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Au fil des décennies, des milliers de travailleurs ont franchi les portes de l'usine Singer à Saint-Jean-sur-Richelieu. En effet, l'arrivée de l'usine dans la ville en 1906 permet l'embauche de nombreuses personnes. La ville prend un nouveau souffle, elle qui, depuis quelques années, voyait plusieurs de ses citoyens s'exiler aux États-Unis, à la recherche d'un emploi. En dix ans, soit entre 1891 et 1901, la population locale chute de 4700 à 4000 habitants. Grâce à la construction de l'usine Singer, Saint-Jean entre dans l'ère industrielle et attire les travailleurs qui s'installent dans la ville. Entre 1901 et 1911, la population fait un bond spectaculaire de près de 50 %, passant d'environ 4000 à plus de 5900 personnes. Singer n'est pas étrangère à cet essor.

Bien qu'elle soit conçue pour accueillir 2500 travailleurs, l'usine Singer n'embauche qu'environ 500 personnes au cours de sa première année d'opération en 1906. En 1928, près de 1500 personnes travaillent à la Singer. Le nombre d'employés s'accroît pour atteindre son apogée au milieu des années 1940, époque où plus de 2000 personnes gagnent leur pain en travaillant à la Singer. Toutefois, dans les années 1950, la concurrence mondiale se fait sentir et la production baisse, ce qui a un effet sur le nombre d'employés : 1500 personnes travaillent à Singer Saint-Jean.

Quelques statistiques
-en 1928, on compte 1500 employés
-en 1945, on compte 2000 employés
-de 1948 à 1951, on compte plus de 3000 employés
-au début des années 1950, on compte 2500 travailleurs et travailleuses
-en 1954, on compte 1500 employés.
-en 1981, on compte 650 employés à l'usine Saint-Jean, comprenant le personnel du département de mise en marché (marketing), les cadres et les employés de l'usine. En 1981, il y avait entre 200 et 300 employés
-en 1980, le complexe Singer à St-Jean compte plus de 350 personnes
-en 1990, il y a moins d'une trentaine d'employés.

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Employés posant sur le terrain de la Singer à Saint-Jean
Première moitié du 20e siècle
Saint-Jean-sur-Richelieu (Québec), Canada


Crédits:
Musée du Haut-Richelieu
Photographe: Joseph-Laurent Pinsonneault

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Employés posant sur le terrain de la Singer à Saint-Jean
Première moitié du 20e siècle
Saint-Jean-sur-Richelieu (Québec), Canada


Crédits:
Musée du Haut-Richelieu
Photographe: Joseph-Laurent Pinsonneault

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Entrevue avec la famille Paradis: travail étudiant
octobre 2007
Saint-Jean-sur-Richelieu (Québec), Canada
ATTACHEMENT DE TEXTE


Crédits:
Fernand Paradis
Yolande Paradis
France Bourassa

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Les travailleurs doivent composer avec des conditions généralement difficiles. Par exemple, dans la fonderie, le bruit est infernal, si bien que les employés doivent se mettre des protecteurs d'oreilles. Les travailleurs de la section des " rumblers " (tonneaux remplis de piécettes de métal) doivent composer avec la poussière qui se dégage des tonneaux et qui reste suspendue dans les airs. Le bruit des pièces de métal est également très puissant. Mais aucun employé ne porte de masque ni de protecteur d'oreilles. Dans d'autres départements, il y a des risques de chocs électriques, de blessures ou de douleurs musculaires. L'odeur de certains produits chimiques comme la colle est intense. Singer finit par améliorer quelque peu les conditions. Par exemple, elle met en place des bancs ergonomiques. Durant la Deuxième Guerre mondiale, le département des hélices d'avion est climatisé à l'année. Mais la température y est parfois si froide, même en été, que les employés doivent se vêtir chaudement...

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Dans l'usine : des conditions de travail pas toujours faciles
Travailler à la Singer ne rapporte pas beaucoup. Selon des témoignages d'anciens employés, Singer paie moins bien ses employés que d'autres usines similaires des environs. Les heures travaillées sont aussi très exigeantes. Par exemple, en 1919, les employés se voient accorder la semaine de 48 heures avec une légère augmentation salariale. Toutefois, la crise de 1929 et les années de disette qui suivent n'épargnent pas les employés de la Singer qui voient leur temps de travail réduit de moitié et conséquemment, leurs revenus. Durant cette période difficile, la compagnie Singer fait sa part pour aider les familles nécessiteuses de Saint-Jean. Par exemple, elle organise une cueillette de nourriture en décembre. Des paniers de victuailles sont préparés pour Noël. Ce n'est qu'en 1940, au moment où la Deuxième Guerre mondiale bat son plein, que Singer Saint-Jean reprend du poil de la bête. Les employés travaillent jusqu'à 55 heures par semaine pour répondre aux demandes de l'usine de guerre.

