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Voici un extrait d'un article écrit par H.G. Lafave, A.R. Stewart, F. Grunberg et A.A. MacKinnon en 1967 :

L'expérience Weyburn : Réduire le nombre des admissions dans le cadre d'un programme de fermeture éventuelle d'un hôpital psychiatrique de grande envergure

Le nombre de patients hospitalisés au Saskatchewan Hospital, à Weyburn, est passé de 1 519 en janvier 1963, à 421 en juin 1966. L'hôpital fournit des services au demi-million de personnes qui habitent dans la moitié sud de la Saskatchewan. La réduction de près de 1 000 lits a eu lieu malgré le fait que le nombre de places à l'extérieur de l'institution pour les patients psychiatriques dans la région n'a augmenté que dans une proportion de 60 à 100.

Nous examinons dans ce rapport comment un changement d'une telle ampleur a pu se produire. Nous mettrons en particulier l'accent sur les facteurs qui influent sur le nombre des admissions dans le système hospitalier. Notre hypothèse est que, quand le nombre des admissions à l'hôpital baisse parce que les patients peuvent bénéficier de mesures de rechange appropriées, il est possible de réduire le nombre des « malades hospitalisés ». Nous sommes d'avis qu'on a trop mis l'accent sur les congés et les transferts en tant que principales méthodes de réduction de la population hospitalière.

Historique
Le Saskatchewan Hospital Weyburn représente l'un des deux hôpitaux psychiatriques qui devaient l'un comme l'autre, à l'origine, fournir des services à environ la moitié du million d'habitants de la province. Ces deux établissements pourraient historiquement servir d'exemple de « gros asiles d'aliénés isolés, séparés, indifférenciés ».

Jusqu'à tout récemment, le Weyburn Hospital fournissait les principaux services psychiatriques dans une région qui comptait environ 500 000 personnes. Construit en 1921 et conçu pour recevoir 950 patients, la tendance habituelle à la surpopulation s'est manifestée avec les années. En 1946, la population de l'hôpital avait atteint un sommet, soit 2 600 patients. La mise en place d'installations provinciales pour les personnes atteintes d'une déficience intellectuelle a permis une diminution du nombre des patients jusqu'à environ 1 800. En raison de l'expansion des services dans les régions comprises dans le périmètre couvert par le Weyburn, le nombre des patients s'est stabilisé de 1957 à 1962 pour atteindre en moyenne un peu plus de 1 550 personnes, avec des variations négligeables. À la fin de 1957, on dénombrait 1 554 patients à l'hôpital, et le 31 décembre 1962, 1 548.

Vers la fin de 1962, un nouvel examen de la fonction et de l'objectif de l'hôpital a mené à sa réorganisation complète, fondée sur une philosophie des soins des patients axée sur la collectivité, et une augmentation des services psychiatriques à l'extérieur de l'établissement. La principale caractéristique de ce plan tel que mis en ?uvre a permis une baisse radicale du nombre de patients à l'hôpital de Weyburn, sans que le nombre de lits n'augmente pour autant dans d'autres établissements. (Il est important de noter qu'il n'existe pas d'établissements de soins psychiatriques privés en Saskatchewan : toutes les ressources existantes relèvent des services de santé publique de la province.)

Comment est-on parvenu à cette réduction du nombre de patients? Il ne fait aucun doute qu'il a fallu tabler sur un ensemble complexe de facteurs interreliés, notamment le suivi des patients externes, l'importance accordée à la psychiatrie communautaire, le recours à un programme actif de réinsertion et l'utilisation ou le développement d'installations communautaires pour les soins gériatriques. Les répercussions séparées de ces programmes seront abordées dans un autre rapport. Le présent document porte sur les admissions. La conclusion immédiate des critiques du phénomène Weyburn est que le fait de donner leur congé aux patients, sans distinction, constituait la méthode pour réduire le nombre de patients de 73 pour 100 en trois ans. Il ne fait aucun doute qu'un programme actif de traitement, couplé avec des efforts énergiques de réinsertion, a permis à un grand nombre de patients de réintégrer la vie dans la collectivité. Toutefois, la mise en place de services globaux axés sur la collectivité a joué un rôle encore plus grand. En bref, c'est l'assèchement de la source qui a donné lieu au phénomène Weyburn, et non l'ouverture des vannes.

Facteurs de réduction des admissions
Il est impossible d'examiner les événements à Weyburn sans tenir compte du contexte global du programme psychiatrique dans la province. Chaque service établi ou chaque programme supplémentaire a des répercussions sur tous les autres. Cela se vérifie particulièrement dans cette province où selon le plan, il convient de construire de petits établissements régionaux à proximité de la population concernée et des services médicaux disponibles. Le programme de l'hôpital Weyburn s'inscrit dans ce plan global et en respecte les principes.

Trois facteurs ont eu les effets les plus prononcés sur la baisse des admissions au Saskatchewan Hospital Weyburn : 1) la coopération avec les services psychiatriques existants dans les collectivités touchées et la coordination de ces services; 2) la mise en place du centre psychiatrique de Yorkton; 3) le développement du centre psychiatrique de Weyburn, au c?ur du complexe hospitalier existant, afin de fournir un service complet aux bassins de population de ces régions.

À l'heure actuelle, nous en venons à la conclusion que le plan de la Saskatchewan représente une étape décisive qui pourrait régler le sort du grand centre d'hébergement isolé. Dans une perspective professionnelle, le Saskatchewan Hospital à Weyburn pourrait fermer ses portes. Toutefois, en raison de sa situation géographique dans une petite collectivité isolée, les répercussions sur les conditions économiques locales pourraient dicter la décision politique de maintenir ouvert le grand hôpital psychiatrique. L'administrateur public est confronté à de nombreux problèmes importants tels que le redéploiement du personnel. La décision de fermer l'hôpital constitue aujourd'hui une décision économique et politique. Ce n'est pas une décision facile à prendre. Toutefois, les auteurs de ce rapport maintiennent qu'il n'existe aucune justification d'ordre psychiatrique à maintenir l'établissement ouvert.