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Une jeune héroïne
XVIIe siècle
Seigneurie de Verchères (Québec), Canada


Née en 1678, Madeleine de Verchères est connue pour ses actes héroïques et pour son franc-parler. Déjà à l'âge de 14 ans, elle fait preuve de courage lors d'une attaque iroquoise au fort de Verchères. Alors qu'elle se trouve dans les champs, Madeleine se sauve rapidement des Iroquois et se barricade à l'intérieur du fort. Afin d'avertir les villages voisins du danger qui les guette, elle tire un coup de canon, ce qui effraie les Iroquois. Elle déambule par la suite sur la palissade, coiffée d'un chapeau de soldat, afin de prétendre une présence accrue de soldats dans le fort. Ces actes, elle dit devoir les faire seule, car la plupart des familles et surtout des hommes étaient sortis. Les différentes versions de l'histoire ne permettent pas de confirmer si Madeleine était bien seule au fort, mais chose certaine, c'est grâce à elle que les habitants des domaines voisins ont porté secours aux habitants de Verchères.

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Madeleine défendant le fort de Verchères
vers 1916
Seigneurie de Verchères (Québec), Canada
ATTACHEMENT DE TEXTE


Crédits:
Archives nationales du Canada
Jefferys, Charles-William, 1869-1951

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Une femme comme les autres?
XVIIe siècle
Seigneurie de Verchères (Québec), Canada


Citation : Il n'y a point de Canadien ni d'officier qui tire un coup de fusil plus juste que cette Damoiselle - C.C Le Roy de la Potherie.

(Héroux, Lahaise, Vallerand. La Nouvelle-France, Montréal, 1967, p.97)

Comme plusieurs femmes de son époque, Madeleine sait manier les armes. Aux 17e et 18e siècles, il est préférable pour la femme en Nouvelle-France d'avoir la capacité de se défendre elle-même. Alors que les Algonquins forment une alliance naturelle avec les Français, les Iroquois collaborent plutôt avec les Anglais, les tensions sont exacerbées et les hostilités dégénèrent très rapidement. Dans un environnement où la menace de raids est omniprésente, il devient alors primordial pour le sexe que l'on considère « faible » de se défendre.

Les femmes en Nouvelle-France doivent également remplir des rôles qui ne leur sont pas normalement attribués. Outre les tâches domestiques et s'occuper des soins de la famille, elles doivent également participer au travail de leur mari. Le travail aux champs et au sein de l'entreprise commerciale sont des tâches qui ne sont pas exclues de la vie des femmes en Nouvelle-France. Certaines d'entre elles, comme ce fut le cas avec Madeleine, doivent s'impliquer au niveau de la vie publique. Malgré le fait que la Coutume de Paris valorise le rôle de la femme au foyer et voit d'un très mauvais œil leur place dans la vie publique, Madeleine prend part à cet espace ainsi qu'aux activités réservées aux hommes. Ses valeurs sont fortement influencées par une conception très masculine basée sur le courage et la défense.

Suite au décès de son père, Madeleine et sa mère sont plongées dans une situation économique précaire. Madeleine assume tout de même ses responsabilités et prend en charge la seigneurie de son père et veille aux soins de sa mère. Madeleine reçoit une pension de 150£ attribuée dans le cadre de ses actes héroïques au fort de Verchères. En 1669, sous l'insistance de l'Intendant qui juge que l'action vaut une récompense, elle envoie une lettre à la comtesse de Maurepas, l'épouse du ministre principal du roi de France. Madeleine insiste afin qu'on lui donne cette pension ou une promotion militaire pour son frère cadet. Les deux honneurs lui sont concédés.

L'habillement de Madeleine de Verchères ne diffère pas beaucoup de celui des habitants de l'époque. Comme les seigneurs ne jouissent pas beaucoup de leur statut, ils doivent, comme les censitaires, cultiver leurs terres, en plus de faire leurs devoirs de seigneurs. Ce titre de seigneur se veut surtout honorifique. Au quotidien, Madeleine porte une chemise en coton indienne sous un corsage de lin ainsi qu'une jupe longue d'étoffe. Les rares occasions où elle démontre le faste de son titre sont lors d'occasions spéciales, telles que des réceptions qui peuvent être données. Elle se permet alors de porter de belles robes de velours ornées de dentelles fines.

