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Le 28 mai 1914, les marins larguent les amarres à 16 h 27. À bord du paquebot, qui s'apprête à effectuer sa 192e traversée de l'Atlantique, 1 477 personnes prennent place. Le capitaine Henry George Kendall en est à son premier voyage aux commandes de l'Empress of Ireland à partir de Québec.

Comme pour tous les navires de plus de 30 mètres, la navigation sur le fleuve doit se faire avec l'aide d'un pilote qui assiste le capitaine. La présence de nombreuses îles disséminées le long de ce parcours, la faible profondeur de certains chenaux, les courants fréquents et la forte amplitude des marées exigent une attention de tous les instants. Comme il le fait depuis 8 ans, le pilote Adélard Bernier va guider le paquebot à travers les 157 milles nautiques qui séparent Québec de Pointe-au-Père.

Pour ce voyage de 6 jours, prennent place 420 membres d'équipage et 1 057 passagers :
en 1re classe : 87 personnes sur une capacité de 310;
en 2e classe : 253 personnes sur une capacité de 468;
en 3e classe : 717 personnes sur une capacité de 758,
dont un peu plus de 200 ex-employés des usines d'automobiles de Détroit.

Dès 17 h 30, le clairon retentit sur les ponts pour l'appel aux repas des passagers de troisième classe. Ceux de deuxième classe et de première classe sont appelés à 19 h. Sur le navire, près de 5 000 repas sont préparés chaque jour. Plus d'une centaine de personnes travaillent dans une immense cuisine divisée en plusieurs secteurs : boulangerie, pâtisserie, boucherie, etc. La préparation des repas et la composition des menus seront différentes pour chacune des classes, pour les officiers et pour les marins.

Parmi les passagers, se trouve un contingent de 171 membres de l'Armée du Salut qui se rend à Londres pour assister au 3e Congrès international du mouvement. Une quarantaine de ces salutistes font partie de la fanfare. Tous ces gens qui se connaissent vont créer une atmosphère de fête tout au long de la soirée. Ils se promènent sur les ponts pour discuter et se rassemblent dans les salons de musique pour chanter ou pour jouer du piano. Certains passagers profitent de la soirée pour écrire une dernière lettre qui sera postée lors de l'arrêt à Rimouski. Vers 23 h, la plupart se retirent dans les cabines pour une première nuit à bord.

Chaque fois que le R.M.S. Empress of Ireland passe devant Rimouski, il s'y arrête pour le transbordement du courrier arrivé au quai par train. Un navire postal, le Lady Evelyn, assure la liaison entre le train et l'Empress of Ireland. Vers 1 h, dans la nuit du 29 mai, on charge le courrier pour l'Europe et on débarque quelques sacs pour l'Amérique du Nord. Ces sacs contiennent des lettres et des cartes postales postées à bord de l'Empress of Ireland par les passagers depuis le départ de Québec.
À 1 h 20, l'Empress of Ireland débarque le pilote Adélard Bernier sur le bateau-pilote Eureka en poste à la station de Pointe-au-Père. Aussitôt fait, le capitaine Kendall dirige son navire vers le large.


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Exercice de mise à l'eau des chaloupes de sauvetages au quai de Québec
1906-1914
Navire Empress of Ireland


Crédits:
Archives du Canadien Pacifique

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Après le naufrage du Titanic, en avril 1912, le nombre des embarcations de sauvetage à bord de l'Empress of Ireland passe de 16 à 42. À Québec, dans la matinée du 28 mai 1914, comme avant chaque départ du paquebot, les exercices de mise à l'eau des chaloupes, de combat d'incendie et de fermeture des portes étanches sont exécutés en moins de trois minutes.

La mise à l'eau de chacune des chaloupes nécessite dix membres d'équipage. Pour l'exercice quotidien de fermeture des 24 portes étanches, un membre d'équipage est désigné par porte et chacun court à son poste dès que le signal d'alarme retentit.

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Trajet de l'Empress of Ireland avant sa collision avec le charbonnier Storstad
Juin 1914
Fleuve Saint-Laurent


Crédits:
The Sphere

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Vers 1 h 40, la vigie de l'Empress of Ireland signale, d'un coup de cloche, la présence d'un feu blanc sur tribord avant, à une distance d'environ 6 milles nautiques. C'est le charbonnier Storstad qui se dirige vers la station de pilotage de Pointe-au-Père pour y embarquer son pilote; une minute plus tard, il disparaît dans un épais brouillard. À 1 h 42, l'Empress of Ireland est à son tour enveloppé par le brouillard.

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À 1 h 55 ; des marins du paquebot voient surgir du brouillard le charbonnier.
29 mai 1914
Environ 11 km au nord-est du phare de Pointe-au-Père
ATTACHEMENT VISUEL
ATTACHEMENT AUDIO


Crédits:
Illustration: Jean-Pierre Vallée

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Des marins de l'Empress of Ireland voient sortir de la brume, à une centaine de mètres, la proue du Storstad qui se dirige directement vers eux. La collision est inévitable. Plusieurs passagers entendent un bruit sourd et ressentent un choc que certains pensent être celui d'un accostage le long d'un quai.

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À 1 h 56 ; le charbonnier Storstad éperonne le paquebot en plein centre
29 mai 1914
Environ 11 km au nord-est du phare de Pointe-au-Père
ATTACHEMENT AUDIO


Crédits:
Illustration: Jean-Pierre Vallée

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L'immense trou d'environ 4 mètres de largeur sur 14 mètres de hauteur créé par le Storstad laisse pénétrer une très grande quantité d'eau sur plusieurs ponts à la fois. L'Empress of Ireland s'incline très rapidement sur son côté tribord.

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À 1 h 57 ; les chambres des chaudières sont inondées
29 mai 1914
Navire Empress of Ireland
ATTACHEMENT AUDIO


Crédits:
Illustration: Jean-Pierre Vallée

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Le Storstad pénètre si profondément dans l'Empress of Ireland qu'il endommage la cloison étanche qui sépare les deux immenses chambres des chaudières. Celles-ci sont inondées en moins de 2 minutes; environ 270 000 litres d'eau à la seconde s'y engouffrent. Les feux des fournaises s'éteignent faisant baisser la pression des chaudières et le navire perd ainsi sa capacité de manoeuvrer.

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À 1 h 58 ; au son de l'alarme, l'équipage tente de fermer les portes étanches
29 mai 1914
Navire Empress of Ireland
ATTACHEMENT AUDIO


Crédits:
Illustration: Jean-Pierre Vallée

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Dès que la sirène d'alarme retentit, tous les membres d'équipage assignés à la fermeture manuelle des portes étanches se précipitent à leur poste. L'eau a déjà inondé plusieurs corridors et l'inclinaison du paquebot empêche les marins d'actionner les mécanismes de fermeture des portes de tribord.

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À 1 h 59 ; avec beaucoup de difficulté, quelques chaloupes de sauvetage sont misent à l'eau
29 mai 1914
Navire Empress of Ireland
ATTACHEMENT AUDIO


Crédits:
Illustration: Jean-Pierre Vallée