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Léon Tolstoï
1899
Russie
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Une fois la décision prise, tout retour en arrière devint impossible. Quand Léon Tolstoï et son associé Vladimir Tchertkov eurent vent de l'oppression des paysans en raison de leur position antimilitariste, ils passèrent à l'action. Tolstoï envoya Pavel Birukov, un collègue, dans le Caucase pour qu'il enquête sur la persécution. Les résultats furent publiés dans un article intitulé « The Persecution of Christians in Russia » (la persécution des chrétiens en Russie) dans le London Times.

Tolstoï en parla aussi dans la Contemporary Review. Le monde apprit ainsi le sort réservé aux doukhobors. Un texte publié en 1897 sous le titre « Le martyre des chrétiens en Russie » fut suivi d'autres dénonciations qui contribuèrent à attirer l'attention du monde à la situation critique des doukhobors. La nouvelle se répandit dans de nombreux pays et attira un fort taux de sympathie.

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Les tolstoïens, des Russes et autres humanistes qui ont aidé les doukhobors
14 octobre 2003
Londres, Angleterre
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Les membres de la société religieuse des Amis, aussi appelés quakers en Angleterre, s'élevèrent contre le traitement infligé aux doukhobors. En raison de la publicité générée par Tolstoï et Vladimir Tchertkov, l'autocratie russe ne pouvait plus ignorer ces personnes et considérer la situation comme un simple problème interne, c'est-à-dire un groupe de paysans ignorants et dissidents qu'il fallait affamer et soumettre par la force, voire éliminer systématiquement en raison de leurs croyances religieuses.

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Léon Tolstoï (peint par Repine)
1887
Russie


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La correspondance entre Léon Tolstoï et Peter Verigin à cette époque révèle qu'ils doutaient de la capacité des doukhobors à conserver leur disposition et leurs pratiques religieuses en Russie.

En même temps, les instances russes acceptaient de libérer les dissidents qui, à l'instar de leurs prédécesseurs, continuaient d'être une source d'ennuis. La Russie accepta de laisser partir la majorité des doukhobors, à condition qu'ils acquittent leur passage et soient interdits de retour en Russie.

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Tolstoï termina le roman « Résurrection » sur lequel il travaillait depuis un certain temps et remit ses profits afin de couvrir les frais d'émigration. Il recueillit aussi des fonds auprès de ses amis fortunés. D'autres dons furent faits (les quakers furent parmi les principaux donateurs). Le Canada, qui avait un urgent besoin d'immigrants pour cultiver les prairies de l'Ouest encore vierges, accepta les immigrants doukhobors. Il était évident qu'il s'agissait d'agriculteurs compétents et vaillants. Le Dominion of Canada voulait accueillir les doukhobors et négocia avec les « tolstoïens » qui représentaient leurs intérêts d'un point de vue humanitaire.

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Certains doukhobors, pressés de partir, ne firent pas les recherches nécessaires et se rendirent à Chypre. Puisque l'île n'était pas très loin du port de Batum, le coût du voyage était raisonnable. Au début de l'été 1897, les quakers et les mennonites avaient amassé assez d'argent pour acquitter le voyage d'un premier contingent de quelque 1100 doukhobors. Ceux-ci ignoraient toutefois le climat inhospitalier de Chypre et le sol impropre à l'agriculture, dont ils dépendaient. Le paludisme et la dysenterie étaient quelques-unes des maladies qui coûtèrent la vie à plus de 10 p. cent des doukhobors qui tentèrent de s'établir à Chypre. Les survivants quittèrent cet endroit dès qu'ils le purent.

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James Mavor
Vers les années 1890
Ottawa, Canada
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Au nombre de ces « tolstoïens », on trouvait Tolstoï lui-même ainsi que quelques-uns de ses distingués associés, dont Tchertkov, Birukov et Tregubov, tous trois exilés en raison de leurs prises de position. C'est le célèbre anarchiste et vétéran de l'exil en Sibérie, le prince Pierre Kropotkine, qui a suggéré le Canada comme terre d'accueil. Quelques autres possibilités s'offraient aux émigrants doukhobors, notamment le Texas, Hawaii, le Brésil, l'Argentine, la Géorgie et même la Chine. James Mavor, professeur à l'Université de Toronto, correspondait avec les tolstoïens. Il entreprit des négociations avec le ministre de l'Intérieur, Clifford Sifton, et le Dominion du Canada approuva, par l'entremise de ce dernier, la demande d'asile des doukhobors.

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Carte du Canada
13 juillet 2003



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Un nouveau départ

En 1898, une entente fut conclue avec le Dominion du Canada qui garantissait les simples conditions que demandaient les doukhobors : être exemptés du service militaire, cultiver les terres communales en collectivité et administrer les affaires de leurs villages.

L'état d'objecteur de conscience était le même que celui accordé aux quakers, aux tunkers et aux mennonites. Cela signifiait qu'en cas de guerre, les doukhobors pourraient refuser de se battre et de prendre les armes pour des raisons religieuses. On avertit toutefois les doukhobors qu'ils devraient respecter les lois nationales, mais on omit de préciser que ces lois prévoyaient notamment l'obligation de prêter le serment d'allégeance, ce que les doukhobors répugnaient à faire.

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Le premier contingent de 2 134 doukhobors à arriver à Halifax
23 janvier 1899
Halifax, N.-É., Canada


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Après un long périple amorcé le 21 décembre 1898, le premier contigent de 2134 doukhobors atteignit le Canada à Halifax avant de se rendre à Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, le 24 janvier 1899. Bien que dix doukhobors moururent durant la traversée, les arrivants, pleins d'enthousiasme et d'espoir, furent accueillis par des quakers, des journalistes, James Smart, le sous-ministre de l'Intérieur, et d'autres distingués invités. Ils furent tous impressionnés par la santé, le comportement et les chants des doukhobors, ainsi que la propreté de leur navire (méticuleusement entretenu et nettoyé durant le voyage de plusieurs mois).

Le S.S. Lake Huron transporta le groupe à Saint-Jean où il fut réparti sur cinq trains à destination de l'Ouest canadien (certains des passagers du S.S. Lake Huron durent rester en quarantaine à Halifax).