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Big Merasheen
1970-1980
Merasheen, baie Placentia, Terre-Neuve, Canada


Crédits:
Pete Rogers

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École de Merasheen
Merasheen, baie Placentia, Terre-Neuve, Canada


Crédits:
Maritime History Archives

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Tobias Pearson, originaire de Merasheen, raconte qu'avant la réinstallation, entre 200 et 225 personnes vivaient là-bas. Il dit que la réinstallation ne l'a pas touché outre mesure dans un premier temps. Il vivait avec sa grand-mère; quand ils sont déménagés à Placentia en 1967, il est resté à Merasheen jusqu'en juin 1968 pour enseigner à l'école - il avait 25 ans à l'époque. Dans son souvenir, le jour du départ n'est pas teinté de tristesse, car il n'est pas parti avec sa famille. L'autre enseignante qui travaillait avec lui est partie à Noël, lorsque la famille chez qui elle vivait s'est réinstallée ailleurs. Ainsi, quand ses élèves sont retournés à l'école après les vacances, c'est lui qui a dû leur enseigner.

En ce qui le concerne, dit-il, la réinstallation n'a pas été un problème, mais les choses se sont faites trop rapidement. Le gouvernement n'a pas tenu compte des familles touchées par cet événement, tout ce qui importait pour eux c'était de les sortir de ces petits villages de pêcheurs isolés pour les envoyer dans des « pôles de croissance ». Quand les gens ont commencé à partir, ça se faisait parfois si vite que même leurs voisins ne savaient pas qu'ils étaient partis... ils partaient vers des « pôles de croissance » comme Placentia pour chercher une maison, puis revenaient faire leurs valises et, voilà, ils étaient partis avant que personne ne le sache... Les gens de Merasheen ne sont pas tous partis en même temps... chaque famille faisait les choses à son rythme... parfois une ou deux familles partaient en même temps, puis il se passait des semaines avant qu'une autre famille ne parte.

Sa famille s'est réinstallée à Placentia, sans autre raison particulière que le fait que c'était l'un des pôles de croissance. Quoi qu'il en soit, dit-il, les choses ne se sont pas passées comme prévu, car les gens ont été obligés de retourner à Merasheen pour la pêche au printemps. Ainsi, les centres comme Placentia n'ont pas connu le « boom » qu'on espérait. M. Pearson raconte que lorsqu'il fréquentait l'école de Merasheen, il n'y avait ni maternelle ni classe de 12e année; tout le monde connaissait ses camarades de classe.
On organisait à Merasheen un concert de Noël auquel toute l'école participait. Le jour de la Saint-Patrick, il y avait généralement un concert ou un buffet à la salle communautaire. Les repas de noces se faisaient dans la maison de la mariée et toutes les pièces de la maison étaient utilisées. Les gens se rassemblaient d'abord au salon, puis à un moment ou un autre, un groupe de personnes se retrouvait dans l'une des chambres, tout le monde assis autour du lit, et on chantait de vieilles chansons ou on racontait de vieilles histoires. Le soir venu, tout le monde allait à la salle paroissiale pour danser.

Il y a un centre communautaire à Merasheen. M. Pearson raconte qu'il y est retourné deux ou trois fois pour des retrouvailles. Les habitants de Merasheen se rassemblent chaque année à Placentia pour amasser des fonds pour l'entretien du centre communautaire. Il explique que les gens retournent à Merasheen de temps en temps pendant l'année pour atteindre leur quota de pêche, chasser le lapin en hiver, chasser le caribou ou encore cueillir de petits fruits. Il reste quelques maisons debout; les anciennes maisons à deux étages ont été transformées en cabines ou en chalets et sont utilisées uniquement pendant la saison estivale.

M. Pearson raconte que bien des choses ont changé depuis son départ. Les routes sont en meilleur état, la réception télé est meilleure (sur l'île, ils ne pouvaient syntoniser qu'une seule station de télévision), les médecins sont plus proches, on trouve de grandes épiceries avec un plus grand choix de produits. Une autre chose qui l'a frappé, c'est à quel point la communication a changé, surtout parmi les gens qui habitaient les petits villages de pêcheurs de la baie Placentia. Par exemple, dit-il, quand ils vivaient sur l'île, les seules personnes dont ils apprenaient la mort étaient celles qui vivaient dans leur communauté. Maintenant, il faut parfois assister à trois veillées funèbres par semaine parce que quelqu'un de Great Paradise, de Petite Forte, de Merasheen ou de South East Bight est décédé. Depuis la réinstallation, beaucoup de gens de ces petits villages ont appris à se connaître et tout le monde a maintenant l'impression de faire partie d'une grande communauté, alors qu'avant les gens mouraient sans qu'on le sache.

Tobias Pearson raconte enfin qu'à Merasheen, il y avait un temps pour travailler et un temps pour s'amuser. Beaucoup d'habitants étaient de bons artistes ou organisaient des spectacles. Il s'ennuie de ses amis de Merasheen. Depuis la réinstallation, les gens se sont dispersés un peu partout et on ne passe plus autant de temps en famille qu'on le faisait à l'époque.