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Louis-Omer Perrier fait du journal une publication à vocation essentiellement régionale donnant progressivement une place prépondérante à la nouvelle locale relatant les événements tant de Saint-Jean que des campagnes environnantes. Cette orientation fera le succès du Canada Français qui s'attire ainsi des lecteurs d'une vaste région à qui il propose quantité de nouvelles impossibles à dénicher dans la presse montréalaise.

Pour se concentrer sur les nouvelles régionales, le journal doit compter sur un réseau de correspondants locaux. Dès la création du Franco-Canadien, les nouvelles dites locales trouvent leur place.

Dans les décennies qui suivent la Grande Guerre, les correspondances en provenant des villages occupent un espace de plus en plus important dans Le Canada Français. Le 75e anniversaire de fondation du journal, en 1935, est l'occasion d'organiser une grande fête pour le personnel et les nombreux correspondants. Ils sont alors une quarantaine de personnes dans autant de petites municipalités et villages à rapporter les nouvelles de la place. La moitié d'entre elles sont des femmes mariées ou célibataires. Le journal a des correspondants de Cowansville, dans les Cantons de l'Est, jusqu'à La Prairie, sur la Rive-Sud de Montréal. Mme Alphonse Quintin de Mont-Saint-Grégoire collabore au journal depuis 1905 et est la doyenne du groupe.

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Oscar Laberge



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Le Canada Français

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Parmi ses collaborateurs, le journal peut compter sur le Dr Oscar Laberge d'Iberville depuis 1917. Sa plume est qualifiée d'alerte et subtile par Louis-Omer Perrier. Laberge écrit sur bon nombre de sujets : le changement des saisons, les fêtes religieuses, civiques et nationales, les naissances et les décès, les mariages, les faits divers concernant les citoyens. Ibervillois de naissance, Laberge est un ancien du Collège Monnoir de Marieville. Il est un des fondateurs du salon littéraire et musical de Saint-Jean et durant 21 ans, il collabore au journal.

Olive Gamache, une des correspondantes sous le règne de Perrier, raconte, dans une chronique du Canada Français du 31 décembre 1985, comment la tâche n'était pas de tout repos. " Lors d'un décès, il fallait donner les noms des personnes ayant assisté aux funérailles. Lorsqu'il s'agissait d'un mariage, c'était la description de la toilette non seulement de la mariée, mais celle de la mère et de la belle-mère. Il fallait dire où les mariés feraient leur voyage de noces et où ils habiteraient au retour. Pour un baptême, donner le nom de la marraine et du parrain, spécifier le degré de parenté sans oublier le nom de la porteuse était de mise. Bref, les correspondants avaient du pain sur la planche. Aujourd'hui, ce sont les journalistes qui font voyager les nouvelles et s'en tirent bien. "

Les correspondantes ne sont parfois que des adolescentes. Béatrice Duchesneau Tougas débute à 15 ans et tient la rubrique des nouvelles de Stanbridge Station. Elle poursuit son travail durant 11 ans jusqu'à son mariage et son déménagement à Sabrevois qui a déjà son correspondant. En plus de savoir écrire, il faut avoir l'esprit curieux, décrit-elle. "Nous prenions notre travail à cœur pour que ne nous échappe pas une nouvelle dans notre secteur. Nous devions être au courant de tout ce qui se passait dans la paroisse, notamment les va-et-vient". Les déplacements des citoyens du village en visite chez un parent éloigné comme dans une localité de la région sont signalés. À l'inverse, la venue dans le village d'un étranger retient tout autant l'attention. Les correspondants ont leur propre réseau d'informateurs en plus de miser sur le bouche à oreille et le téléphone.

Il est reconnu que Louis-Omer Perrier est un homme économe. Pour écrire, il fournit aux collaborateurs du vieux papier journal qui n'est imprimé que d'un seul côté. Il leur remet aussi des enveloppes timbrées pour qu'ils lui retournent leurs comptes rendus. L'adresse du journal est déjà apposée sur les enveloppes pour ne pas qu'elles servent à autre chose.

En guise de salaire, les correspondants reçoivent gratuitement le journal. À Noël, Perrier fait parvenir aux correspondantes une belle paire de bas de soie!

La contribution des correspondants de village à la rédaction du journal est toutefois antérieure à l'administration Perrier. À preuve, le concours organisé en 1912 parmi les correspondants pour stimuler leur participation. Le journal remet 7 montres en or aux correspondants qui n'ont pas failli à la tâche et ont fourni jusqu'à 52 textes au cours de la dernière année.

Louis-Omer Perrier peut aussi compter sur la collaboration de notables qui lui fournissent des textes. Me Maurice Demers est l'un de ceux-là. Libéral notoire, il est président du Club Marchand. De même, le journal a fait paraître les nombreux écrits et causeries d'histoire régionale du juge Louis-Philippe Demers, ancien député fédéral.

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Maurice Demers



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Le Canada Français

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Cette pratique des comptes rendus par les collaborateurs de village s'est éteinte progressivement dans les années 1960. Par contre, le journal a toujours compté sur la contribution de nombreux collaborateurs qui ont même pris en charge la rédaction de pages complètes. Ainsi, la page Arts et Lettres a été initiée et tenue par Jean-Yves Théberge, à compter des années 1960. Les Claude Montpetit, André Dion, Marc Brais sont parmi les collaborateurs du journal rédigeant les textes de sport dès la fin des années 1940. La collaboration à la section sportive remonte aux années 1930 alors qu'Omer-E Gauthier signe la page des nouvelles sportives.

Aujourd'hui encore, le journal fait appel à plusieurs collaborateurs pour écrire des chroniques spécialisées de nutrition, de critique littéraire, de cinéma, de chasse et pêche, de bridge, etc.