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Équipe de plongeurs qui redécouvrent l'épave
Été 1964
Quai de Pointe-au-Père


Crédits:
Site historique maritime de la Pointe-au-Père

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À l'occasion du 50e anniversaire de la tragédie en mai 1964, un article paru dans le magazine Perspectives de La Presse attire l'attention d'un groupe de plongeurs de Gatineau et de Montréal. Le 10 juillet suivant, Jean-Paul Fournier, Fernand Bergeron, Claude Villeneuve, André Ménard et Robert Villeneuve se dirigent vers Rimouski dans l'espoir de découvrir et d'explorer l'épave de l'Empress of Ireland. À leur arrivée, ils s'installent avec leurs tentes et leur chaloupe près du phare de Pointe-au-Père.
Le lendemain, les plongeurs font la rencontre d'Aubert Brillant, un riche homme d'affaires rimouskois. Ce dernier, emballé par leur fougue, décide de leur venir en aide. Il met à leur disposition son bateau de plaisance, La Canadienne, avec, à son bord, le capitaine Mario Lavoie et le matelot Gaston Fillion. En échange, les plongeurs s'engagent à remettre la moitié des objets trouvés, ou la moitié de leur valeur, à monsieur Brillant.
Toutefois, comme ils ne connaissent pas précisément la position de l'épave, les premières plongées sont sans résultat.
Le 17 juillet 1964, après une semaine de tâtonnements, l'épave est localisée. À 15 h 15, le grappin que l'on traîne à l'arrière de La Canadienne accroche un objet. Les plongeurs se mettent aussitôt à l'eau et remontent avec la première pièce appartenant à l'épave : une poulie.
Cet été-là, une plaque portant l'inscription " First Class Passengers Only ", la cloche de la passerelle de navigation, un compas magnétique, un transmetteur d'ordres et des pièces de vaisselle sont récupérés. L'expédition de 1964 prend fin le 17 août.

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Yacht La Canadienne utilisé lors des premières plongées sur l'épave
Été 1964
Fleuve Saint-Laurent


Crédits:
Site historique maritime de la Pointe-au-Père

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Extrait du journal de bord

Le samedi 11 juillet 1964 :
A Rimouski dans la veillée, nous nous sommes rendus chez M. Lavoie pour avoir des renseignements sur le bateau. Le capitaine a été très gentil avec nous car il nous a donné toutes les informations qu'il se rappelait. Il nous a montrés des données sur la carte.
Ensuite nous sommes allés à Pointe-au-Père, pour d'autres renseignements. Nous avons montés les tentes près du phare. L'endroit n'est pas très bon puisqu'on a pas bien dormis. Il y avait beaucoup de brume cette nuit-là.

Le mercredi 15 juillet 1964 :
A 2 h un peu découragés nous avons été voir M. Donald Tremblay qui est professeur à l'Institut de marine à Rimouski et qui a en sa possession de précieux documents sur l'enquête de 1914 à Ottawa, ainsi que d'autres données au bouquin et aussi les instruments nécessaires qui appartiennent au Capitaine Ouellette aussi professeur. On avait besoin d'un sextant et d'un instrument à mesurer la vitesse de notre bateau pour pouvoir trouver l'endroit exacte. Mais rendu en pleine mer, il y avait trop de brume et il a fallu retournés au quai. Mais de toute façon, nous avons espoir puisque nous avons confiance en Donald. Nous avons l'impression d'être des millionnaires, nous avons seulement à dire un mot et le capitaine nous obéis. Nous sommes partis, nous couchés à l'hôtel et nous avons bien dormis.

Le vendredi le 17 juillet 1964 :
A 9h 30min. nous sommes tous prêt après avoir passé une soirée assez mouvementée et nous ne sommes pas en très bonne condition; mais avec tout les préparatifs on figure mieux. Pour cette après-midi nous avons un grappin et un ancre de 75 lb. que nous traînons en circulant au tour de la bouée. A 3h.15min. de l'après-midi l'ancre était accroché a un objet que l'on croit en métal. Nous avons descendus, Claude, André et moi-même puis j'ai remonté une partie d'un palan. Un moment nous étions certains que nous avions trouvés l'Empress of Ireland. La profondeur de cette endroit est de 140 pieds tandis que sur le pont arrière la profondeur était de 110 pieds et la vision de 10 pieds. Nous sommes tous un peu craintifs. Avec peine et misère, Claude et moi avons réussis à remonter ce palan qui devait peser au moins 75 lb. Le bateau repose sur un fond de sable et de glace dur, sur un angle de 45 degrés en direction du bord et le nez vers le large. Tout c'est bien passé.

