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Article sur la vannerie
2012



Crédits:
CSW

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Fraxinus. Vannerie en clisses de frêne Odanak.
1945
Odanak (Québec), Canada


Crédits:
Jacques Rousseau, Archives du Jardin botanique de Montréal, Collection Jacques Rousseau c-3352-b-I-4951
Collection Jacques Rousseau c-3352-b-I-4951

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Fraxinus. Vannerie en clisses de frêne Odanak.
1945
Odanak (Québec), Canada


Crédits:
Jacques Rousseau Archives du Jardin botanique de Montréal - Collection Jacques Rousseau c-3349-a-I-4944

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Fraxinus. Un informateur, Robert Paquette, de la Réserve d'Odanak.
1945
Odanak (Québec), Canada


Crédits:
Jacques Rousseau Archives du Jardin botanique de Montréal - Collection Jacques Rousseau c-3356-b-I-4959

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Extrait de Regard sur l'histoire des Abénakis, par Jean-Louis R. O'bomsawin, automne 1997, vol. 3 no 1.

Je puise encore dans les écrits de mon ami Jacques Rousseau que j'ai eu le plaisir de connaître seulement quelques années avant sa disparition. C'était à l'université Laval, à Québec, au début des années 1970. Lui était professeur, moi, étudiant.

Il fournit ici une excellente étude sur la vannerie chez les Abénakis. A mon avis, un des rares textes sur le sujet. Au temps où il séjourna à Odanak (en 1945), cet art était encore florissant. Avant qu'il ne disparaisse à jamais, laissons-nous bercer par ces lignes si généreuses sur un art moribond. C'est dommage!

Notes :
Jean-Louis R. O'bomsawin (né vers 1925) est un Abénakis qui devenu un religieux de la Congrégation de Sainte-Croix. Pour son article, il a repris le texte de Jacques Rousseau sur la vannerie abénakise qui avait été publié dans les Archives de folklore, publication de l'Université Laval aux Éditions Fides, en 1947.

Jacques Rousseau (1905-1970), était botaniste et ethnologue. Lisez sa biographie sur le site Web du Jardin botanique de Montréal en copiant et collant leur adresse: tp://www2.ville.montreal.qc.ca/jardin/archives/rousseau/biographie.htm
Il a visité Odanak en 1945. Son texte sur le travail de transformation du frêne constitue un document intitulé Ethnobotanique abénakise.
Vous pourrez voir toutes les photographies qu'il a prises de sa visite à Odanak en 1945 sur: http://www2.ville.montreal.qc.ca/jardin/archives/rousseau/rousseau2.php?annee_voyage_lieu=31946&Depart=0

Chez les Amérindiens du Nord-est, dont plusieurs tribus ne connaissaient pas la terre cuite, la vannerie a toujours joué un grand rôle. Les principales plantes textiles comprenaient les Apocynum*, les orties (Laportea canadensis surtout), l'écorce interne du tilleul (Tilla glabra), les minces rubans de bois de frêne (Fraxinus).

C'est à la vannerie aussi qu'il faut rattacher les multiples usages de l'écorce de bouleau (Betula papyrifera): récipients, canots et wigwams. Les Abénakis, contrairement aux Têtes-de-Boule*, n'utilisent plus cette écorce pour la fabrication de paniers et de grands canots, mais seulement des "souvenirs pour touristes": petits canots et wigwams minuscules.

Leurs ancêtres fabriquaient des paniers en écorce de bouleau grattée. Speck (Frank Gouldsmith Speck (1881-1950), anthropologue américain) écrit à ce sujet:

"Au nord de la sous-région ethnique méridionale* de la Nouvelle-Angleterre, qui semble avoir été bornée par la rivière Merrimac*, les paniers d'éclisses* avec motifs peints étaient remplacés par des paniers en écorce de bouleau avec les motifs gravés qui caractérisaient l'art du groupe Wabanaki. " Je ne serais pas surpris même que la boîte d'écorce de bouleau grattée reproduite par Marius Barbeau soit d'origine abénakise. Elle aurait été "faite à l'Hôpital général (où elle est conservée) vers 1750". La forme n'est pas des types habituels des Têtes-de-Boule, des Montagnais* et de la plupart des tribus algonquines, mais le motif décoratif aux doubles courbes si caractéristiques est sûrement l'oeuvre d'un indigène de ce groupe ethnique. Bien plus, c'est aux motifs Penobscot*, Malécites* et Micmacs* qu'ils ressemblent le plus. Il est fort possible, sinon probable, que la boîte d'écorce de bouleau de l'hôpital général soit l'oeuvre d'un Abénakis hospitalisé. Si c'est bien l'oeuvre d'une religieuse, comme on le croit à l'Hôpital Général, les motifs décoratifs sont sûrement copiés d'un travail indien.

