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Spécificités des enregistrements au Québec

Jean-Pierre Loiselle (technicien et preneur de son au studio 12 de Radio-Canada à Montréal)

École de Montréal en prise de son classique par rapport aux écoles américaines et européennes
(1´31'') - Jean-Pierre Loiselle, enregistré en 2006

«Le son européen n´avait pas besoin de trop tricher avec le son parce que des fois ils pouvaient placer une paire de micros dans la salle, puis il y avait déjà un beau son, parce que le son était naturellement équilibré dans la salle de concert ou dans l´église ou l´abbaye. Tandis qu´ici souvent, il fallait reconstituer. Moi, je me souviens, quand j´ai commencé la prise de son, on me disait :«La salle, elle sonne comme ça. Elle favorise les bois ou les vents. Elle favorise les percussions. Il manque toujours un peu de violon». On s´est mis à se rapprocher. Ça ne s´est pas fait uniquement ici. Ça s´est fait ailleurs aussi. On s´est mis à se rapprocher des instruments pour rééquilibrer cet orchestre-là ou les ensembles de musique de chambre.

J´écoutais certains enregistrements qui se faisaient du côté américain. On sentait que les micros étaient très près des instruments, parce que ça fait un son qui est beaucoup plus agressif, à certains transients, ça nous agresse, ça agresse les tympans, contrairement au son européen qui était beaucoup plus velouté. Ça s´explique. En Amérique, on n´a malheureusement pas de belles salles. On commence à en avoir tranquillement. Ce qui fait qu´on travaille beaucoup plus près. On fait attention à la précision. Ce qui s´est développé à Montréal et au Québec, en musique classique, il y a un bel équilibre. Les preneurs de son travaillent souvent avec des micros d´appoint [prise de son captant les instruments de plus près]; ils travaillent avec des micros généraux [prise de son captant l´ambiance de la salle]. On a appris à travailler, à faire une combinaison de ces deux approches de la musique. Ce qui donne un son. Selon le répertoire qu´il y a, des fois on va travailler plus avec les micros généraux, ou parfois on va accentuer plus les micros d´appoint. Il y a un équilibre. On a appris à ne pas avoir un son agressif, à mi-chemin entre le son européen et le son américain.»

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Petite console conviviale ajustée par les musiciens eux-mêmes
2006

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Spécificités des enregistrements au Québec

Stéphane Morency (technicien et preneur de son au studio Karisma à Montréal)

Réputation des techniciens de son montréalais en tournée à l´étranger
(1´53'') - Stéphane Morency, enregistré en 2006

«Les sonorisateurs de Montréal ont une réputation, partout où ils vont dans le monde. Ils sont appréciés et bien reçus et les critiques sont toujours bonnes. Denis Savage avec Céline Dion, Guy Hébert, Yves Savoie, il a tellement fait du bon son avec Richard Séguin. Il y a beaucoup de bons sonorisateurs, ici. Partout où on allait en tournée, on se faisait toujours dire :«Wow! Vous autres, vous savez où vous vous en allez. En plus d´être généralement gentils et pas arrogants, les gars ici ne sont pas au-dessus de leurs affaires. Ils arrivent tout le temps d´une façon cool, mais pour dire, à Calgary [par exemple], je pense que le horn à droite dans la boîte d´en haut est hors phase». On arrivait équipé. Les gars disent : «Ouais, ça m´étonnerait, ça été vérifié la semaine passé. On va vérifier. Ah bien! Regarde donc ça, le horn est hors phase». Souvent on a vu ça. On va aux États-Unis, on pense tout le temps qu´on va aller apprendre... Eux-autres à L.A., ils savent tout. Bien souvent, on va leur montrer comment ça marche. À la fin du spectacle, les gens viennent dire : «Wow! Votre équipe, vous autres, ça roule». Et artistiquement aussi. On en écoute de la musique, puis on s´équipe. Ici il y a des magasins de son, … Solotech, il ne recule devant rien pour être de classe mondiale. Puis ça marche. Ça marche dans les deux sens. Les sonorisateurs ici, sont allumés, sont au courant, font acheter du matériel qui aide une production. J´ai été un des premiers à lire comment G. Simm et F. Meyer faisaient l´analyse de l´acoustique en salle avec les systèmes fast Fourier transform (FFT)…»

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Les ingénieurs du son Billy Szawlowski et Ian Terry dans les années 1970 au studio Tempo
1975
Montréal
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Spécificités des enregistrements au Québec

Ian Terry (technicien et preneur de son au studio Tempo à Montréal)

Influence de l´accent tonique du joual dans le son rock québécois
(1´57'') - Ian Terry, enregistré en 2006