Le mardi le 4 août 1964 :
A 5h. nous descendons encore les quatre plongeurs. Mais Claude a l'air très craintif car il y a une grosse baleine qui reste au alentours et quelques dauphins. Il est descendu jusqu'au fond et il est remonté tout de suite car il y avait de l'eau dans son masque. Mais il est revenu me trouver et il m'a aidé afin d'attacher le câble après le télégraphe puis il m'a fait signe et j'ai commencé à couper les chaîne qui retenait le tambour, nous avons eu un peu de difficultés car nous avions emprunté une grosse paire de pince. Une pair de pince qui pesait environ 75 lb.
Comme il restait encore du temps je me suis mis à la recherche de Ménard qui lui cherchait toujours son trésor mais toujours sans rien trouver car je crois que rendu à cette profondeur il a perdu la moitié de ses facultés, je lui fis signe de venir m'aider car j'avais la paire de pince, la lumière et une centaine de pieds de gros câble, mais il n'a rien compris. De toute façon, j'ai réussi à remonter de peine et misère. La plongée a durée 23 minutes, et rendu en haut j'étais satisfait.

Le dimanche le 9 août 1964 :
Après une soirée assez mouvementée, le lendemain à 8 h 30min. nous sommes prêts et nous arrivons sur le pont du bateau pour un autre départ en mer. La mer est dure et il y a un vent de 75 milles à l'heure et une marée de 15 pieds.
Nous avons avec nous M. Brillant. Rendus sur les lieux, nous avons eu beaucoup de difficultés à voir notre bouée car le courant doit être au moins de 6 à 7 nœuds à l'heure nous avons de la misère à descendre mais nous y parvenons quand même. J'ai vu Claude avec la cloche qu'il tenait précieusement que Fernand avait aperçu hier. Il est parvenu à enlever l'écrou sans trop de difficultés.
Moi j'ai attaché un hublot mais nous l'avons perdu en le montant. André et moi cherchions lorsque j'ai fait signe que notre temps était écoulé et Claude vient me voir et me fait signe qu'il n'y a plus d'air, aussitôt je tire sa réserve. Nous montons très lentement et nous avons eu beaucoup de misère à sortir pour monter sur le bateau avec ce vent et ce courant que notre plate-forme était brisée. Ils nous a fallu monter sur les moteurs, moi j'étais très épuisé mais rendu à bord, ils avaient nettoyés la cloche et nous avons constaté qu'il y avait d'inscrit sur la cloche :
" l'Empress of Ireland " et bien d'autres choses encore. Nous sommes très heureux ainsi que M. Brillant. Nous avons beaucoup de projets pour demain.

Le jeudi le 13 août 1964 :
Nous sommes descendus tout droit vers la roue et nous avons Claude et moi attaché la grosse boussole avec notre petit câble et j'ai tiré à plusieurs reprises. Mais rien ne bougeait alors j'ai fait signe à Claude qui restait que je montais car j'avais seulement des petites bonbonnes. Rendu à la surface, je leur ai dit de tirer car nous avions attachés la grosse boussole. André Ménard a rejoint Claude mais il ne l'a pas aidé. Claude voulait levé la boussole pour la faire passer par dessus la rampe mais André insistait et il poussait du côté opposé, Claude finit par gagné. Sur le bateau, on tiraient le câble. Nous avons réussis à monter la boussole qui pesait au moins 500 lb. car elle était recouverte de boue. Ce qui terminait une journée pleine de succès.

Le lundi le 17 août 1964 :
André et moi, nous avons plongés pour décrocher le fil qui était sur le côté le plus bas du bateau mais il était pris dans une des rampes et dans un cadre de métal. Il m'a fallu le couper avec un couteau car je ne pouvais pas le sortir. André avait remonté et il est venu me rejoindre juste à la fin. Nous avons accrochés la lumière à l'anneau et de là nous avons été à " swell house ". Par le châssis j'ai vu les jumelles, j'ai voulu les approcher mais j'ai brouillé l'eau. Je suis allé voir dans la cabine du pilote mais l'eau était toujours brouillé, il a donc fallu renoncer car je ne pouvais rien voir avec ma petite lumière et aussi l'eau était très froide. Nous sommes remontés très fatigués, le courant était de 6 noeuds à l'heure. Nous avons été obligés de nous tenir au câble très solidement.

