35

Salle de matriçage chez London
1982
Montréal
ATTACHEMENT AUDIO


36

Historique de quelques graveurs et des principales usines de pressage

Très tôt à Montréal, on dispose de lieux de fabrication des disques et de salles de matriçage (mastering). RCA Victor tient le haut du pavé jusqu´aux années 1950. En 1948 environ, le studio Layton Brothers, au 1170 de la rue Sainte-Catherine Ouest, offre aux musiciens l´alternative moins coûteuse de graver directement sur le disque. Le résultat n´est certes pas aussi professionnel. L´ingénieur de ce studio, John Bradley, devient responsable du matriçage (mastering) chez Compo à Lachine, puis chez London à Montréal. Bradley avait travaillé auparavant pour les fils de Berliner dans les années 1930.

Dans les années 1950, la demande commence à se diversifier avec le boom économique de l'après-guerre. Entre 1950 et 1960, 18 nouvelles étiquettes se disputent le marché québécois. RCA continue d´être la pierre angulaire de l´industrie du disque, offrant des services de gravure, de matriçage (mastering) et de pressage, contrairement aux autres studios concurrents.

Lionel Parent fut un des graveurs renommés chez RCA. Selon Jean-Paul Séguin, ouvrier et syndicaliste à l'usine RCA Victor à Montréal, le département des disques fonctionne jour et nuit dans les années 1950. Il y a de 25 à 30 presses. 1000 à 1200 disques par jour sont produits pour chaque presse assignée à une personne. On travaille à la pièce et non à l'heure, ce qui rend l´emploi très exigeant et dur, car il fait très chaud l'été (on donne des pilules de sel pour la perte en transpiration). On procède par lot, qui varie de 50 à plusieurs milliers de disques. Il peut y avoir de sept à huit changements de matrice par jour.

Des petits détaillants tels que Bouthillier sur la rue Saint-Hubert près de Beaubien, offrent à petite échelle des services de transcriptions de disques discontinués, sous l´étiquette Rythmes. Celles-ci se font sur des appareils Presto, puis, à la fin des années 1950, à l´aide d´un magnétophone. Parfois un artiste débutant fait graver 100 copies chez Bouthillier. L´acétate est envoyé chez Compo pour le pressage.

En 1951, Herbert Berliner vend Compo à Decca. C´est la fin d´une époque. L'usine Compo s'établit à Cornwall. Il est à noter que Bibliothèque et Archives nationales du Canada possède un fonds documentant les activités de l'usine Compo en périphérie de Montréal.

En 1955, la maison London (nom américain de la maison britannique Decca) s´établit à Montréal sur la rue Sainte-Catherine, d´abord à titre de distributeur de produits étrangers et locaux. London traite notamment avec les compagnies Philips-France, DSP, Jupiter et Select. En 1959, devant la vitalité de l´industrie de l´enregistrement sonore à Montréal, London installe une usine de pressage et de matriçage (mastering) qui fait concurrence à RCA. Paul-Émile Mongeau, anciennement du studio Stereo Sound, est en charge de la gravure et du matriçage (mastering). Émile Lépine lui succédera de 1965 à 1982. Il enseignera ce métier plus tard chez Trebas. Les systèmes de gravure (tours à disques, amplificateurs, burins, consoles) utilisés à Montréal sont construits à l´étranger par les compagnies Neumann, Decca, Neve, RCA, Scully et Westrex. Émile Lépine termine sa carrière chez SNB et chez RSB à Montréal.

Michel Descombes travaille pour la compagnie RCA de Montréal de 1964 à 1967. Il commence à faire du matriçage (mastering) au studio RCA situé sur la rue Guy de Montréal. Il deviendra un des mixeurs de films parmi les plus respectés à l´ONF, avec Jean-Pierre Joutel.

Entre 1960 et 1970, les studios indépendants profitent de la concurrence entre RCA et London pour la gravure et le matriçage (mastering) des disques. En 1965, on gravait en mono pour les 45 tours, et parfois en stéréo pour les 33 tours. On ne dispose ni de technique multipiste, ni de système de réduction de bruit. On se sert d'égalisateurs, de compresseurs et de chambres d'écho pour accentuer ou créer de l'effet sonore. Les transformations technologiques majeures proviennent de Toronto et surtout de New York.

Durant ces années, Montréal était le parent pauvre qui héritait de la technologie déjà utilisée auparavant. Au Québec, la tendance dans la réalisation de disques est d´imiter les productions américaines. Par manque de connaissances et d´outils, on laisse passer des sibilances et des petites distorsions dans les hautes fréquences ainsi que des effets de basses fréquences qui sont difficiles à graver. Pendant la décennie suivante, la situation se redresse rapidement. La qualité des techniciens et des équipements n´a alors souvent rien à envier aux productions étrangères.

Dans les années 1980, SNB devient peu à peu une des compagnies de matriçage (mastering) les plus importantes, parmi les trois meilleures en Amérique du Nord. Les derniers appareils de gravure de disques en vinyle sont nettement plus automatisés qu´avant. L´avènement du disque audionumérique transforme le métier de graveur. La gravure disparaît peu à peu. Le mastering devient de plus en plus sophistiqué. D´abord conçu pour réduire le bruit de fond, le mastering ajoute maintenant un vernis au mixage final, grâce à des ajustements globaux pour assurer la cohérence de niveaux, de l´égalisation et des autres paramètres à l´ensemble du disque. Renée Marcaurelle a acquis une solide réputation dans le domaine. SNB possède un espace acoustique consacré au mastering et un équipement de transfert numérique à la fine pointe de la technologie actuelle. L´usine de pressage des disques audionumériques n´altère plus le son obtenu après le mastering, contrairement à la période analogique.

Ian Terry (technicien et preneur de son au studio Tempo à Montréal)

Qualité remarquable de la salle de matriçage (mastering) SNB à Montréal
(28´´) - Ian Terry, enregistré en 2006

«J´ai appris récemment que SNB à Montréal est sur le bord de fermer. Ça fait 33 ans que ça existe. C´est probablement la meilleure salle de matriçage (mastering), définitivement au Canada au point de vue équipement et équipe aussi, et peut-être parmi les trois ou quatre meilleurs en Amérique du Nord, parce qu´ils avaient un équipement extraordinaire.»

***
On voit émerger de nouveaux services pour contrer l´arrivée des studios domestiques. Par exemple, le studio Karisma ouvre aux musiciens une salle de matriçage avec des équipements de pointe, permettant de compléter et d´améliorer une session amorcée ailleurs.

Entre 1990 et 2000, avec l´avènement de la technologie numérique, plusieurs studios de réalisateurs voient le jour, sans espace consacré à l´enregistrement sonore. Suite à la démocratisation des équipements, les musiciens aussi acquièrent des studios domestiques. Les studios s´adaptent en offrant des espaces avec une bonne acoustique, des services de postproduction et des techniciens qualifiés. Les studios semblent de plus en plus lorgner vers les services de matriçage (mastering), proposant aux musiciens des équipements de pointe afin de compléter et d´améliorer une session amorcée à la maison. Les studios Karisma et Victor se sont notamment lancés dans cette aventure.