Les autres matériaux de vannerie d'Odanak comprennent les saules arbustifs (Salix sp.)* pour la fabrication de grands récipients, et le foin d'odeur. Les osiers européens sont des saules arbustifs et certaines de nos espèces peuvent remplir plus ou moins la même fonction.

Au lieu du foin d'odeur, (l'Hierochloe odorata)*, on recourt à une graminée introduite, la flouve odorante (Anthoxanthum odoratum)*. Des Canadiens-français cultivent ce foin d'odeur et le vendent tressé aux Abénakis. Un petit nombre de paniers sont faits uniquement avec ce chaume peu résistant. En général, il entre en petite quantité dans les paniers de rubans ou clisses de frêne et sert à les parfumer.

De beaucoup le matériel de vannerie le plus important, le ruban de bois de frêne (Fraxinus nigra) sert de base à une industrie prospère dans cette réserve. Beaucoup consacrent presque tout leur temps à cet art.

Les personnes qui tissent les rubans de bois de frêne à Odanak ne préparent plus, pour la plupart, la matière première, les clisses. Ce travail est effectué par un membre de la réserve à l'emploi du Service des Affaires indiennes, M. Frédéric R. Obomsawin. Les notes suivantes sur la préparation des clisses de frênes ont été recueillies à son atelier.

1. La matière première. Pour faire des clisses, on n'emploie que le frêne à bouquet (Fraxinus nigra, selon toute vraisemblance). Le franc frêne (Fraxinus americana) n'est pas bon pour les clisses, mais s'emploie pour les raquettes. La première opération consiste en l'écorçage du tronc.

2. Faire une coche à la hache. A quelques pouces de l'extrémité d'un billot d'une dizaine de pieds de long, on fait à la hache une entaille d'un pouce ou deux de profond qui sera le point de départ du travail.

3. Prendre la mesure de la largeur. On fait ensuite au canif; en partant de la coche, deux entailles parallèles, dans le sens de la longueur du billot, afin de marquer la largeur des clisses au point de départ.

4. Battre le frêne. On bat avec le dos de la hache (à dos large) la zone du frêne que l'on veut lever en ayant soin d'appliquer les coups régulièrement, côte à côte. Lorsqu'on est rendu à l'extrémité du billot, on fait la même opération en revenant sur ses pas et en frappant entre les anciens coups dont on distingue bien les marques. Ce battage uniforme brise les gros vaisseaux des couches annuelles et isole des rubans de bois. Si " l'on sautait un coup dans le battage " (c'est-à-dire si l'on omettait de battre le bois à un point précis), les clisses se déchireraient lors de la levée.

5. Séparer les âges. Avec le canif, on isole les couches annuelles de bois au point de départ de la coche. Chaque clisse est un âge (c'est-à-dire une couche annuelle) du bois.

6. Lever une battée. Une fois l'extrémité des clisses isolée au canif, on lève à la main une dizaine de clisses à la fois. Ce qu'on lève en une seule fois est une battée.

7. Dresser le frêne. Un synonyme est déligner les clisses. Opération consistant à repasser au canif la bordure de la battée de clisses pour enlever les fibres qui dépassent.

8. Fendre les clisses sur la fendeuse*. Les clisses sont épaisses; il faut les réduire en deux parfois même trois minces feuillets si l'âge est trop épais. On fait d'abord une fente au couteau après avoir plié l'extrémité pour tendre les fibres. Une fois les deux feuillets isolés à l'extrémité, on les sépare en tirant les rubans de part et d'autre de la fendeuse.

9. Machinage des clisses fendues. Les clisses qui viennent d'être fendues sont rudes d'un côté et lisses de l'autre. (Le côté rude est une surface du ruban, tel que levé avec la battée). Si une clisse originale trop épaisse est divisée en trois rubans dans la fendeuse, celui du milieu, le dedans, est lisse sur les deux faces. Les rubans ayant une surface rude doivent être polis de ce côté. Pour cela, il faut les machiner, c'est-à-dire les passer dans une raboteuse spéciale, nommée simplement la machine.

10. Roulage des clisses. Dernière opération consistant à enrouler plusieurs clisses à la fois. Ces rouleaux uniformes, renfermant environ soixante verges de ruban d'un pouce et demi de large et prêts pour le commerce, se vendaient 0.60 $ chacun dans la réserve en 1945. Les fabricants de paniers les réduisent, selon leurs besoins, en rubans étroits.

11. Repassage et fabrication de couteaux de la machine. Les couteaux, ressemblant à ceux des varlopes*, sont faits avec des morceaux de scie ou de godendard*. Après avoir été bien aiguisés et débarrassés du morfil*, on roule obliquement sur la tranche une lame ronde de fer de castille (acide trempé) pour virer le couteau (c'est-à-dire pour courber le tranchant).

