aux-Maisons.

Dans les années 1870, sur l'île centrale, Grindstone on trouve trois villages: Barachois, Cap-aux-Meules et Étang-du-Nord. Ils sont sous la juridiction de deux paroisses différentes. En effet, une partie du village de Barachois, le canton de Grand-Ruisseau, et le village de Cap-aux-Meules sont sous la juridiction de la mission de Havre-aux-Maisons. Le village de l'Étang-du-Nord est, quant à lui, sous la juridiction de la mission de Havre-Aubert.

À cette époque le curé de Havre-aux-Maisons, l'abbé Georges-Antoine Belcourt, désire pourvoir ses ouailles vivant sur l'île centrale d'un église afin de leur éviter d'avoir à parcourir de longues distances et à traverser le chenal ou la baie, pour assister aux offices religieux à Havre-aux-Maisons. En 1872, il obtient l'autorisation de construire une église sur l'île Grindstone.

La construction de cette nouvelle église amènera la création d'une nouvelle mission pour l'île Grindstone, qui sera placée éventuellement sous le patronyme de Saint-Pierre-de-l'Étang-du-Nord en 1875. Vers la fin du siècle, la paroisse sera placée sous le nom de Saint-Pierre de Lavernière. L'île du Cap-aux-Meules restera une seule entité paroissiale jusqu'au milieu des années 1940.

Suite au passage des Îles-de-la-Madeleine sous la juridiction du diocèse de Gaspé 1946, les paroissiens de Barachois obtiennent l'autorisation de construire une église dans leur village. En 1948, c'est l'abbé Alfred Gallant qui se charge de la supervision des travaux de la construction de l'église Notre-Dame-du-Rosaire-de-Fatima. Comme le nom de Fatima est devenu l'usage courant pour désigner Barachois, au moment de la création de la municipalité en 1959, les paroissiens décident de donner le nom de Fatima à leur municipalité. Barachois devient alors officiellement la Municipalité de Fatima.

En 1960, Lionel Lafrance est autorisé à fonder la paroisse de Cap-aux-Meules. Il entreprend la construction de l'église et du presbytère Saint-André-de-Cap-aux-Meules.

La paroisse Saint-Pierre-de-l'Étang-du-Nord est ainsi scindée en trois paroisses indépendantes : Étang-du-Nord, Fatima et Cap-aux-Meules. Ces trois paroisses ont sensiblement le même territoire que les municipalités qu'elles desservent.

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L'église Saint-Pierre
1910
Lavernière, Îles-de-la-Madeleine, Québec, Canada
ATTACHEMENT DE TEXTE


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La construction de la première église

Le projet de construction d'une église à Lavernière remonte aux années 1870.

Le curé de Havre-aux-Maisons, l'abbé Georges-Antoine Belcourt, demande à l'évêque de Charlottetown, Mgr Peter McIntire, s'il peut créer une mission sur l'île centrale Grindstone, ainsi qu'un église pour cette nouvelle mission.

Le canton de La Vernière est l'emplacement parfait pour desservir les paroissiens de l'Étang-du-Nord et de Cap-aux-Meules. Il est situé à mi-chemin entre les deux villages.

Georges-Antoine Belcourt reçoit l'autorisation de construire en 1872. La première église est construite sur un terrain cédé par M. Augustin Nadeau, grand-père du curé Esdras Nadeau. Il est situé dans le canton de Lavernière et il porte le numéro 6 du cadastre de Grindstone.

La tradition orale mentionne que la petite chapelle Saint-François-Xavier de la Côte de l'Étang-du-Nord, aurait été transportée sur le site de construction dans le canton de La Vernière. Elle aurait servie de base à la construction de l'église Saint-Pierre.

Cependant, on note dans différents documents, que la chapelle de la Côte a continué à être utilisée jusqu'en 1876 alors que la construction de l'église Saint-Pierre aurait débutée avant. Nous n'avons trouvé aucun document mentionnant l'utilisation de la chapelle de la Côte dans la construction de la première église de Lavernière. Nous ne pouvons donc affirmer avec certitude que le déplacement de la chapelle Saint-François-Xavier a bel et bien eu lieu.

De forme rectangulaire, la première église Saint-Pierre-de-l'Étang-du-Nord, mesurait 75 pieds de côté, par 45 pieds de façade. En 1876, sa construction extérieure est assez avancée pour y abriter les paroissiens. Ces derniers prennent alors possession de ce nouveau lieu de culte, qu'ils placent sous le patronyme de Saint-Pierre-de-l'Étang-du-Nord. Cette belle et simple église, orientée est-ouest, a sa façade tournée vers le village de l'Étang-du-Nord.

