LE COEUR DU MOULIN (suite)
Une fois l'an, le meunier procède au rhabillage de ses meules. Comme le frottement continuel diminue la profondeur des sillons à la surface des meules, le meunier les retrace patiemment à l'aide d'un petit pic, soulevant de ses coups précis d'infimes éclats de pierre. Il s'agit d'une opération beaucoup plus délicate qu'il n'y paraît, où le meunier doit investir tout son savoir-faire. Qui plus est, il faut pour cela soulever les meules, qui pèsent près d'une tonne chacune !
DE BRUTE À RAFFINÉE
Une fois moulue, la farine se déverse dans le bluteau ou blutoir, dont le rôle est de séparer ses composantes selon leur finesse. À l'intérieur du bluteau, la farine culbute dans un énorme cylindre, sur lequel sont tendues des toiles de soie qui agissent comme tamis. Ces toiles sont tissées plus ou moins finement d'une section à l'autre du bluteau. La différence est infime, mais le meunier ne révèle jamais les détails de la composition des toiles qu'il utilise, puisque d'elles dépend le mérite de sa farine.
DE BRUTE À RAFFINÉE (suite)
L'importance de ces toiles est capitale, puisqu'elles divisent la farine en trois parts : la fine fleur, le germe et le son. Le meunier empoche alors la farine selon une recette précise, en combinant les proportions selon l'usage qui en sera fait. La cuisinière avisée réserve la farine plus concentrée en fine fleur aux délicates pâtisseries. Le germe, quant à lui, sert à la confection du pain blanc ou brun. D'ailleurs, le passage dans le bluteau oxygène la farine, ce qui garantit un pain plus léger et plus digeste. Enfin, le son est destiné à la moulée pour les animaux.
DE BRUTE À RAFFINÉE (suite)
De façon générale, les paysans qui ont amassé beaucoup de grain ont le luxe de ne consommer que la fine fleur, délaissant la balance à la moulée pour les animaux. Lorsque la récolte est moins généreuse, cependant, le meunier ajoute davantage de germe et de son à la fine fleur, afin d'obtenir une plus grande quantité de farine. Même si la qualité du pain souffre de ce mélange, cela permettra à tous d'assurer leur subsistance. Pour cette raison, le meunier préfère moudre le grain des cultivateurs séparément, selon la règle du premier arrivé, premier servi. D'autant plus que cela permet d'éviter les récriminations des paysans mécontents de retrouver une farine qu'ils estiment d'une valeur inférieure à celle de leur grain.