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La rébellion

La résistance de la Rivière-Rouge instiguée par les Métis était le résultat d’une décision prise par la Compagnie de la Baie d’Hudson en 1869 visant à céder la Terre de Rupert au nouveau Dominion du Canada, sans trop se préoccuper des personnes qui y vivaient. Les Métis de la Colonie de la Rivière-Rouge s’inquiétaient de leur culture et de leurs biens-fonds. Puisque leurs droits n’étaient pas garantis, ils craignaient de perdre leurs fermes et leurs moyens de subsistance. Quand les arpenteurs du gouvernement ont commencé à évaluer leurs terres conformément au système anglo-canadien, les Métis de la Colonie de la Rivière-Rouge, sous l’égide de Louis Riel, se sont rebellés et ont formé leur propre gouvernement provisoire afin de négocier leur intégration dans la Confédération. Les événements entourant la résistance de la Rivière-Rouge ont mené à la création de la province du Manitoba en 1870.

En 1885, les Métis ont organisé une deuxième résistance, appelée la rébellion du Nord-Ouest. Celle-ci était le résultat de frustrations semblables concernant les droits fonciers, linguistiques et religieux du district de la Saskatchewan. Ils ont sollicité l’appui des nations Crie, Blackfoot et autres qui souffraient en raison du déclin du bison. Toujours sous l’égide de Louis Riel, les Métis et plusieurs Premières Nations ont déclaré la guerre au gouvernement du Canada. Cependant, cette guerre s’est soldée par un échec, si bien que Louis Riel s’est livré le 15 mai 1885 pendant la bataille de Batoche. Le 16 novembre, il s’est fait pendre pour trahison.

 

Olivia Marie Golosky parle de Louis Riel, avec trancription. 

Lorsque la résistance de la Rivière-Rouge s’est déclarée, Belle en était à sa deuxième année d’études au collège Wesleyan des dames, en Ontario. Elle a probablement été la cible de sentiments anti-métis, mais elle a été protégée en raison des liens de sa famille avec le gouvernement canadien.

Lettre manuscrite (voir la page de la galerie pour le contenu)

Lettre de William Hardisty à mademoiselle Davis, le 10 juillet 1870. Archives du Manitoba.

Isabella Sophia Hardisty Smith, la tante de Belle, était mariée à Donald Alexander Smith, et celui-ci jouait un rôle crucial dans les négociations entre le Canada et Louis Riel. Le 10 décembre 1869, le premier ministre John A. Macdonald a affecté Donald Alexander Smith aux négociations avec les chefs de la Rivière-Rouge. Dans le cadre de ces négociations, le gouvernement a offert des emplois et de l’argent à ceux qui voulaient coopérer avec le gouvernement. Donald Alexander Smith a réquisitionné le soutien de Richard Charles Hardisty, l’oncle de Belle, pour qu’il fasse partie de sa mission. Il a vu Louis Riel détenir Richard Charles à Fort Garry. Celui-ci a été libéré peu après grâce aux négociations de Donald Alexander Smith avec les Métis. Donald Alexander Smith a rencontré Louis Riel à maintes reprises, notamment à l’hiver de 1870, quand Louis Riel voulait pendre Thomas Scott, un arpenteur du gouvernement. Donald Alexander Smith et Richard Charles Hardisty sont partis de Fort Garry le 19 mars 1870, deux semaines après l’exécution de Thomas Scott.

Photo officielle de Dick Hardisty, jeune homme, en habit

Dick Hardisty, vers les années 1880. Archives du Manitoba N32580.

En 1885, un an après le mariage de Belle et James, son frère Richard Robert « Dick » Hardisty est rentré au Canada après avoir fait la guerre avec l’armée britannique dans le cadre de l’expédition du Nil en 1884. Sans tarder, il s’est engagé comme soldat dans l’armée canadienne. Il a combattu à la bataille de Fish Creek en avril, puis à la bataille de Batoche en mai. Dick est mort au combat le 12 mai des suites d’une balle à la tête. Selon le Winnipeg Daily Sun, Dick était un des soldats préférés du camp, et sa mort s’est fait sentir à grande échelle.[1] Il avait la réputation d’être la vie de ses amis.[2] Il a été enterré à Winnipeg le 24 mai, et Belle et les membres de sa famille étaient vraisemblablement présents à ses funérailles. La foule était énorme, du jamais vu à Winnipeg ou dans le Nord-Ouest.[3]

En public, Belle n’a jamais formulé de commentaires au sujet de la rébellion du Nord-Ouest ou de la bataille de Batoche malgré l’engagement de sa famille au sein du gouvernement canadien. En tant qu’épouse de James, la discrétion était de mise sur le plan politique. Cependant, en 2001, Donald Lougheed, le petit-fils de Belle, a révélé au Calgary Herald qu’elle parlait des rébellions en privé.

« Elle m’a raconté la mort de son frère à Batoche… je me souviens qu’elle parlait de Riel… Elle serait terriblement bouleversée de ce qu’on dit de Riel de nos jours. » [traduction libre][4]

Les rébellions métisses ont eu un effet sur Belle, non seulement parce que l’une d’entre elles a coûté la vie à son frère, mais aussi parce qu’elles auraient peut-être intensifié son conflit intérieur, qui mettait en opposition son sens de l’identité et son désir d’être à la hauteur des attentes de la société à son égard.

[1] George Flinn, Winnipeg Daily Sun, le 14 mai 1885, p. 1

[2] Tel que cité dans : Doris Jeanne Mackinnon, Métis Pioneers, presses de l’Université de l’Alberta, 2018, p. 66

[3] Doris Jeanne Mackinnon, Métis Pioneers, presses de l’Université de l’Alberta, 2018, p. 66

[4] « A Daughter of the West Who Made a Difference », Calgary Herald, le 30 décembre 2001