En dehors de la période de guerre, les horaires de travail sont beaucoup plus réguliers. Toutefois, ces horaires varient selon les départements. Ainsi, les travailleurs dans le bureau commencent à 8 h et terminent leur journée de travail à 17 h. Ils ont une heure pour dîner. Ils ont également droit à des pauses de 15 minutes, une en avant-midi et l'autre en après-midi. La plupart des travailleurs vont manger à la maison. Ceux qui habitent trop loin apportent leur goûter. Mais il n'y a aucune commodité pour les employés qui mangent à l'usine. Ils prennent généralement leur repas à côté de leur machine. Toutefois, dans les années 1960, Singer est dotée de machines distributrices de sandwiches. Les travailleurs peuvent manger un sandwich durant leur pause du matin ou de l'après-midi.

Les employés de certains départements sont parfois obligés de faire du temps supplémentaire. Toutefois, ces heures supplémentaires sont payées. Généralement, l'horaire dans les bureaux est fixe, soit du lundi au vendredi, environ 40 heures par semaine. Mais, si un employé est malade, il ne reçoit pas de salaire pour les journées d'absence. Les employés dans le bureau ne travaillent pas la fin de semaine. Il y a des congés lors des fêtes comme Noël et le jour de l'An, mais les employés travaillent habituellement entre Noël et le jour de l'An. Les travailleurs qui entrent à la Singer ont droit à une semaine de vacances annuellement.

Les travailleurs qui habitent près de l'usine font le trajet à pied ou à vélo. Jusque dans les années 1940, il y a entre 1500 et 2000 vélos à la Singer chaque jour. La compagnie a d'ailleurs prévu des supports à vélos. Les travailleurs résidant plus loin peuvent venir travailler en automobile, puisque la Singer a également prévu des stationnements. Toutefois, lorsque l'automobile commence à être plus répandue à Saint-Jean, des problèmes de congestion surviennent. En effet, les usines environnantes ont les mêmes horaires de travail que Singer. À l'heure du dîner, tous les employés ayant une voiture sortent en même temps. Devant cette situation, Singer décide de décaler le temps du repas de 15 minutes pour éviter à ses employés d'être pris dans des bouchons de circulation!

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Travailleurs de la Singer
Première moitié du 20e siècle
Saint-Jean-sur-Richelieu (Québec), Canada


Crédits:
Mario Wilson

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Travailleurs de la Singer
Première moitié du 20e siècle
Saint-Jean-sur-Richelieu (Québec), Canada


Crédits:
Mario Wilson

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Entrevue avec Robert Châteauneuf: travailler à vélo
juin 2008
Saint-Jean-sur-Richelieu (Québec), Canada
ATTACHEMENT DE TEXTE


Crédits:
Robert Châteauneuf
France Bourassa

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Des lunettes de sécurité avec prescription
7 mai 1956
Saint-Jean-sur-Richelieu (Québec), Canada
ATTACHEMENT DE TEXTE


Crédits:
Jacques Richard

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Une affaire de famille
Travailler à la Singer est souvent une affaire de famille : il n'est pas rare de retrouver plusieurs générations et membres d'une même famille qui oeuvrent au sein de cette entreprise. Souvent, la réputation d'un parent déjà affilié à Singer est suffisante pour embaucher, ou non, un travailleur à la recherche d'emploi. De plus, dès qu'un poste est disponible, père, frère, cousin, oncle, etc., s'empressent d'en aviser leur famille et leurs amis qui ont alors une longueur d'avance sur les postulants n'ayant aucun contact dans l'entreprise.

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Journal L'Entre-Nous (ébénistes de Singer en 1910)
1910
Saint-Jean-sur-Richelieu (Québec), Canada
ATTACHEMENT DE TEXTE


Crédits:
Robert Châteauneuf

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Les " feuilles de temps "
L'usine Singer utilise deux systèmes de comptabilisation du temps des employés. Dans l'usine, on utilise l'horodateur (" punch clock "). Les employés " punchent " en commençant et en terminant leur quart de travail. Ce système permettait de calculer avec précision les heures effectuées.

Dans les bureaux, il s'agit d'un système de poinçon. Il y a une armoire où chaque employé possède un " jeton " avec son numéro. En arrivant le matin, chaque employé prend son jeton; il le remet à la fin de la période de travail. Une fois la journée commencée, le contremaître ramasse les jetons non récupérés et note les employés absents. Lorsqu'un employé arrive en retard, il doit rencontrer le responsable pour expliquer les raisons de son retard. Le fautif se voit alors pénalisé sur sa paye.

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Entrevue avec Nicole Tanguay: le système de jetons
décembre 2007
Saint-Jean-sur-Richelieu (Québec), Canada
ATTACHEMENT DE TEXTE


Crédits:
Nicole Tanguay
France Bourassa