Cette première église constituera plus tard, au moment de l'agrandissement, le transept de l'église d'aujourd'hui.

Selon des documents déposés au Musée de la Mer par Mr H. Joseph McDonald, il semble ce soit un ancêtre de ce dernier, Mr Thomas O'Neil de la Nouvelle-Écosse, qui soit le constructeur de l'église Saint-Pierre-de-l'Étang-du-Nord. Dans les documents de Mr McDonald, Thomas O'Neil y est présenté comme un charpentier ayant construit de nombreuses églises dans les Maritimes.

Thomas O'Neil, charpentier constructeur d'église, est le fils de Edward et Mary O'Neil, tous deux originaires d'Irlande. Thomas naît en Nouvelle-Écosse en 1832. En 1863, il épouse Annie (Nancy) MacGillivray d'Antigonish. Lors du recensement de 1871, il y est mentionné comme charpentier.

Dans une lettre de Annie O'Neil, épouse de Thomas, datée du 26 août 1875, nous apprenons que Thomas O'Neil est aux Îles afin d'y construire une église. Il est accompagné de trois hommes, Mr. Patrick Kennedy, Mr James McCallum et Mr John Duggan.

Un second document, nous confirme que Thomas O'Neil est bien le constructeur de l'église. Il s'agit d'une lettre envoyée à Mr O'Neil, où on lit les termes d'une entente entre le charpentier et le comité de construction de l'église St-Pierre-de-l'Étang-du-Nord. Ce document, écrit en anglais, est signé par James Fox, douanier et maître de poste. Il est daté du 18 décembre 1874. Voici la traduction libre:

' Cher Monsieur,
Votre honoré du 8 courant a reçu aujourd'hui consentement pour construire la chapelle aux Îles-de-la-Madeleine pour 3 600$. C'est sans importance pour nous où vous vous procurez vos matériaux, etc. J'ai seulement mentionné Ecum Secum ou Spry Bay pour votre information. Comme pour notre place de rencontre d'affaires, Pictou me conviendrait au même titre que n'importe quelle autre endroit à l'extérieur de Halifax et c'est accessible facilement par vous quand les routes d'hiver seront praticables. Il n'y a pas besoin de se presser pour quelques jours encore.
Concernant les plans et le cahier des charges, je juge qu'il est nécessaire de fournir quelques explications. Nous avons entendu dire, par quelqu'un du détroit de Canso, que la chapelle que vous construisez présentement à Guysboro est un bâtiment élégant de style gothique qui serait approprié pour notre site, en conséquent nous pensons que, si ces plans pouvaient être utilisés, cela éviterait de part et d'autre les frais de nouveaux plans. Si je pouvais voir les plans et une photo du genre de construction que vous faites ou une photo de l'église que vous avez construite récemment pour que nous puissions nous faire une idée si elle convient, c'est tout ce que je demande.
Notre évêque souhaite avoir quelque chose d'élégant et de joli. Il y a une autre construction d'église à 5 milles de distance d'où nous avons l'intention de construire la nôtre et nous voulons que l'apparence soit un peu mieux que cette dernière.

…et s'il s'avérait nécessaire de faire de nouveaux plans et cahier de charges je suis d'accord pour assumer la moitié des frais et ceux-ci pourront rester votre propriété par la suite. Je pense que cela coûtera environ 30.00$. Le contrat et les autres papiers pourront être réglés lorsque nous nous rencontrerons…' (1)

(1) Provenance: McDonald, Joseph, collection du Musée de la Mer

Le manque de matériaux de construction aux Îles-de-la-Madeleine oblige Thomas O'Neil à emporter les cadrages, les fenêtres et les portes de la Nouvelle-Écosse. La charpente est aussi préfabriquée et les parties sont numérotées pour ensuite être assemblées sur le site de la construction. La majorité de ce travail a été fait à Salmon River en Nouvelle-Écosse pendant l'hiver 1875. Le matériel est ensuite transporté à Guysborough en vue de l'envoie aux Îles par bateau au moment de l'ouverture de la navigation, au printemps.

Thomas O'Neil a contracté un navire pour le transport du matériel, de ses ouvriers. Arrivés aux Îles, on ne sait trop par quel havre, les matériaux sont ensuite déplacés sur une distance de quelques kilomètres jusqu'au site de construction dans le canton de Lavernière.

Selon M. Marc Renaud, petit-fils de T.X. Renaud, cette première église aurait eu son intérieur décoré par l'équipe de célèbres peintres d'église Meloche, Renaud et Rochon, à l'été 1888. Il ne reste rien de cette première décoration sauf un tableau qui a passé plusieurs années entreposé à divers endroits, avant d'être redécouvert lors de travaux de restauration fait en 2004. Voir la section 'Les objets de collection' dans la chronique ' Les restaurations au fil des années...'.

