Une esthétique vernaculaire
L’art vernaculaire ou populaire offre une grande diversité dans les sujets abordés, les démarches artistiques et l’utilisation des matériaux. Si les démarches sont différentes, l’art populaire partage tout de même certains éléments et caractéristiques, notamment des formes simplifiées avec des contours épais, des incohérences d’échelle et de perspective, et l’utilisation de matériaux artisanaux ou trouvés. De nombreux artistes contemporains ont intégré ces techniques de l’art populaire à leurs propres œuvres en mélangeant les styles traditionnels et modernes.
Une des caractéristiques clés de l’art vernaculaire est le recours à des images abstraites. Les formes et les figures sont simplifiées par l’usage de symboles, d’aplats de couleurs et des contours prononcés. La toile de Molly Lenhardt, intitulée Canadian Ukrainian Girl, illustre bien cette approche. Elle présente un portrait où le visage et le corps du sujet sont représentés par des lignes et formes simples, et décorés de motifs. Lenhardt place le sujet en évidence au premier plan, collé sur le plan de l’image, ce qui crée un effet aplati, à deux dimensions.
L’artiste contemporain David Thauberger a adopté une technique semblable en amenant ses sujets à l’avant-plan en leur donnant ainsi une apparence sans relief. Dans son tableau Power Line, l’architecture d’une station-service est réduite à de simples formes géométriques. Cela donne une vue frontale peu profonde contrairement à une perspective à trois dimensions. Thauberger reconnaît l’influence que des artistes vernaculaires comme Lenhardt et William McCargar ont eue sur sa démarche artistique.
Les incohérences d’échelle et de perspective sont aussi très courantes dans l’art vernaculaire. Les artistes illustrent souvent les objets et les personnes de manière disproportionnée ou à l’aide de perspectives non conventionnelles. Jahan Maka, dans son tableau intitulé Old World par exemple, utilise une vue aérienne pour montrer les personnages et les bâtiments, mais certains sont bizarrement couchés sur le côté pour indiquer des directions dans un quartier. Cette perspective aérienne étrange fait penser à un rêve comme si le spectateur flotte au-dessus du tableau. L’artiste contemporain Joe Fafard s’appuie sur l’usage de la perspective aérienne dans son estampe Birds’ Eye où il présente un paysage en forme d’œuf vu d’en haut. On y voit des champs et des étendues d’eau parsemés de vaches. Les vaches sont représentées de façon très inhabituelle sous forme abstraite. Cette manipulation ludique des perspectives crée une expérience visuelle unique.
Une autre tradition présente dans l’art vernaculaire est la création de modèles miniatures. Ils sont souvent utilisés comme des jouets ou en tant que souvenirs nostalgiques pour capturer la vie dans les Prairies. Ils recréent des éléments de la vie rurale tels que des charrues, des attelages de chevaux, des batteuses, des moissonneuses-batteuses, ainsi que des élévateurs à grains en petit format. Ils étaient généralement fabriqués à partir de matériaux trouvés ou à portée de main. Pour réaliser cette pratique, que l’on appelle « assemblage », il faut avoir toutes sortes de matériaux. Par exemple, l’artiste populaire Lawrence Pederson de Moose Jaw, a créé de nombreuses miniatures, des répliques de jouets, notamment un élévateur à grains fabriqués à partir de divers matériaux.
L’artiste contemporain Graeme Patterson a poussé encore plus loin cette pratique dans son installation de grande dimension The Shop où il recrée en miniature un des bâtiments du village de ses grands-parents. Patterson utilise des matériaux légers comme du carton-mousse et ajoute des éléments sonores et vidéographiques pour donner vie au bâtiment afin d’encourager les spectateurs à entrer dedans. De la même manière, les sculptures de Leila Armstrong présentent de petits dioramas de différents milieux des Prairies incorporant des animaux empaillés et des figurines ressemblant à des jouets. Ces dioramas, qui sont des exemples de la technique de l’assemblage, jouent avec les dimensions en encourageant les spectateurs à créer des liens avec les œuvres de façon ludique et nostalgique.
Les artistes vernaculaires et contemporains s’appuient sur des démarches et des techniques communes. Ils parlent de la vie dans les Prairies à travers leur démarche artistique unique.