1

Séance d'enregistrement au studio 12 de Radio-Canada
2006
Montréal


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Séances d'enregistrement
(Description et commentaires)

Dans cette chronique, nous avons demandé aux invités de commenter des séances d´enregistrement, sous divers angles : planification et déroulement d´une séance, spécificité des enregistrements faits ici, innovations, démarches des preneurs de son en studio, expériences et types d'enregistrement, influence de l'acoustique du lieu…

Tous les bons studios doivent leur renommée aux techniciens qui y travaillent. Les métiers reliés au domaine de l'enregistrement ont parfois des appellations ambiguës:

· L´ingénieur du son est une personne hautement qualifiée (diplôme de maîtrise dans le domaine) qui peut agir en tant que consultant, concepteur d´équipement, ou superviseur d´une équipe de techniciens.

· Le technicien, parfois appelé opérateur du son, peut faire de la prise de son, du montage, du mixage (mélange des pistes enregistrées), un peu de conception sonore. Il est souvent un assistant (mais pas toujours) ou une personne polyvalente qui n´est pas un spécialiste.

· Les techniciens à la mise en ondes ou à la sonorisation (pour la diffusion sonore lors des concerts), se spécialisent généralement dans ces métiers.

· Le preneur de son se spécialise dans la prise de son (en studio ou sur le terrain, pour la musique, le cinéma ou la télévision…).

· Le réalisateur est un technicien ayant beaucoup d´expérience et de polyvalence, qui se spécialise dans la production artistique d´un album, notamment à l´étape du mixage.

Dans les grands studios, des spécialistes du mixage, du montage son, de la postproduction, du matriçage (mastering), et de la conception sonore, forment une équipe de spécialistes. Des assistants à toutes ces fonctions s´ajoutent au personnel. Pour couronner le tout, ces termes sont souvent utilisés à mauvais escient puisque la nature des projets ou des circonstances obligent les gens du milieu à toucher à tout. Par exemple, un preneur de son peut très bien agir à titre de réalisateur pour une production indépendante avec un budget limité.

En complément sur le site de la Phonothèque québécoise (www.phonotheque.org), il y a une démonstration d'une séance d'enregistrement et une section très détaillée sur divers aspects techniques commentés dans des extraits d'entrevues.

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Console au studio Piccolo
2006
Montréal
ATTACHEMENT AUDIO


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Enregistrement multipiste

Michel Descombes (graveur, ingénieur du son et mixeur chez RCA et à l´Office national du film)

Tentative de rivaliser avec les prises de son de New York
(1´41'') -Michel Decombes, enregistré en 1993

« C´est sûr qu´aux États-Unis, même les studios RCA Victor à New York étaient de toute façon encore plus avancés que ceux de Toronto. New York, c´était comme le summum pour RCA Victor, et puis après ça, il y avait probablement tous leurs studios aux États-Unis, puis Toronto, et Montréal devait être à la remorque de tout ça. Tous les disques 45 tours de l´époque d´Elvis ou de n´importe quelle vedette qui sortait, il fallait qu´il soit refait au Canada. Ils ne pouvaient pas importer. Je recevais beaucoup de rubans des studios RCA Victor de New York. Des fois, j´étais surpris de la qualité qui était toujours un petit meilleur que la nôtre. On essayait de les copier en se demandant : Comment ils ont pu faire ça. Ils devaient avoir de l´équipement, des technologies. On l´avait toujours un peu plus tard. Quelques années après, on recevait une pièce d´équipement. On disait : Ah! Il y a ça qui existe, on peut le faire. Alors qu´à New York, ça faisait déjà un an que ça se faisait. C´est sûr que si on entend un son qui est nouveau, ou une façon de prendre le son qui est nouvelle, on essaie de placer les micros. Surtout dans la prise de son d´une batterie, vous avez un son assez époustouflant. Moi, j´essayais de mettre plusieurs micros. Des fois le résultat était bon, mais des fois c´était désastreux aussi, parce qu´il y avait de la distorsion, puis ça allait pas du tout, [il y avait de] l´interférence entre les micros. Je n´avais peut-être pas les bons micros. Je ne les plaçais pas comme il faut. Peut-être qu´eux avaient une pièce d´équipement qu´on n´avait pas. Il fallait trouver des façons de faire… [On essayait]. Ça c´est bien. La prochaine fois, je vais faire ça comme ça. Surtout pour un orchestre rock, [on pouvait essayer]. On peut pas faire ça pour n´importe quel orchestre. Faut l´adapter à ses besoins. On essayait des façons de le faire, avec ce qu´on avait.»

