Les goélettes face au chemin de fer
Extrait du témoignage 2021-0049, Paul-Louis Martin, septembre 2021
Collection Musée de la mémoire vivante
Vers 1860, l’arrivée du chemin de fer a bouleversé les habitudes de transport et de consommation des populations riveraines vivant au rythme des goélettes. Le marché des fruits cultivés en verger sur la Côte-du-Sud a connu de grands changements que Paul-Louis Martin, historien et propriétaire de La Maison de la prune à Saint-André (Kamouraska) explique.
TRANSCRIPTION
[Paul-Louis Martin est assis à une table devant une armoire antique et il raconte.]
La ligne du Grand Tronc arrive à Lévis en 1854. Et là, on veut la prolonger, bien sûr, jusqu’à Rivière-du-Loup, jusque dans les Maritimes.
Il y a un débat qui s’engage à Québec à l’Assemblée du Canada-Uni pour savoir où est-ce que va passer le tracé. Et là, il y a deux versions, parce qu’il y a deux partis bien sûr à l’Assemblée nationale, à l’Assemblée du Canada-Uni comme on l’appelle.
Alors, un parti propose de passer le tracé au bord du fleuve, sur le littoral, là où sont établis la plupart des villages, des petites villes bien établies, le commerce et tout. Jusqu’à Rivière-du-Loup, où ça va arriver en 1860.
Mais l’autre parti, lui, propose plutôt d’entrer à l’intérieur des terres pour les raisons suivantes : les terres sont un petit peu moins bien développées que sur le bord du fleuve. Donc, qui coûteraient probablement moins cher à exproprier et, surtout, surtout, les ponts coûteraient moins cher à construire parce que les rivières sont moins larges qu’aux embouchures.
[Photo noir et blanc d’un train à vapeur en marche]
Le chemin de fer va passer tranquillement, à partir de Lévis, pénètre à l’intérieur des terres et là vient développer, permet de développer une deuxième rangée de villages, euh… établis évidemment tout le long du parcours, jusqu’à Rivière-du-Loup et ensuite jusque dans la vallée de la Matapédia.
Mais ça avait pour effet que tous les commerçants qui étaient établis au bord du fleuve, mais là eux, vont être en concurrence avec les nouveaux marchands qui, eux, vont s’établir le long des voies ferrées. Et le long des voies ferrées, bien sûr ils sont branchés à l’année sur les arrivages et les expéditions, alors que les commerçants du bord du fleuve, eux autres, sont forcément saisonniers à cause de la glace l’hiver pendant au moins six mois, si vous voulez. Il n’y a pas grand-chose à transporter ou à faire venir.
Alors, ce qui va faire en sorte aussi que les producteurs fruitiers qui espéraient tranquillement, avec l’arrivée du chemin de fer, expédier leur production par chemin de fer. C’est l’inverse qui va se produire, avec la conséquence suivante : tous les fruits, soit qu’ils viennent de Nouvelle-Écosse, soit qu’ils viennent d’Ontario ou de Californie et même plus tard de Colombie-Britannique, ils vont arriver, à cause du climat, ils vont arriver un mois avant la production locale.
Alors, tranquillement, vous allez voir diminuer les vergers établis sur le littoral.