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La personnalité de Francis H. Clergue

Francis H. Clergue est arrivé à Sault Ste. Marie en 1894. Pour lui, les nouvelles infrastructures maritimes et ferroviaires, de même que le potentiel hydroélectrique et les problèmes financiers du Sault représentaient autant d’opportunités d’affaires. Francis Clergue était un entrepreneur-né et un visionnaire. Moins flatteurs, certains diront qu’il était un mégalomane compulsif.

Dès le début de la trentaine, il avait déjà à son crédit nombre d’ambitieux projets. Avocat de profession dans la petite ville de Bangor, au Maine, sa première initiative commerciale fut de mettre rapidement sur pied une entreprise de fabrication et de livraison de blocs de glace aux résidents de New York qui en avaient un urgent besoin durant les mois d’été pour la conservation des denrées périssables. Par la suite, divers projets d’investissements dans les secteurs de l’hydroélectricité, des banques et des assurances seront par contre loin d’obtenir le succès escompté.

Portrait en noir et blanc de Francis Clergue, en habit noir et cravate. Il porte une moustache et ses cheveux très foncés sont séparés au centre.

Éternel optimiste, Clergue était convaincu que les nouvelles technologies devaient servir à moderniser, voire à réinventer les villes. Ainsi, grâce à ses talents de vendeur exceptionnels, Bangor sera la première ville américaine à bénéficier d’un réseau de tramway entièrement électrifié.

Une autre de ses initiatives, cette fois à Bar Harbour, Maine, fut la construction d’un train à crémaillère sur la Green Mountain, et l’établissement d’un hôtel au sommet. Une destination touristique fort prisée à l’époque, sa réputation sera vite ternie par la découverte des méthodes peu scrupuleuses de Clergue, notamment le dynamitage d’une route alternative construite par un autre promoteur pour atteindre son hôtel. Clergue sera dénoncé sur la place publique et déclaré persona non grata, son chemin de fer démantelé et vendu aux enchères.

Clergue était sans contredit un personnage obstiné. Sa quête insatiable de projets ambitieux ne connaissait pas de frontières. C’est ainsi qu’il s’était rendu un jour en Perse dans le but de convaincre le Shah d’Iran d’accorder à la Persian Railway and Construction Company qu’il venait de fonder, les droits exclusifs pour la construction d’une ligne de chemin de fer à travers le pays, de même que tous les droits de forage et d’exportation du pétrole persique. En contrepartie, Clergue promettait l’électrification et l’accès à l’eau courante dans toutes les villes du royaume, un projet ambitieux qui laissait entrevoir des profits faramineux pour son promoteur. Malgré l’intérêt exprimé par le Shah au début des négociations, Clergue avait cependant sous-estimé l’influence des intérêts britanniques et surtout ceux des Russes. Ces derniers ont dès lors vite fait de mettre un frein à ses ambitions. Mais, cette nouvelle mésaventure ne l’a pas découragé pas pour autant. Rentré bredouille aux États-Unis, il décida alors de mettre dans sa mire un territoire politiquement moins hostile à sa quête de fortune: le Canada.

En arrivant au Sault, Clergue prit rapidement conscience de l’énorme potentiel hydroélectrique des rapides St. Mary. Vivant sous le couvert de l’anonymat, il apprit à connaître la ville sous tous ses angles. Fort de l’appui financier de ses amis de Philadelphie, il se présenta quelques semaines plus tard devant le Conseil municipal. La proposition était alléchante : éliminer les dettes de la ville, soit 265,000 $, et faire du Sault un centre industriel important et prospère, tel Chicago. En retour, le Conseil devait lui permettre d’exploiter à sa guise tout le potentiel hydroélectrique des rapides et d’y établir les industries qu’il jugerait appropriées, évidemment sans prélèvement de taxes foncières ou d’impôts. L’offre a été acceptée sur-le-champ.Portrait de F. H. Clergue en habit noir et cravate, se tenant debout avec une main dans sa poche. Il porte une moustache bourrue et sa chevelure est séparée au centre.

Les idées de grandeur de Clergue allaient bien au-delà de la bonne fortune de la ville. En fait, Clergue ne rêvait à rien de moins que de créer le plus vaste empire industriel au monde. Heureusement pour lui, le portefeuille de ses partenaires financiers était à la mesure de ses ambitions.

''The Romance of Iron'  Le Globe and Mail  2 septembre 1905  'ProQuest Historical Newspapers', p. A7

 

Photo encadrée de Francis Clergue en noir et blanc. Le cadre est déposé sur une table en bois pour le photographier.