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" Pour l'union de la vallée du Richelieu ". Telle est la devise du journal Le Richelieu imprimée en en-tête de son premier numéro. Le bandeau de la page une est agrémenté du dessin de la rivière et d'une ligne d'arbres en arrière-plan d'où pointe le clocher d'une église. À sa naissance, le nouvel hebdomadaire compte une vingtaine de pages. Il s'inscrit dans le courant d'une presse catholique de province née après que le pape ait incité les évêques du Canada à créer leurs propres journaux.

Le Richelieu est " un journal catholique, c'est-à-dire un organe qui juge les événements et les principes à la lumière de la doctrine chrétienne, qui poursuit le triomphe du bien, qui prend résolument parti pour la vérité et n'en a point d'autre ", peut-on lire dans la première parution. Ses pages contiennent des nouvelles locales et régionales et traitent de questions nationales, sociales, économiques et agricoles.

Des textes sont signés de plusieurs pseudonymes, une pratique notée dans les journaux du XIXe siècle et qui se poursuit jusque dans les années 1970. Lustucru, Catholicus, Le Passant ou Jean-Baptiste signent des billets, des commentaires ou le récit d'anecdotes. En revanche, la plupart des textes de nouvelles ne portent pas la signature de leur rédacteur.

En plus de répandre l'enseignement chrétien, le journal présente une information variée sur la politique, la vie syndicale, la vie scolaire, les activités des organismes de bienfaisance et de la scène culturelle ainsi que les événements sportifs. La poétesse Rina Lasnier, native de Mont-Saint-Grégoire, tient la page féminine à la fondation du journal. Sous sa plume, la chronique prend souvent l'allure d'une page culturelle. Une revue de presse des autres journaux catholiques est publiée.

Sans prendre position politiquement à l'élection de novembre 1935, le journal publie la lettre du cardinal Villeneuve sur l'exercice du droit de vote. Au scrutin de 1939, le journal informe ses électeurs de son impartialité, mais émet 2 vœux : l'exclusion de la " boisson " de la campagne et la suppression des assemblées contradictoires pour éviter le désordre.

Au plan social, le journal n'hésite pas à prendre position en éditorial pour la syndicalisation des employés de la Franco Canadian Dyers et de la St-Johns Textiles qui réclament des conditions de travail décentes.

Il va sans dire que la nouvelle religieuse tient une place de choix. À différentes périodes de l'histoire du journal, celle-ci monopolisera plus ou moins la page une. Les textes de l'éditeur Paul L'Écuyer prennent parfois l'allure d'homélies empreintes de naïveté alors que les canons grondent en Europe. Le 7 septembre 1939, il écrit : " Au Canada, nous redoutons la conscription militaire. Peut-être pourrions-nous facilement l'éviter, si, après avoir réformé nos vies, nous édictions nous-mêmes, volontairement, la nécessaire conscription de la prière ".

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Paul L'Écuyer



Crédits:
Société d'histoire du Haut-Richelieu

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Cette presse catholique ne dédaigne pas la publicité commerciale au point de faire une concurrence à la presse laïque. Éditeur à la fin des années 1930, Paul L'Écuyer écrit toutefois avoir refusé plusieurs contrats lucratifs de bières et de liqueurs alcooliques en voulant se soumettre aux directives de l'épiscopat. Dans le journal, un appel est lancé aux catholiques de recruter d'autres lecteurs et de confier les travaux d'impression et les commandes de livres à la librairie du Richelieu. On raconte même que, du haut de la chaire, des prêtres encourageaient aussi la lecture du Richelieu.

Le Richelieu n'est pas sans livrer une concurrence importante au Canada Français tant sur le plan journalistique que financier. Pour ce faire, la publication diocésaine sait s'adapter aux nouvelles préoccupations des lecteurs. Ainsi, dès l954 paraît le premier horaire de télévision présentant les émissions du canal 3 de la chaîne CBS provenant de Burlington (Vermont) captée dans la région. Ses pages de sport comportent des tableaux indicateurs, la page féminine est bien garnie, une autre page est destinée aux parents, une grille de mots croisés est reproduite et une chronique de la Société d'histoire de la vallée du Richelieu étoffe le contenu. Mais le journal n'oublie jamais son caractère religieux comme en fait foi la bande dessinée inspirée des Actes des apôtres publiée en 1960.