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Acoustique bénéficiant de parois à positions variables au studio 12 de Radio-Canada
2006
Montréal
ATTACHEMENT AUDIO


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Acoustique des salles et des studios

Alain Chénier (technicien et preneur de son au studio 12 de Radio-Canada)

Acoustique des salles à Montréal et esthétique de la prise de son radiophonique
(1´33'') -Alain Chénier, enregistré en 2006

«La prise de son doit être la plus transparente possible. J´avoue que j´ai de la misère maintenant d´aller dans une salle de concert, parce qu´il y a deux ou trois endroits où je serais à l´aise pour écouter un concert. Sinon, pour moi, ce n´est pas bien balancé. À Montréal, on ne peut pas se vanter d´avoir de très belles salles de concert. Il y en a quelques-unes qui répondent bien. J´ai eu la chance d´aller au Hall de Walt Disney, l´année passée, d´entendre un orchestre à Los Angeles. J´ai fait Oh la la! Je comprends c´est quoi une belle salle de concert. C´est l´architecte Gehry, qui a fait ça. C´est incroyable. L´orchestre symphonique là-bas, le Philharmonique, doit réapprendre à jouer dans une salle comme ça, parce qu´on entend tout tout tout. Le son est précis. C´est une expérience! C´est comme écouter du 3D dans ton salon. Tu écoutes ça puis tu dis Wow! Moi, j´ai la possibilité d´enregistrer les musiciens, alors je crée le son, j´essaie de faire, selon mon écoute et mon esthétique, ce que je considère intéressant et excitant. Ce n´est pas vrai qu´il faut respecter la dynamique d´une salle dans un salon. Je ne suis pas d´accord, des fois, avec ça. Il faut que ce soit assez excitant dans un salon, sur un CD, pour que ça t´embarque. Évidemment, il y a le côté radiophonique de mon métier. On dit des fois, nous autres, pour la production qu´on fait à la radio, [qu'] il faut exagérer un peu les enregistrements qu´on fait, dans le sens qu´il faut que l´auditeur soit vraiment excité par ce qu´il entend. Même [pour] les enregistrements jazz ou classique, il faut qu´il y ait un petit plus.»

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Magnétophone dans les années 1960
1960
Montréal
ATTACHEMENT AUDIO


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Préparation d'une séance d'enregistrement

Bernard Tremblay (technicien, preneur de son et mixeur chez RCA)

Préparation typique d´une séance d´enregistrement au studio RCA au milieu des années 1960
(1´40´´) - Bernard Tremblay, enregistré en 1993

«Si on prend un enregistrement avec des musiciens, il fallait d´abord, avant l´arrivée des musiciens et du producteur, sachant qu´il y avait [par exemple] six violons, trois trompettes, trois guitares, on préparait le studio en divisant les instruments en bloc si on veut, en installant un certain nombre de microphones, certaines espèces de microphones pour certains types d´instrument. Quand les musiciens arrivaient, on commençait à faire la balance de son, c´est-à-dire qu´un musicien jouait, on prenait son niveau, on l´ajustait à un niveau moyen. Ensuite, quand on commençait, on faisait les enregistrements sur des pistes individuelles; on groupait la basse, la batterie… la guitare sur une piste, un autre groupe sur une autre piste, ce qui nous permettait quand on arrivait à un produit final de les balancer de nouveau de façon différente. On ajoutait la voix à la fin. C´était très rare qu´on faisait la voix en direct. On l´ajoutait quand la piste sonore était faite. L´artiste entrait en studio, écoutait la piste sonore avec des écouteurs, on enregistrait la voix. Ensuite on enregistrait les voix des choeurs. On prenait toutes ces choses là ensemble et on balançait pour que ce soit le plus agréable possible, selon les normes du producteur. Au début, quand je suis arrivé, on était encore en trois pistes, c´est-à-dire que la troisième piste, ce n´était pas une vraie piste. On appelait ça une piste fantôme. On prenait la voix, on la séparait en deux, sur deux pistes qu´on avait et à ce moment là, on obtenait un effet d´une voix fantôme qui semblait sortir du milieu entre deux haut-parleurs, alors qu´en fait, elle était séparée entre les deux. Le multipiste est arrivé vers 1967. Le nouveau studio, il y avait ça en 1967.»