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Monseigneur Peter McIntire, nommé évêque de Charlottetown en 1860
1927
Provinces Maritimes, Canada
ATTACHEMENT DE TEXTE


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L'agrandissement

En 1899, M. Jérémie A. H. Blaquière est nommé curé de la mission Saint-Pierre-de-l'Étang-du-Nord.

Cette même année, un bureau de poste est ouvert dans le canton et il porte le nom de La Vernière. Le toponyme sera éventuellement étendu au nom du canton et de la paroisse qui s'appellera dorénavant Saint-Pierre-de-Lavernière.

Dès l'année suivante, en 1900, M. le curé Jérémie Blaquière conçoit les dessins de l'agrandissement de l'église telle qu'on la connaît aujourd'hui, lui donnant un style néo-gothique.

Selon les dessins du curé Blaquière, une vaste nef vient s'appuyer sur le mur latéral nord de la première église construite en 1876. Cette première église deviendra donc le transept de la nouvelle église agrandie.

La vaste nef est ornée au nord d'un clocher surmonté d'une haute flèche. L'entrée principale se situe au pied du clocher. Du côté sud, se trouve un imposant sanctuaire, le chevet, composé d'un choeur et d'un déambulatoire et d'une chapelle axiale. Les ouvertures, portes et fenêtres, sont de formes ogivales. Les faux contreforts et le chevet sont des éléments empruntés à l'architecture gothique.

Le revêtement extérieur est de bardeaux de bois de cèdre, comme la plupart des maisons des Îles. Ce bardeau, laissé à l'état naturel ou recouvert d'huile de lin, prenait une teinte grisâtre avec les années. Nous ignorons l'année où l'église aurait été peinte en blanc pour la première fois.

Cet agrandissement réoriente la façade de l'église vers la route, en direction nord. L'orientation originelle de la façade était dans un axe est-ouest et faisait face au village de l'Étang-du-Nord. L'orientation nouvelle est donc changée pour un axe sud-nord.

La construction de l'agrandissement débute en 1900 et se termine en 1903. L'église St-Pierre de Lavernière mesure maintenant 200 pieds de côté, par 75 pieds de large. Sa nef peut contenir jusqu'à 1200 personnes. Le plan de l'église a la forme d'une croix latine. La nef forme le pied de la croix et le transept (l'ancienne église), les bras. Selon, Luc Noppen, spécialiste en architecture religieuse le monument, tel qu'agrandit, découle de la tradition des églises catholiques romaines du Québec .

L'ornementation intérieure, dont la finition se poursuivra jusque dans les années 1915, est aussi organisée selon la tradition des Églises catholiques romaines du Québec. Le coeur de l'église, situé au sud, est en hémicycle et une sacristie en forme de déambulatoire, de même qu'une chapelle axiale, viennent s'y greffer.

La nef est divisée en trois parties : les deux galeries latérales et la partie centrale, sans galerie, le tout recouvert d'une seule toiture. La nef principale est délimitée par deux rangées de piliers de part et d'autre. Ces piliers supportent deux galeries latérales qui se replient dans les bras de la croix (transept). On y trouve les jubés. Selon Luc Noppen, cette disposition du jubé origine de la première église:

' Mais, à La Vernière ces galeries se replient dans les croisillons du transept pour s'adresser directement aux retables latéraux. Elles y sont supportées par des piliers, qui divisent le transept en trois vaisseaux. Cette disposition origine probablement de l'église de 1876 que l'architecte de 1900 aurait conservée, se contentant de l'abolir dans la nouvelle croisée.'

Noppen, Luc, L'église Saint-Pierre de Lavernière, 1990, p. 15

Au nord de la nef on trouve un jubé, surmonté d'un deuxième niveau de galerie où sont placés l'orgue et l'espace pour la chorale.

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L'équipe de charpentiers qui a travaillé sur l'agrandissement de l'église Saint-Pierre
1900
Lavernière, Îles-de-la-Madeleine, Québec, Canada
ATTACHEMENT DE TEXTE


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Pilier de soutien dans la cave
2005
Lavernière, Îles-de-la-Madeleine, Québec, Canada
ATTACHEMENT DE TEXTE


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L'église Saint-Pierre, de style néo gothique
1920
Lavernière, Îles-de-la-Madeleine, Québec, Canada
ATTACHEMENT DE TEXTE


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Schéma d'une l'église de style néo gothique montrant les différentes composantes
23 mars 2007



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Plan extrait de l'étude de Luc Noppen sur l'église Saint-Pierre de Lavernière
1990
Lavernière, Îles-de-la-Madeleine, Québec, Canada
ATTACHEMENT DE TEXTE