12. Travail d'une journée. Dans une journée de dix heures, un bon ouvrier peut rouler (c'est-à-dire faire toutes les opérations depuis la coche du billot jusqu'au roulage proprement dit) de cinq cents à mille verges de clisses. Certains billots demandent beaucoup plus d'ouvrage que d'autres.

* Apocynum: différentes espèces de chanvre dont les fibres sont utilisées pour fabriquer des cordages.
* Têtes-de-Boule: nom donné autrefois aux Atikamekws, un peuple algonquien qui compte trois communautés situées dans les régions de la Mauricie et de Lanaudière au Québec. Atikamekw signifie poisson blanc. Une des origines possibles du nom Tête-de-boule aurait été une pratique ancienne visant à donner une forme de tête parfaite aux enfants.
* Méridional: Au sud, qui se situe au sud à l'opposé de "septentrional", le nord. L'ouest et l'est sont respectivement "occidental" et "oriental".
* Merrimac: fleuve prenant sa source dans le New Hampshire, un état au nord-est des États-Unis d'Amérique. Il se jette dans l'océan Atlantique en passant par le nord-est de l'état du Massachusetts.
* Éclisse ou clisse: du vieux français escliser ou fendre en segments. Terme employé pour désigner les longs rubans de bois prélevés sur un tronc de frêne.
* Montagnais: om français donné aux Innus, peuples algonquiens qui occupent la Côte-Nord, le Saguenay-Lac-Saint-Jean du Québec et le Labrador au Canada.
* Penobscot: peuple algonquien habitant dans l'État du Maine aux États-Unis d'Amérique.
* Malécite: peuple algonquien habitant dans les province du Nouveau-Brunswick et du Québec au Canada et dans l'État du Maine aux États-Unis d'Amérique.
* Micmacs (Mi'kmaq): peuple algonquien habitant dans les provinces de la Nouvelle-Écosse, de l'Île-du-Prince-Édouard, du Nouveau-Brunswick et la péninsule de la Gaspésie au Québec, Canada.
* Saules arbustifs (Salix sp. (sp. abréviation du mot anglais " species " qui veut dire espèces)): arbuste à croissance rapide.
* Foint d'odeur (Hierochloe odorata): plante de la famille des graminées aussi appelée avoine odorante, hiérochloé odorant ou herbe aux bisons.
* Flouve odorante (Anthoxanthum odoratum): aussi appelée chiendent odorant, c'est une plante de la famille des graminées.
* Fendeuse: gros outil de bois employé pour amincir les éclisses de frêne.
* Varlope: outil à poignée servant à aplanir le bois.
* Godendard: grosse scie munie d'un manche à chaque bout.
* Morfil: particules et petites irrégularités métalliques au bord du tranchant d'une lame.



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Ancien panier Abénaquis (sic) fait avec une grosse clisse



Crédits:
Archives du Jardin botanique de Montréal c-3361-a-I-4970

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Description du panier ancien tirée de: Ethnobotanique abénakise par
par Jacques Rousseau

Les clisses de bois ont servi autrefois à la fabrication de paniers d'un tout autre type. La pièce illustrée, propriété de Mlle Madeleine Doyon, était conservée dans sa famille, à Saint-François de la Beauce, depuis plus d'un siècle. D'après sa grand-mère, madame Sigefroy Doyon, morte en 1920 à l'âge de 84 ans, le coffret venant des Abénakis de la Chaudière aurait toujours existé à sa connaissance dansla famille, ce qui nous reporte au moins à 1840. Par la forme, mais non la décoration,
il ressemble beaucoup à une boîte de bois illustrée par Speck, de dimension plus grande, dont je n'ai vu qu'une photographie. Le coffret de St-François de Beauce est ovale, long de 22 cm, large de 14 cm et haut de 7,5 cm. Le fond et la surface du ouvercle sont constitués par une mince planchette d'environ 5 mm d'épaisseur, en pin blanc probablement. La paroi du coffre proprement dit (large de 7 cm) et du couvercle (1,5 cm de large) est une clisse épaisse (1,5 mm), apparemment en frêne. Les clisses, rugueuses à l'intérieur, bien lisses à l'extérieur, étaient attachées autrefois aux planchettes par de petites chevilles de bois, dont l'une a persisté. L'extrémité des clisses, d'autre part, est cousue à deux endroits avec des racines. Ce sont celles de conifères que l'on employait généralement à ces fins. Les motifs décoratifs sur le couvercle et la paroi extérieure, actuellement brunâtres, probablement rougeâtres autrefois, renferment des dessins où se répètent des doubles-courbes bien caractéristiques.