9

Magnétophone quatre pistes Ampex 4 avec Dolby A et module de délai MCI16 chez Tempo
1970
Montréal
ATTACHEMENT AUDIO


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Enregistrement multipiste

Gilles Valiquette (auteur-compositeur-interprète, réalisateur, technicien et preneur de son, ex-président de la SOCAN, fondateur du collège MusiTechnic à Montréal)

Ambiance de travail et équipement au studio Stereo Sound
(45'') - Gilles Valiquette, enregistré en 2006

«Je me souviens aussi que dans ce studio [Stereo Sound], qu´il n´y avait pas de drum boot, autrement dit une pièce isolée pour la batterie, mais il y avait comme un trou dans le mur. Il y avait un mur en ciment. Il y avait un trou creusé là où on mettait dedans la batterie. Ce que je me souviens, c´est qu´il y avait aussi un système d´éclairage avec toutes sortes de couleurs pour nous mettre dans l´ambiance. On trouvait ça pas mal intéressant. Essentiellement, on avait fait une piste de base avec batterie, basse et première guitare rythmique. Ensuite, on faisait un overdub [piste en parallèle] sur la deuxième piste qui était mon solo de guitare. La troisième piste, on faisait les voix, c´est-à-dire le lead [voix principale] et l´harmonie en tierce, ou quelque chose comme ça, et sur la quatrième piste, on doublait les voix. Puis c´était ces quatre pistes là qu´on mixait.»

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Console numérique au studio Marko
2006
Montréal
ATTACHEMENT AUDIO


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Spécificités des enregistrements au Québec

Martin Cazes (technicien, monteur et directeur du studio Marko à Montréal)

Comparaison entre les méthodes d´enregistrement du son dans les films au Québec et ailleurs
(52') - Martin Cazes, enregistré en 2006

«C´est très culturel, je dirais. Les américains vont refaire quasiment tout. Ils ont des gros budgets. Ils ne gardent à peu près pas de son original, des dialogues du plateau [de tournage].
- Le son du plateau ça devient un simple repère?
- Absolument. Ça c´est leur façon de travailler. La façon, ici, est beaucoup plus proche de ce qui se fait en Europe, par exemple en France. En général, les réalisateurs n´aiment pas beaucoup la postsynchronisation, parce que c´est difficile pour un comédien de recréer l´émotion qu´il avait lors d´un tournage. Malheureusement dans certaines situations, on n´a pas le choix. Aujourd´hui, avec les outils qui existent pour nettoyer ou enlever certains bruits de fond, etc., on peut sauver beaucoup de dialogues qu´on devait refaire autrefois.»

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Studio 270
2006
Montréal
ATTACHEMENT AUDIO


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Spécificités des enregistrements au Québec

Jean-Pierre Loiselle (technicien et preneur de son au studio 12 de Radio-Canada à Montréal)

Perception culturelle des divers registres
(1´54') - Jean-Pierre Loiselle, enregistré en 2006

«Selon la perception du preneur de son ou du réalisateur, ça peut créer un son qui est différent. Un moment donné j´avais enregistré l´orchestre de McGill, la cinquième de Mahler. Il y avait un producteur de Vancouver qui faisait l´enregistrement pour la télévision, du même enregistrement, puis il utilisait notre son. Moi, je travaillais pour la radio de Radio-Canada à ce moment-là. On équilibre le son. Je dis à la réalisatrice avec qui j´étais :«On pourrait demander au monsieur si le son lui plaît, mais moi je suis certain qu´il va nous dire que pour les woodwinds (bois), il va en manquer un petit peu».
Elle me dit «Comment ça?». «Je vais t´indiquer ce qu´il va vouloir entendre selon moi». J´avais même marqué sur la console ce qu´il voudrait avoir idéalement. On avait ramené aux niveaux qu´ils étaient. Il est venu s´asseoir. Il a fait le tour : «les cordes, c´est très bien, contrebasse, les percussions, OK… moi ce que je trouve qui manque un petit peu, c´est les woodwinds». La réalisatrice a souri. Je lui ai demandé combien il en voulait. Je l´ai monté exactement au point, à un demi dB près, où je l´avais indiqué. J´avais souvent travaillé pour le réseau anglais et français. Tout ça s´explique. Quand on était au Cégep, on avait étudié L´oreille de Tomatis. Il nous dit que les anglophones, les francophones, les Espagnols, les Russes, les Allemands, ils n´entendent pas de la même façon. Le français, ça se passe surtout entre 800 et 1500 Hz, les fondamentales.
L´anglais c´est beaucoup plus haut que ça, peut-être de 1200 à 2000 Hz, contrairement aux Allemands, ça va jusqu´à 10,000, le russe jusqu´à 12,000. L´oreille est sensibilisée à des fréquences qui sont différentes. Les woodwinds (bois), ça se situe autour de 1500 à 2000 Hz. Eux à tous les jours, ils entendent la langue anglaise à ces niveaux là, partout. L´oreille est peut-être un peu plus usée [à ces niveaux]. Eux, le discours se tient là, ils ont besoin d´en avoir un peu plus.»