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Souvenirs d'Isle Valen

Ma famille a déménagé quelques années avant la réinstallation. Ma mère, Violet Williams Lockyer, avait eu des problèmes de santé assez sérieux et mon père pensait que ce serait mieux de se rapprocher d'un hôpital. Nous sommes partis à Arnold's Cove, où un grand nombre de personnes se sont réinstallées quelques années plus tard. J'ai des sentiments mitigés sur la question. Je pense que sur le plan culturel c'était une mauvaise chose, mais qu'en ce qui concerne l'éducation et la santé, c'était la chose à faire.
Isle Valen se partageait plus ou moins en deux communautés, catholique et protestante. Les catholiques s'étaient installés dans le port, tandis que les protestants vivaient à l'extérieur du port et dans les criques environnantes. En général, tout le monde s'entendait, sauf lors des mariages entre personnes de confession différente - on ne rigolait pas avec ces questions-là à l'époque.

Mon père (Joe Lockyer), qui était pêcheur, avait une petite scierie. Les gens venaient des communautés environnantes pour faire scier leur bois. Mon père jouait aussi de l'accordéon; on faisait appel à lui pour jouer dans les soirées dansantes et les mariages, ce genre de choses. Pendant les mois d'hiver, on organisait assez souvent des soirées et des concerts à l'école. Parfois, on décidait sans prévenir d'organiser une soirée dansante dans l'entrepôt de pêche de mon père, là où il rangeait ses filets et son poisson séché pendant l'été. Je me rappelle que je m'assoyais sur un tas de filets avec les autres enfants et qu'on regardait les gens danser, les gens des deux communautés, qui s'amusaient beaucoup - je n'ai pas souvenir d'un incident quelconque. Une nuit, un couple tournoyait si vite qu'il est tout simplement sorti de la salle. On a beaucoup ri! Je me rappelle aussi d'un groupe d'hommes qui se réunissait à la maison pour boire un verre et qu'après un certain temps l'un ou l'autre se mettait à chanter. Après un moment, ils étaient tous main dans la main et chantaient en c?ur dans la cuisine - de nos jours les enfants trouveraient ça un peu bizarre de voir un groupe d'hommes main dans la main en train de chanter, mais c'était comme ça à l'époque. Je pense que cette partie de notre vie doit être préservée et qu'on ne doit pas l'oublier. Les gens travaillaient dur, mais ils étaient capables de s'amuser à leur manière. Le mime était aussi populaire à l'Isle Valen; il y avait un homme qui faisait 6 pieds 6 pouces, tout le monde savait qui c'était.

Je suis retournée plusieurs fois depuis notre départ, j'aime ce beau port abrité entouré de hautes falaises abruptes. On voit surtout des cabanes de pêcheurs, car beaucoup de personnes sont retournées pour la pêche, tandis que d'autres ont construit des cabines juste pour le plaisir de pouvoir y séjourner lorsqu'ils viennent en visite. La plupart des maisons ont disparu, mais les maisons de Michael et Herbert Leonard sont toujours debout. Il n'y a pas eu de retrouvailles et je ne sais pas s'il y en aura. Les gens de ma génération, qui sont nés dans les années 1950, seront les derniers à se souvenir de la vie là-bas. J'avais 11 ans lorsque nous avons déménagé, mais je me souviens très bien de ma vie à l'époque.

Ma mère, qui a 85 ans, a accouché de six de ses neuf enfants sur l'île avec des sages-femmes différentes qui venaient de Merasheen, de St.Kyrans, de Tack Beach et même d'Isle Valen, je crois. Les trois derniers enfants sont nés à l'hôpital Cottage de Placentia.

Je peux uniquement parler de ce qu'était la vie sur l'île pour un enfant, et pour moi c'était une vie d'insouciance et de liberté. Un enfant pouvait se promener partout sans surveillance. Je me revois assise sur un rocher à l'embouchure du port, à regarder les grosses vagues qui venaient se briser sur le rivage. Si mes enfants faisaient cela aujourd'hui, je serais terrifiée. Mes s?urs aînées et moi, nous adorons retourner là-bas et parler de l'endroit. Nous sommes parfois retournées avec mon père et je pense qu'il se sentait coupable d'être parti, parce que nous étions si heureuses d'être de nouveau là-bas et, comme le font les s?urs, nous nous chamaillions sur le nom exact d'un rocher ou d'une colline.

Les noms de famille sur l'île étaient les suivants : Lockyer, William, Hamilton, Hapgood, Adam, Bennett, Leonard, Gaulton, Caul, Power, Green, Flynn. Certains de ces noms étaient portés par seulement une ou deux familles. Les familles les plus importantes étaient les Lockyer, les William, les Leonard et les Bennett.

Amitiés
Jennie (Lockyer) Barrett

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Enfants d'Isle Valen
Années 1950?
Isle Valen, baie Placentia, Terre-Neuve, Canada
ATTACHEMENT DE TEXTE


Crédits:
Joe Lockyer