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9. Écoles et tensions sociales à Magog-Est (1894-1937)

Armand Voyer

Photographie du Dr Armand Voyer dans son cabinet de consultation. Le Dr Voyer était l’un des  acteurs principaux  de la lutte pour la construction d’écoles dans le quartier est de Magog. Source: Société d’histoire de Magog, PR002 fonds bibliothèque Memphrémagog \album 3\photo 535.

L’implantation des usines textiles attira une importante vague d’immigration à Magog. Une grande partie des nouveaux arrivants s’installa aux abords de l’usine, où se créa un nouveau quartier connu sous les vocables de «quartier est», «bas de la ville» ou, plus récemment, de «quartier des tisserands».[1] Cependant, son poids démographique, qui justifia la création d’une nouvelle paroisse en 1921, ne se refléta pas pour autant dans ses infrastructures scolaires. L’absence d’école dans ce quartier engendra des tensions entre ses résidents et la Commission scolaire catholique (CSC); une tension qui s’ancra géographiquement de part et d’autre de la rue Sherbrooke entre le haut et le bas de la ville.

À partir de 1894, les résidents du quartier est insistèrent auprès de la Commission scolaire afin d’obtenir une école. Une revendication qui était d’autant plus urgente considérant que 55% de la population de la ville de Magog était alors composée de moins de 20 ans en 1891 [2]. La CSC leur répondit toutefois par la négative, celle-ci priorisant alors l’aménagement de l’école de la rue du Collège (haut de la ville), qui devait recevoir les Frères du Sacré-Cœur l’année suivante [3].

La Crèche: une solution partielle

La Crèche

Photographie de la Crèche (s.d.). Source: Société d’histoire de Magog, PR024 fonds Studio RC\album 1\photo # 143.

La revendication des résidents du quartier est resta donc sans réponse jusqu’en 1909, alors qu’elle fut partiellement comblée par l’ouverture d’une école à la Crèche, fondée deux ans plus tôt. Si cette institution offrait «des services de garderie, d’orphelinat, d’hospice et d’hôpital [4], » on y enseigna donc également des classes de la 1ère à la 3e année. Cela était toutefois largement insuffisant, étant loin de répondre aux besoins scolaires du quartier.

Les élèves de la Crèche

Quarante-deux écolières posent en sept rangées dans les escaliers devant la Crèche.

Élèves de deuxième année à la Crèche vers 1930. Source: Société d’histoire de Magog, PR002 fonds Bibliothèque Memphrémagog\album 2\photo # 447.

Groupe mixte de trente-huit élèves posant en sept rangées dans l'escalier à l'avant de la Crèche.

Élèves de la Crèche (s.d.). Source: Société d’histoire de Magog, PR024 fonds Studio RC\album 4\photo # 548.

Trente-six écolières posant dans les escaliers à l'avant de la Crèche.

Élèves de la Crèche (s.d.). Source: Société d’histoire de Magog, PR024 fonds Studio RC\album 4\photo # 547.

La Commission scolaire Sainte-Marguerite (1922-1923) et les premières écoles du quartier est

En 1922, exaspérés par l’attitude de la CSC, plusieurs propriétaires du quartier est fondèrent leur propre Commission scolaire (Sainte-Marguerite) et établirent deux écoles dans des résidences privées. Toutefois, son existence n’étant pas conforme avec la charte de la ville, elle fut ensuite dissoute en 1923. Elle put néanmoins imposer à la Commission scolaire catholique (CSC) de prendre en charge ses écoles, qu’elle géra pendant cinq ans.

Première école pour filles francophones

École de filles coin Saint-Luc (actuelle rue des tisserands) et St-Patrice. Source: Société d’histoire de Magog, fonds Bibliothèque Memphrémagog\album 2\photo # 448.

Première école pour les garçons francophones

École de garçons de la rue Sainte-Marie. Source: Société d’histoire de Magog, PR002 fonds Bibliothèque Memphrémagog\album 2\photo # 449.

Le couvent et le collège Sainte-Marguerite: le fruit d’une lutte de longue haleine

Couvent Ste-Marguerite

Le couvent Sainte-Marguerite sur la rue Saint-David entre 1928 et 1934. Source: Société d’histoire de Magog, PR024 fonds Studio RC\album 2\photo # 301.