«Le problème, c´est que c´est impossible de chanter du rock´n roll avec la langue française. Tout simplement parce que dans le rock´n roll, l´accent tonique est toujours sur le 1, sur la première syllabe. Si on met l´accent sur la première syllabe, ça marche pas. Exceptionnellement, Luc Plamondon a trouvé le moyen d´écrire, parce que c´est un Québécois, en français et de contourner la langue un peu, en utilisant des mots jouals, un peu mais pas trop, et en utilisant des mots anglophones qui sont dans la langue française aussi : building; des mots comme ça. Il a trouvé une façon de contourner son écriture pour que ça «fitte» dans du rock´n roll. Certains chanteurs ou chanteuses sont capables d´interpréter comme ça, dont Martine Saint-Clair. Évidemment, Offenbach l´a fait, sauf que le joual, l´accent tonique est sur le 1. Tout le joual québécois, l´accent tonique est sur la première syllabe. Donc ça nous permet de bien chanter dans un style rock. Le français typiquement, c´est dans le swing. Donc, c´est le jazz, la valse, toute la musique qui swing comme ça. On est capable de faire la musique folklorique québécoise qui est souvent en 2/4, qui est un amalgame de musicalités française, joual, mises ensemble pour que ça marche. Oui, on a toujours trouvé les moyens, grâce à Luc et d´autres, qui ont fait un son différent. C´est pour ça qu´on a de la misère à faire que ça marche en France. Les Français écoutent ça et c´est une autre langue, c´est différent. Oui c´est français, mais c´est différent de leur culture. On est différent, tout simplement. On est différent du reste du Canada, de la France, du reste du monde.»

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Ajustement en régie d'un enregistrement de Jean-Pierre Ferland
1965

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Spécificités des enregistrements au Québec

Ian Terry (technicien et preneur de son au studio Tempo à Montréal)

Son particulier à la culture québécoise
(1´07'') - Ian Terry, enregistré en 2006

«L´objectivité vient du fait que j´ai travaillé à travers le monde, en Afrique du Sud, Amérique du Sud, Europe, États-Unis, Asie du Sud-Est… Le son au Québec a été développé dans les années 1970, évidemment parce qu´il y en avait pas de son avant. C´est basé sur la culture francophone, parce que la voix a une importance dans la culture francophone qu´on ne voit pas dans les productions anglophones. La voix a moins d´importance. Mais la langue a tellement d´importance dans la culture francophone… c´est donc important que la voix ait une prédominance sur la musique. Donc, ce qu´on a fait au Québec, on est quand même hybride par l´influence des Américains anglophones et de la France, on a trouvé le moyen de mettre la voix présente et importante, et en même temps mettre la musique présente et importante. Ce que les Américains n´ont pas trouvé encore.»

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Salle de mixage ambiophonique au collège MusiTechnic
2006
Montréal
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Innovations et réalisations remarquables

Jean-Pierre Joutel (preneur de son et mixeur aux studios de l´Office national du film à Montréal)

Expérience d´enregistrement ambiophonique pour l´Expo 67
(2´08'') - Jean-Pierre Joutel, enregistré en 2006

«Il y a forcément le Labyrinthe. Ça c´était un projet de longue haleine sur lequel j´ai travaillé pendant un an et demi à faire la piste sonore. C´est la première fois qu´on travaillait réellement en stéréophonie, non seulement en stéréophonie gauche / droite… on avait trois salles et [pour] chaque salle, la disposition des pistes étaient géométriquement différente.
- Pour les plus jeunes, on sait que c´est un pavillon qui était à l´Expo 67 à Montréal.
- C´était un gros projet de plusieurs millions de dollars, parce qu´il y avait aussi la construction du pavillon lui-même, sur les spécifications des cinéastes. La première salle, c´était deux écrans anamorphiques 70 mm. Le premier était vertical, sur la longueur. Et l´autre était perpendiculaire, horizontal.
- Les gens pouvaient voir le film sur une mezzanine?
- Si je me souviens bien, cinq niveaux de mezzanine.
- Donc le film était presqu´au sol, l´écran était au sol…
- … au sol, et on regardait sur le côté pour voir l´autre écran. Les deux écrans se rejoignaient. La disposition des haut-parleurs partait du haut de l´écran vertical. La deuxième chaîne était au milieu de l´écran vertical, la troisième, à la jonction des deux écrans, la quatrième, au milieu de l´écran horizontal, la cinquième au bout de l´écran horizontal, et la sixième chaîne, c´était dans la mezzanine, à peu près tous les cinq pieds… je pense qu´il y avait un haut-parleur de «surround», à chaque étage.
- C´est beaucoup plus sophistiqué que le 5.1?
- C´était différent. C´était fou comme projet. C´était stéréophonique, mixé en six pistes. On l´a mixé dans le pavillon, parce qu´on ne pouvait pas le mixer dans le studio. Le format n´était pas là. On avait fait une maquette, on avait un hangar à Canadair, des deux écrans et du système sonore. Le montage sonore s´est fait dans le pavillon à la Cité du Havre. On a commencé le mixage au mois de janvier 67 pour le finir pour l´ouverture au mois d´avril. Ça a été une belle expérience, mais ça a été dur. On travaillait jour et nuit, à tâton. Tout était nouveau. Des problèmes à pas en finir. Des problèmes de phasage. On découvrait tout.»

