Partie 2 : Les premières années
En 1885, la congrégation achète un terrain de l’avenue McGill College. Le 21 octobre, la pierre angulaire du nouveau bâtiment est posée par John E. Moss, le président de la synagogue.
Un an plus tard, l’édifice est officiellement inauguré et la synagogue ouvre ses portes. Dans son allocution lors de la cérémonie d’ouverture, John E. Moss déclare que la congrégation sera désormais connue sous le nom de congrégation Shaar Hashomayim.
Inspiré par le nom officiel de la synagogue Bevis Marks de Londres, ce nom découle d’un passage de la Genèse décrivant le rêve de Jacob à propos de l’échelle :
Jacob s’éveilla de son sommeil et dit : « L’Éternel est dans ce lieu, et je ne le savais pas. » / Il fut effrayé et dit : « Que ce lieu est redoutable! Ce n’est pas autre chose que la maison de Dieu, et c’est la porte du ciel » (28:16-17).

Photographie composite réalisée à l’intérieur de l’édifice de la Congrégation Shaar Hashomayim sur l’avenue McGill College, 1890.
Une photographie composite — qui a été reproduite à plusieurs reprises dans des ouvrages d’histoire juive canadienne — présente l’intérieur de la synagogue.
La fin de siècle entraîne une transition à la direction de la synagogue. Depuis ses débuts, la congrégation n’avait pas réussi à retenir les services d’un rabbin pendant plus d’un court mandat. Cette situation change en 1902, quand le rabbin Herman Abramowitz, un jeune homme de 22 ans diplômé du Jewish Theological Seminary de New York, est engagé. Il est recommandé par Solomon Schechter, l’une des plus éminentes personnalités juives du 19e siècle et du début du 20e siècle.
Le rabbin Abramowitz œuvre pour la congrégation jusqu’à sa mort en 1947. Pendant son mandat, il s’est forgé une réputation importante dans la communauté juive canadienne. En 1913, il s’est fait remarquer lorsqu’il a été appelé à témoigner dans la tristement célèbre affaire Plamondon, dans laquelle le notaire et journaliste québécois J. E. Plamondon a accusé les Juifs du Québec de pratiquer le meurtre rituel. En tant qu’expert du Talmud, Abramowitz a témoigné de la fausseté de cette allégation antisémite. Au cours de la Première Guerre mondiale, il a également été le premier aumônier juif du Canada.
À la même période, un changement survient dans la direction laïque de la synagogue. En 1890, la famille Moss, qui a marqué l’évolution de la synagogue durant ses premières décennies, s’installe en Angleterre. Ce vide est alors comblé par certaines familles, dont les Cohen : le patriarche Lazarus Cohen devient le président de la synagogue de 1896 à 1901, puis de 1907 à 1914.
Le fils de Lazarus, Lyon, laisse une empreinte encore plus forte sur la synagogue; il sera le président de la Shaar durant la plus longue période (25 ans au total).
Bien qu’il soit surtout connu, aujourd’hui, pour avoir été le grand-père de Leonard Cohen, Lyon Cohen était d’abord une figure majeure de la communauté juive canadienne. Il a été le premier président du Congrès juif canadien. De plus, il a fondé The Canadian Jewish Chronicle, le premier périodique juif de langue anglaise au Canada, ainsi que plusieurs institutions communautaires encore actives de nos jours.