En 1928, la Commission scolaire catholique (CSC) ferma les deux petites écoles et fit construire le couvent Sainte-Marguerite. Bien que les classes y étaient surchargées, cela permettait finalement de répondre à la demande de fréquentation scolaire féminine du quartier est. Toutefois, le principe de non-mixité des écoles de la CSC empêchait les garçons de fréquenter le couvent au-delà de la 3e année. Les résidents du quartier est affrontèrent donc encore une fois la CSC, celle-ci refusant systématiquement les projets de construction d’une école de garçons. Ce fut le cas, par exemple, en 1934, lorsque les commissaires de la CSC favorisèrent la construction d’annexes à l’Académie St-Patrice (haut de la ville) et au couvent Sainte-Marguerite plutôt que celle d’une école pour garçon dans le quartier est.

Comme le souligne Alain R. Roy, ce manque de considération pour le quartier est peut être attribuable au fait qu’un seul résident de ce quartier (Albert Pratte) fut commissaire de la CSC entre 1915 et 1933 [5]. Qu’à cela ne tienne, les résidents du quartier est entreprirent tout de même de prendre le contrôle de la commission scolaire catholique en y faisant élire des commissaires issus de leurs rangs lors des élections scolaires de 1934-1935.  L’arrivée du Dr Armand Voyer et de George G. Hamel, en plus de la réélection d’Albert Pratte, leur donna ainsi la majorité au conseil de la Commission scolaire, ce qui permit finalement la construction du collège Sainte-Marguerite-Marie en 1937.

Depuis leur première revendication en 1894, les résidents du quartier est durent donc attendre 34 ans avant d’avoir une école pour filles et 43 ans pour une école de garçons.

Collège Sainte-Marguerite

Collège Sainte-Marguerite sur la rue Saint-David (s.d.) Source: Société d’histoire de Magog, PR024 fonds Studio R.C.\album 1\photo # 112.

Les élèves du collège et du couvent Sainte-Marguerite

Vingt-cinq écolières en uniforme foncé

Élèves du couvent Sainte-Marguerite (s.d.). Source: Société d’histoire de Magog, PR002 fonds Bibliothèque Memphrémagog\album 3\photo # 453.

Treize écoliers, bras en croix, et leur frère-professeur

Élèves du collège Sainte-Marguerite et frère du Sacré-Cœur (1958). Source: Société d’histoire de Magog, PR024 fonds Studio R.C.\série commerciale\290-002.

Une salle de classe du collège Sainte-Marguerite

Salle de classe

Source: Société d’histoire de Magog, PRO24 fonds Studio R.C.\série commerciale\292-002.

Salle de classe Collège Ste-Marguerite

Source: Société d’histoire de Magog, PRO24 fonds Studio R.C.\série commerciale\292-001.


[1] Le terme «bas de la ville» est une dénomination par opposition à la «haute-ville». Appuyés sur une analyse à la rencontre de l’histoire et de la géographie spatiale, Maurice Langlois et Serge Gaudreau proposent que l’inégalité entre les deux quartiers se traduit aussi bien dans le relief que dans le niveau socio-économique de ses habitants; les habitants du «bas de la ville» se faisant regarder de haut aussi bien physiquement que socialement par les habitants de la «haute-ville». C’est ce qui inspire à Langlois et Gaudreau le concept de  «ville à deux étages». En ce sens, voir Maurice Langlois et Serge Gaudreau, Magog en mots et en images: 50 événements marquants de son histoire, Magog, les auteurs, 2018,p. 147-148.

[2] Lorsque l’on considère la tranche d’âge des 0-10 ans, la jeunesse de la population de la ville est encore plus impressionnante, ceux-ci représentant 29,1% de la population en 1891. Voir en ce sens Serge Gaudreau, Au fil du temps : histoire de l’industrie textile à Magog (1883-1993), Magog, Groupe Scabrini imprimeur, 1995,  p. 55-56.

[3] Alain R. Roy (mémoire de maîtrise) Le développement de l’instruction publique catholique à Magog : ses rapports avec le processus d’industrialisation, 1879-1943, Université de Sherbrooke, 1995, p. 110.

[4] Ibid.

[5]Ibid. p. 119.