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Portrait de Pierre-Thomas Tarieu Sieur de La Pérade
XVIIIe siècle
Sainte-Anne-de-la-Pérade (Québec), Canada
ATTACHEMENT DE TEXTE


Crédits:
Marie-Madeleine de Verchères et les siens, abbé F.A. Baillargé, 1913.

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Une seigneuresse à Sainte-Anne
1706-1726
Sainte-Anne-de-la-Pérade (Québec), Canada


En 1706, Madeleine épouse Pierre-Thomas Tarieu, qui est alors seigneur de Sainte-Anne. Elle a vingt-huit ans à ce moment, ce qui est un âge relativement avancé pour s'engager. Au XVIIIe siècle, une femme qui a plus de vingt-cinq ans et qui est toujours célibataire est considérée comme une ''vieille fille'', titre plutôt péjoratif. La raison pour laquelle Madeleine se marie à un âge si tardif est le fait qu'elle a dû rester auprès de sa mère suite au décès de son père. Ensemble, Madeleine de Verchères et Pierre-Thomas Tarieu ont cinq enfants, dont deux qui décèdent en bas âge.

Madeleine devient donc seigneuresse de Sainte-Anne. Elle n'hésite pas à s'impliquer activement sur plusieurs plans dans la colonie. Son temps est également partagé entre la gestion des domestiques, des engagés et des esclaves sur son domaine, lesquels sont à son service afin de l'aider dans ses tâches. Madeleine doit également veiller à ses devoirs et obligations. Elle doit habiter son manoir et faciliter l'établissement de nouveaux habitants en faisant construire un moulin et des chemins, ainsi qu'en participant aux dépenses de l'église. Telles sont les tâches importantes d'une seigneuresse.

Une anecdote intéressante concerne Marie-Madeleine Renarde, une jeune esclave amérindienne au service de Madeleine de Verchères. En 1726, elle est enlevée par Pierre Chauvette, un voisin dont elle s'éprend. Comme la jeune fille est sous la propriété de la seigneuresse de Verchères, elle n'a pas le droit de se marier sans l'autorisation de sa maîtresse. À l'époque, la plupart des Amérindiens sont de très mauvais esclaves, car ils ne se considèrent pas la propriété de qui que ce soit et connaissent mieux les environs que les colonisateurs. Les esclaves peuvent donc se sauver plus facilement. Les fugitifs sont arrêtés et l'esclave est retournée à sa propriétaire. Finalement, Pierre Chauvette, demande à ce que Marie-Madeleine Renard lui soit cédée, demande qui lui est accordée.

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Reproduction de la chambre des seigneurs
XVIIIe siècle
Sainte-Anne-de-la-Pérade (Québec), Canada


Crédits:
Musée de la civilisation
Domaine seigneurial Sainte-Anne (reproduction de meubles antiques)

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Mobilier de la chambre des seigneurs - Reconstitution
XVIIIe siècle
Sainte-Anne-de-la-Pérade (Québec), Canada


Crédits:
Musée de la civilisation
Domaine seigneurial Sainte-Anne (reproduction de meubles anciens)

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Madeleine, héroïne ou justicière?
XVIIIe siècle
Sainte-Anne-de-la-Pérade (Québec), Canada


En 1722, Madeleine de Verchères joue à nouveau aux héroïnes. À deux reprises au cours de cette année, elle sauve son mari d'attaques iroquoises. Ceux-ci s'en prennent une première fois à Pierre-Thomas Tarieu, qu'elle sauve de justesse avec l'aide de leur fils. La seconde fois, les Iroquois s'en prennent au manoir de Sainte-Anne en y mettant le feu, sachant que Madeleine et sa famille sont à l'intérieur. On raconte même qu'elle aurait sorti son mari sur son dos la deuxième fois, car ce dernier était alité et malade. La pluie et l'aide de censitaires viennent à bout de l'incendie.

Enfin, Madeleine ne suscite pas seulement des compliments pour ses actes héroïques. Cette dernière a un fort caractère et ne correspond certainement pas au statut de la femme qui se laisse marcher sur le dos. Madeleine n'hésite pas à poursuivre en justice divers individus lorsque ceux-ci ne se comportent pas comme elle le veut. Il arrive fréquemment que Madeleine poursuive en justice certains censitaires qui refusent de payer leurs rentes ou même de reconnaître les droits des seigneurs. Parmi le genre de querelles possible, prenons l'exemple des censitaires qui accusent le meunier de Sainte-Anne de retenir trop de grains. Ils vont donc faire moudre leurs grains à Saint-Pierre-les-Becquets, ce qui est totalement interdit, car le salaire du seigneur et du meunier se retient dans les grains moulus au moulin.

