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Voilà 17 années qu'Émilie Chamard voyage à titre d'instructrice pour le ministère de l'Agriculture et de la Colonisation. Elle aura bientôt 60 ans et, bien que très humble, madame Chamard réalise qu'elle est devenue une référence auprès des tisserandes, notamment au sein des Cercles des fermières du Québec. Le second conflit mondial tire à sa fin et l'on peut entrevoir une reprise du tourisme. En 1945, Émélie Chamard fait une dernière tournée de formation et revient définitivement à St-Jean-Port-Joli près de sa famille et de ses amis.

Ce retour ne signifie pas la fin de l'enseignement pour la tisserande et encore moins la fermeture de son petit commerce sur lequel ses aînées veillaient en son absence. Secondée de ses plus jeunes qui ne sont pas encore mariées, elle fonde un atelier-école en 1946. C'est dans la maison familiale que les cours se donnent. Elle débute avec sept apprenties tisserandes qu'elle forme et rémunère. Ce sont de jeunes filles de la paroisse, sinon de la région qui s'activent au rez-de-chaussée de la résidence à produire des textiles et pièces variées. Le modeste magasin construit dans les années 1920 étant désuet et ayant une autre vocation, la marchandise est exposée et vendue dans une des chambres à l'étage.

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La maison des Chamard devenue atelier-école et boutique d'artisanat
Vers 1945
Saint-Jean-Port-Joli (Québec) Canada
ATTACHEMENT DE TEXTE


Crédits:
Photographe non identifié

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Des tisserandes travaillant à l'atelier aménagé dans la maison des Chamard
Vers 1950
Saint-Jean-Port-Joli (Québec) Canada
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Crédits:
Photographe non identifié

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Les tisserandes de l'atelier en compagnie d'Émélie et d'Edmond Chamard
Vers 1950
Saint-Jean-Port-Joli (Québec) Canada


Crédits:
Photographe non identifié

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De plus en plus de touristes arrêtent chez Émélie Chamard pour acheter. Le bouche-à-oreille et les expositions où de nouveaux modèles de tentures et de couvre-lits sont présentés la font connaître. Émélie Chamard reçoit de nombreuses commandes de gens lui demandant de réaliser un motif déterminé. Par exemple, un hôtelier de Mont-Joli lui fait tisser des tentures pour la salle à manger de son établissement. Il désire que tous les moyens de transport soient représentés sur les panneaux et valences. Bateaux, avions, trains et automobiles sont rapidement créés. Lors de ces demandes spéciales, Lucille, la fille d'Émélie ou elle-même dessine le motif sur du papier quadrillé de cinq carreaux au pouce pour ensuite le reproduire au point boutonné. Ce format de papier quadrillé correspond exactement à la taille du dessin tissé. Lucille a le talent de sa mère pour le dessin et une facilité exceptionnelle pour réalisation de nouveaux patrons.

La petite localité de Saint-Jean-Port-Joli est de plus en plus visitée par les touristes qui veulent voir ce que madame Chamard fait, mais aussi ce que les Bourgault sculptent. Tous ces gens ne peuvent plus transiter par la résidence privée des Chamard. La conjoncture économique d'après-guerre aidant, Émélie Chamard fait construire en 1949 un véritable magasin d'artisanat en face de la maison, du côté nord de la route no 2 (route 132). Ses fils, Achille et Jacques travaillent à cette construction avec un entrepreneur. Sur les deux extrémités du bâtiment peint en blanc, on peut lire en lettres noires : Artisanat Chamard. L'atelier de tissage demeure dans la maison, mais est réaménagé à l'étage. Cette construction existe toujours. Elle constitue la partie est du commerce actuel.

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L'Artisanat Chamard, second magasin d'Émélie, situé en face de la maison familiale
2 octobre 1958
Saint-Jean-Port-Joli (Québec) Canada
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Crédits:
Alphonse Toussaint, Studio Port-Joly
DICKINSON, John-A., YOUNG, Brian. Brève histoire socio-économique du Québec, Les éditions du Septentrion, Sillery, 2003, 452 pages

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Tout le temps d'Émélie est utilisé à superviser le travail des tisserandes, à faire les patrons et à créer les modèles.

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Élève ou ouvrière tisserande travaillant avec madame Chamard sous les lucarnes de la maison
Vers 1967
Saint-Jean-Port-Joli (Québec) Canada


Crédits:
Photo : Maurice Marquis
MARQUIS, Maurice. Mains habilles... Mains agiles, Les Éditions Marquis Ltée, Montmagny

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Un nouveau commerce appartenant à une femme, qui n'est pas célibataire et qui a eu onze enfants, fait parler. Il n'en faut pas plus pour que les journalistes voient leur curiosité piquée et décident de constater par eux-mêmes ce qui en est de cet art paysan qui renoue avec les traditions. Les Trépanier, Yvette et Jacques, sont vraisemblablement les premiers à publier un article faisant état de la vie et de l'oeuvre d'Émélie Chamard. C'est dans le journal La Patrie, du 30 juillet 1950, qu'on peut lire leurs commentaires élogieux. Presque en même temps, la compagnie Canadien National oriente sa campagne publicitaire sur le charme des villages que ses voies traversent et sur les gardiens de traditions qui y vivent. Deux photos typiquement port-joliennes illustrent ce dépliant : un sculpteur gouge à la main, ainsi que Gemma et Antoinette Chamard tissant.

Les affaires vont bien. La clientèle de madame Chamard vient de partout. Parmi elle, se trouvent des gens qu'elle n'est pas peu fière d'avoir comme clients bien qu'elle soit très discrète à ce sujet : Adélard Godbout qui l'encourage depuis ses débuts, le lieutenant-gouverneur Eugène Fiset et Louis Saint-Laurent, premier ministre du Canada de 1948 à 1957. La famille Molson fait aussi appel à Émilie Chamard pour avoir des tissus uniques qui servent à la confection d'habits.

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La Patrie du 30 juillet 1950, deux pages sont consacrées à Émélie Chamard, sa carrière, son tissage
30 juillet 1950
Montréal (Québec) Canada
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Crédits:
Yvette et Jacques Trépanier, journalistes

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La Patrie du 30 juillet 1950, deux pages sont consacrées à Émélie Chamard (suite)
30 juillet 1950
Montréal (Québec) Canada
ATTACHEMENT DE TEXTE


Crédits:
Yvette et Jacques Trépanier, journalistes

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La Patrie du 30 juillet 1950, deux pages sont consacrées à Émélie Chamard (suite)
30 juillet 1950
Montréal (Québec) Canada
ATTACHEMENT DE TEXTE


Crédits:
Yvette et Jacques Trépanier, journalistes

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L'artisanat de la province de Québec - dépliant publicitaire
Vers 1960
Québec (Québec) Canada
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Crédits:
Service provincial du Tourisme

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En mai 1952, à sa grande surprise et sans éveiller aucun orgueil en elle, Émélie Chamard reçoit de l'Office de l'artisanat et de la petite industrie la médaille de bronze du Grand prix d'artisanat. La Fédération des cercles de fermières du Québec emboîte le pas et lui décerne à l'automne la médaille d'argent du mérite artisanal. Ces deux reconnaissances ne changeront en rien la vie d'Émélie, mais consacrent sa réputation d'excellence, son don de soi et l'enseignement de qualité qu'elle a donné et donne encore.