La recherche de violoneux dans le comté par Christian Giraldeau

Image : Photographe inconnu (design graphique d’Audrey Fauteux-Robillard), 1976. Collection privée de Monique Villeneuve.
Extrait audio : Entrevue avec Christian Giraldeau, ancien participant à l’organisation des Fêtes du Vieux Saint-Eustache, par Sandrine Contant-Joannin, ethnologue, 2023. Durée de l’extrait: 3 minutes, 10 secondes. Collection de Patrimoine culturel Vieux-Saint-Eustache.
Christian Giraldeau a participé à l’organisation des Fêtes du Vieux Saint-Eustache entre 1974 et 1976, principalement en créant différents types de contenu pour l’évènement. Il décrit ici sa rencontre avec un violoneux qui avait les doigts de la main gauche coupés et qui est venu performé lors de l’évènement. Voici la transcription de cet extrait d’entrevue :
Christian Giraldeau : Et j’en ai trouvé quelques-uns et ceux qui m’ont le plus marqué, ceux de qui j’ai gardé un souvenir un peu plus fort, c’étaient les frères Binette. Alors, les frères Binette, il y en avait au moins un qui était dans la réserve, à Oka, il s’était marié avec une Amérindienne, et son frère… Je me rappelle pas de son prénom à lui… Mais lui, j’ai dit : « Est-ce que vous jouez encore du violon ? », tu sais, pis je lui faisais raconter l’histoire, parce qu’il était quand même… Admettons qu’il avait, peut-être 75 ans quand je l’ai vu, moi ? Et, euh, il sortait encore son violon.
Fait que j’ai dit : « Vous allez pouvoir me jouer des tounes. Ça vous tenterait-tu de vous rassembler ? Ça serait le fun de faire un happening de violoneux à Saint-Eustache. » Pis là, là, tu sais, ses yeux se sont allumés, sa femme a arrêté de travailler dans la maison. Elle est venue nous écouter. Il va tu ressortir son violon, c’était toute l’affaire…
Et puis, là, il commence à me raconter. Ben le monsieur, le truc, c’est qu’en me racontant, je vois que, tu sais, quand tu joues du violon, tes doigts ici, c’est important les doigts de la main gauche. Ben, il avait juste des moignons de doigts. Ses doigts étaient occupés à moitié. J’ai rien dit. Il va chercher son violon, pis il joue comme s’il avait tous ses doigts là t’sais !
Pis là, il me raconte l’histoire, il dit : « Ça t’intrigue, j’imagine ? » C’est sa femme qui m’a raconté. T’sais, il a dit : « Envoye, raconte-lui, d’abord. » Alors, quand il était jeune, il allait faire danser, écoute, c’était un des violonistes, des violoneux les plus en demande euh dans le comté, pis même l’autre bord du lac. Alors, il faisait danser tout le monde et pis euh…
À un moment donné, il est allé aux chantiers, en Abitibi, pour la coupe de bois et il a eu un accident. Schlak. Un coup de hache qui lui a coupé les trois phalanges principales là tu sais, les trois doigts du milieu. Alors, bien sûr, il a plus été question de violon et ce gars-là, c’est plate, j’ai oublié son prénom, ce monsieur Binette là, il a plus été question de violon pendant plusieurs années. Plusieurs, plusieurs années. Je te dirais même, je pense près de 10 ans. Et hum, ça c’est ce que, ce dont je me rappelle là.
À un moment donné, un soir, il est arrivé avec son violon dans une veillée de famille et il s’est mis à jouer encore mieux que ce qu’il jouait avant, 10 ans avant. Tout ce temps-là, il allait pratiquer son violon en cachette avec ses moignons de doigts et il est revenu encore meilleur que ce qu’il était. Écoute, je, je te raconte l’histoire, j’en ai encore des frissons.