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Cloche de décompression servant lors de l'expédition
Été 1965
Rimouski, Bas-Saint-Laurent


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Site historique maritime de la Pointe-au-Père

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Pour une deuxième année, Aubert Brillant finance une autre expédition et collabore à la réalisation d'un film sur ces plongées. Afin de faciliter la tâche des plongeurs et de rendre leur travail plus sécuritaire, il fait venir d'Italie une cloche de décompression.
À l'équipe de 1964, se joignent deux autres plongeurs : Harold Smyth et Harry Bell. L'objectif est de remonter l'ancre de réserve attachée sur le pont avant du navire. La tâche est très difficile. Il faut dynamiter les attaches afin de libérer cette masse d'acier de plus de 10 tonnes. Quelques semaines plus tard, les cloches à brume avant et arrière, pesant plus de 200 kg chacune, sont également récupérées.

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Cloche à brume du paquebot
Été 1965
Quai de Rimouski


Crédits:
Site historique maritime de la Pointe-au-Père

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Ancre de réserve du navire Empress of Ireland
Été 1965
Quai de Rimouski


Crédits:
Site historique maritime de la Pointe-au-Père

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( Lettre d'un scaphandrier de 1914 )

Cher Monsieur Brillant,

Un de mes amis vient tout juste de m'envoyer une coupure de journal qui mentionne que vous êtes à la recherche des barres d'argent et du coffre-fort de l'Empress of Ireland, coulé en 1914. Comme je suis le seul plongeur encore vivant de cette expédition, j'ai pensé que vous pourriez être intéressé à savoir quelles sont les choses que nous avons récupérées.

Nous avons drillé et fait sauter un trou dans le côté, puis nous nous sommes fait un chemin jusqu'à l'endroit où les lingots d'argent et le courrier étaient emmagasinés. Nous avons sauvé les 251 lingots d'argent et les sacs de courrier. Après avoir fait cela, nous avons poussé plus avant et avons sorti le coffre-fort du bateau, un travail en trois étapes. Tout ceci a été transporté à Montréal.

Nous avons aussi récupéré environ 250-300 cadavres, pour la plupart des passagers, et les passagers de l'avant ou 3e classe étaient emprisonnés dans les hublots trop petits. Leur têtes émergeaient des hublots sur la longueur totale du bateau. Vous pourriez vérifier ceci si vous descendiez. C'était une vue inoubliable.

Meilleures des chances, sincèrement

E.J. Tuck

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Le navire Morrisburg transportant une hélice de l'Empress of Ireland
Été 1968
Fleuve Saint-Laurent


Crédits:
Donald Tremblay

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Durant l'été 1967, Donald Tremblay et Brian Erb entreprennent, à leur tour, des travaux de récupération. Leur but est de sortir une des deux hélices de l'Empress of Ireland. C'est à bord du Morrisburg, un navire de 27 mètres, qu'ils tentent leur chance.
Le 28 septembre 1968, après deux étés d'efforts, ils réussissent à arracher l'hélice bâbord de l'épave. Toutefois, à cause de son poids (20 tonnes) et de sa dimension (6,3 mètres), elle ne peut être hissée à bord. Elle est transportée en partie submergée.

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Hélice de l'Empress of Ireland
Été 1968
Quai de Rimouski


Crédits:
Donald Tremblay

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De retour au quai de Rimouski, l'équipe de plongeurs se rend compte que l'hélice a perdu, durant le voyage, une de ses quatre pales. Ne pouvant trouver preneur, les plongeurs l'ont vendue à un ferrailleur pour la somme de 5 000 $.
L'Empress of Ireland était propulsé par deux hélices. Chacune avait quatre pales fixées autour d'un moyeu dans lequel étaient vissés des goujons. Les hélices étaient retenues à ces goujons à l'aide de sept écrous (quatre sur une face et trois de l'autre). Pour les deux hélices il y avait donc 56 écrous.
Le diamètre des hélices était de 6,3 mètres et leur poids de 20 tonnes chacune. En 1906, elles comptaient parmi les plus grosses hélices. Afin de faire avancer le paquebot à la vitesse maximale de 20 nœuds (36 km/h), elles tournaient à raison de 81 tours par minute. Si les deux hélices avaient tourné dans le même sens, la direction du navire en aurait été modifiée. Pour contrer cet effet, elles tournaient dans un sens opposé.
Si les pales des hélices étaient fixées à l'aide d'écrous, c'est qu'en 1905, on ne maîtrisait pas encore la technique de coulage en une seule pièce pour de si grosses hélices.

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Le navire Gesmer
Été 1993
Fleuve Saint-Laurent au large de Ste-Luce-sur-mer


Crédits:
Robert Pelletier