Un autre fait notoire de l'histoire de Madeleine à Sainte-Anne est l'épisode de la chanson du curé Gervais Lefèbvre. Dans cette cause portée en justice, une véritable saga naît. Le tout débute lorsque le curé Lefèbvre de Batiscan compose une chanson grivoise au sujet de Madeleine et quelques autres personnes connues de Sainte-Anne. Chantée en public, l'œuvre du Curé porte atteinte à la réputation de Madeleine et se voit contestée. Une succession de procès ont lieu concernant cette affaire et Madeleine tente même de se faire entendre à la cour du Roi de France. Ce dernier juge que cette histoire doit se régler en Nouvelle-France et le tout se règle à l'amiable.

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Portrait du curé Gervais Lefebvre
1714-1730
Sainte-Anne-de-la-Pérade (Québec), Canada
ATTACHEMENT DE TEXTE


Crédits:
Collection du Vieux presbytère de Batiscan

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Un curé qui écrit une chanson grivoise!
XVIIe siècle
Sainte-Anne-de-la-Pérade (Québec), Canada


« Recommandons-nous à la Sainte Vierge

In nomine patris, et filii et spiritus sancti Amen

Kyrie Eleison, Christe eleison, Kyrie eleison

(...)

Sancte la grande vache rouge, Ora pro nobis

Sancte Madame avec ses deux petites citrouilles, Ora ...

(...)

Sancte sacrebleu, iras-tu panser les vaches? Ora ...

Sancte Tourangeau foutu bougre iras-tu voir si le moulin tourne ? Ora ...

Sancte le Barret à Beausac sous le chenet du lit à Madame de la Pérade, Ora ...

Sancte sa naissance, Ora ...

Sancte sa nature, Ora ...

Sancte la femme à Portail je te baiserai entre les deux jambes, Ora ...

Sancte Madame Portail, je te baiserai à mon retour, Ora ... »

Crédits:
Archives du Vieux presbytère de Batiscan

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Acte d'inhumation de Marie-Madeleine de Verchères
1748
Sainte-Anne-de-la-Pérade (Québec), Canada
ATTACHEMENT DE TEXTE


Crédits:
Archives du Domaine seigneurial Saint-Anne

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Un exemple qui perdure
XXe siècle
Québec (Québec), Canada


Encore aujourd'hui, Madeleine de Verchères est un synonyme de courage et d'héroïsme chez les jeunes femmes. Un monument a été inauguré sur le rivage de l'ancienne seigneurie de Verchères. Celle que l'on appelle « la Jeanne d'Arc du Canada » figure également sur des affiches créées par l'Ordre des filles de l'Empire britannique afin d'encourager les femmes à participer à l'effort de guerre. On présente Madeleine comme exemple afin que les femmes défendent, elles aussi, leur patrie, leur famille et leur religion.

Citation : Au souvenir de l'héroïne dont nous rapportons ici la véridique histoire, vous vous inspirerez de sa vaillance et de sa grandeur d'âme, vous lirez le simple et touchant récit de la défense du fort de Verchères vous en goûterez l'inspiration, car rien n'est plus propre à faire aimer et respecter une nation que la connaissance de faits glorieux qui ont illustré notre histoire.

Doughtry, Arthur G. Une fille en Nouvelle-France, Ottawa, Mortimer Press, 1916. P.xi-xii

Cinquante ans plus tard lors de la campagne référendaire de 1980, l'intérêt pour Madeleine de Verchères refait surface sur des affiches publicitaires dans lesquelles ont peut lire « Madeleine aurait-elle dit oui? ». Cela prouve que, même après trois siècles, l'héroïne de Verchères a toujours quelque chose à dire...

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Statue de Madeleine de Verchères
XXe siècle
Seigneurie de Verchères (Québec), Canada
ATTACHEMENT DE TEXTE


Crédits:
Archives nationales du Canada

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Clichés du film - 1
XXe siècle

ATTACHEMENT DE TEXTE


Crédits:
Archives nationales du Canada