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Microphone d'appoint au studio 12 de Radio-Canada
2006
Montréal
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Innovations et réalisations remarquables

Jean-Pierre Loiselle (technicien et preneur de son au studio 12 de Radio-Canada à Montréal)

Réflecteurs vissés à des microphones pour équilibrer naturellement les divers registres de fréquences
(1´04'') - Jean-Pierre Loiselle, enregistré en 2006

«Eux [B&K], ont sorti des micros qui avaient une accentuation naturelle dans l´aigu. Ça venait compenser l´accentuation qu´il y avait dans les basses fréquences. Donc, on venait rééquilibrer le micro. Je me souviens à l´époque, les gens de [l´Université] McGill ont travaillé beaucoup avec B&K pour arriver à ce genre [de résultat]. Donc, on pouvait ajouter des petites capsules qu´on allait visser sur le micro, puis ça rééquilibrait aussi. Donc il y avait plus de hautes fréquences ou il y en avait moins. On a créé des genres de réflecteurs qu´on mettait au bout, pour les micros. Presque tout le monde utilise ça maintenant. C´est comme une balle de balle au mur. Quand elle est petite, il n´y a que les aigus qui viennent réfléchir sur cette balle-là. C´est tellement proche du micro qu´il n'y a pas de déphasage. Ça vient accentuer les aigus. Plus elles sont grosses, plus on descend dans les fréquences. À McGill, on commençait à faire différentes grandeurs de ces balles-là, de ces réflecteurs-là. Mais on n´ira jamais à basse - basse. On va peut-être aller jusqu´à 2000 ou 1000 Hz. B&K a travaillé sur ce niveau là. C´est intéressant de mentionner que McGill a fait beaucoup de travail là-dessus. B&K a acheté ce principe-là.»

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Console Neve dans les années 1970 au studio Tempo
1970
Montréal
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Innovations et réalisations remarquables

Ian Terry (technicien et preneur de son au studio Tempo à Montréal)

Synthèse des idées de réalisation pour l´album l´Heptade d´Harmonium
(1´53'') - Ian Terry, enregistré en 2006

«Je n´ai pas les mots pour le décrire. L´[album] l´Heptade, c´était tellement un sommet pour la culture québécoise ainsi que le milieu de l´enregistrement et de la réalisation de musique. Michel Lachance, Serge [Fiori] et tout le monde impliqué dans ça, ont fait un superbe travail. C´était un point de [repère]. Avant ça, tout le monde voulait faire quelque chose de très bon. On a fait des choses excellentes, des très bonnes productions au Québec, ça c´est sûr pendant une décennie et évidemment, après ça aussi. Mais ça, c´était vraiment le sommet. Après ça, tout le monde voulait faire quelque chose comme l´Heptade. C´était surtout une synthèse de tout. C´est difficile à dire que techniquement c´était supérieur qu´un autre parce qu´il y en avait pas d´autres avec lequel faire une relation. C´est une production qui a été faite avec la complicité de plusieurs personnes, ensemble pendant un longue période de temps. Ils se sont éloignés de la ville dans un studio mobile à la campagne. Ils ont aménagé l´acoustique d´une maison. Ils ont été très minutieux à accorder les instruments pour s´assurer qu´ils étaient tous justes, ce qui n´est pas évident avec les guitares acoustiques et surtout les guitares à 12 cordes. C´est difficile de mettre le point sur une affaire qui était supérieure. C´était vraiment une synthèse fantastique.
- Il y avait aussi l´utilisation d´instruments qui à l´époque étaient assez d´avant-garde comme le mellotron?
- Exact. Ça c´était Serge Locat, un autre génie avec les claviers et les textures. C´était le Daniel Lanois de l´époque.»

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Console et système Soundscape au studio 270
2006
Montréal
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