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Sa personnalité

Belle avait le sens de l’aventure. Elle aimait conduire une voiture, et elle a été la première propriétaire d’une grosse voiture à Calgary. En 1913, l’Albertan avait fait mention de sa collection d’automobiles.

« Mme Lougheed aime beaucoup la conduite automobile. Son garage et ses équipements motorisés figurent parmi ses articles de luxe. Ses voitures sont probablement les plus belles de la province. » [traduction libre][1]

Membres de la famille Lougheed et amis en voiture, probablement dans les piémonts de l’Alberta.

Voiture sur un pont, vers le début des années 1900. Collection de la société de conservation de la maison Lougheed.

Les Lougheed ont commencé à visiter Banff dès les débuts de l’établissement du parc national, en 1887. James avait été recruté comme conseiller juridique de deux hommes du chemin de fer qui avaient prétendument découvert des sources thermales et voulaient s’en approprier. L’affaire s’est soldée par un échec parce que le gouvernement a déclaré que l’endroit serait une réserve. Toutefois, pendant ce temps-là, Belle est devenue une habituée de la place. Ils se sont fait construire un chalet près de l’emplacement de l’hôtel Banff Springs.

Curieusement, seul le nom de Belle figurait sur le titre de propriété. Selon le rôle d’évaluation foncière de l’école du parc national Banff de 1910, elle était l’unique propriétaire des terrains 10, 13, 14, 15 et 16. Personne ne sait vraiment pourquoi il en était ainsi, surtout compte tenu du fait que James avait légué ses biens à ses fils, même s’il était acceptable à l’époque de laisser des biens à sa veuve. Belle aurait peut-être acheté la propriété seule, avec l’héritage de son père.[2]

L’arrière petit-fils de Belle parle de Belle, avec transcription.

Photo de la famille Lougheed au chalet de Banff (James au centre, Belle deuxième à gauche)

Famille Lougheed à Banff, vers 1920. Collection de la société de conservation de la maison Lougheed.

 

Belle s’est mise dans le pétrin plus d’une fois en allant à Banff en voiture. Une de ses excursions a été racontée à maintes reprises. Selon un auteur, Belle avait fait fi des mises en garde de son mari, qui lui avait demandé de ne pas aller à Banff pendant qu’il était en voyage. Avec ses invités, elle est partie à la grande vitesse de vingt kilomètres à l’heure, coûte que coûte. Voici un extrait d’un article publié en 1962.

« À l’époque, partir en voiture, c’était enlevant. La famille Lougheed a acheté sa première voiture, une Pope-Toledo à entraînement par chaîne, en 1909… Lorsqu’un membre de la famille a proposé de conduire jusqu’à Banff, Sir James a fait acte d’autorité et déclaré que c’était sordide… ‘L’impulsion d’une fratrie et d’une vieille grand-mère!’ Peu après, il a dû se rendre à Ottawa pour le Sénat, et sans son opposition, la famille a décidé d’aller à Banff. » [traduction libre][3]

Photo des membres de la famille en voiture à Banff près des Hoodoos

Voiture près d’un escarpement, vers le début des années 1900. Collection de la société de conservation de la maison Lougheed.

En route, ils ont subi des retards et des contretemps, y compris un pique-nique en compagnie de moustiques, puis une ourse et ses petits traversant leur chemin. Pour compliquer les choses, il était illégal d’entrer dans le parc en voiture à ce moment-là. Belle s’est donc fait saisir son automobile dès son arrivée. Sans se décourager, ils ont poursuivi leur expédition et admiré les paysages, puis ils ont fait une promenade en canot et de l’équitation. Les autorités avaient convenu de leur remettre la voiture dès qu’ils étaient prêts à partir, à la condition qu’ils partent sur-le-champ.

Le chemin du retour a également été ponctué de mésaventures. Juste après Kananaskis, ils ont eu une crevaison et ont dû marcher jusqu’à Kananaskis pour prendre le train à destination de Calgary. Quelques jours plus tard, les ouvriers du chemin de fer ont placé la Pope-Toledo en panne sur un wagon pour la retourner à Calgary, où elle a été laissée près de la voie principale. Quand James est rentré d’Ottawa en train, il a été surpris d’apercevoir ce cher véhicule endommagé à côté de la voie ferrée. La famille a admis avoir fait une excursion contre son gré, mais Belle a minimisé les faits, ce qui n’a pas manqué de s’ébruiter. Cependant, ce n’est pas la seule fois que Belle a été aux prises avec la loi à Banff.

« Vers la fin de la saison de 1912, le sénateur Lougheed était bien au courant des règlements restreignant l’usage des automobiles. Fait ironique, la seule contravention routière consignée par la Division des parcs du Dominion en 1912 était à l’endroit de l’épouse du sénateur. N’étant apparemment pas au courant du règlement, Mme Lougheed avait conduit l’auto jusqu’au terrain de golf, car elle croyait que les restrictions ne concernaient que les sources thermales supérieures et Cave and Basin. » [traduction libre][4]

Belle Lougheed en compagnie d’un petit chien et d’amis à Banff

Belle Lougheed en compagnie d’amis et d’un petit chien à Banff, vers 1920-1930. Collection de la société de conservation de la maison Lougheed.

Photo d’Isabella (à gauche) sur un pont de Banff avec des amis et son fils Edgar

Groupe sur le glacier Victoria, vers les années 1903 à 1905. Collection de la société de conservation de la maison Lougheed.

Belle adorait les animaux et elle jouait un rôle actif au sein de la société de protection des chats de Calgary. Sur plusieurs photos de famille de Belle, on aperçoit des photos d’animaux de compagnie, avec des notes écrites de sa main au verso. Lorsque son fils Edgar et sa belle-fille Edna ont eu leur deuxième enfant, Peter, qui a fini par devenir premier ministre de l’Alberta, Belle s’est exclamée : « Vous avez nommé votre enfant en l’honneur de mon chat Peter ». [traduction libre][5]

Photo de David, le petit chat persan

Écrit à la main au verso d’une photo de chat indiquant son nom « David » et son poids de 10 livres

Chat persan, sans date. Collection de la société de conservation de la maison Lougheed.

Photo d’un chien sur les marches de la Mission

Chou Chou, sans date. Collection de la société de conservation de la maison Lougheed.

 

Belle était vénérée parce qu’elle était l’une des seules personnes de Calgary capables de faire la gigue de la Rivière-Rouge.

« Il y a quarante ans, presque tout le monde dans l’Ouest savait danser la gigue de la Rivière-Rouge. Un rassemblement social n’était pas digne de ce nom sans cette gigue… tous les gens du pays, les Autochtones et les Blancs, se rassemblaient aux forts de la Baie d’Hudson… Pendant plusieurs années, les anciens de Calgary ont cherché quelqu’un qui connaissait cette danse [et] pendant un bout de temps, ils désespéraient. La seule danse folklorique de l’Ouest semblait vouée à l’extinction. Lady Lougheed savait faire les pas de la femme, mais elle ne connaissait personne qui pouvait faire les pas de l’homme. » [traduction libre][6]

Avec du recul, apprendre à connaître Belle, c’est un exercice qui en vaut la peine, mais les gens veulent en savoir plus. Une recherchiste a expliqué cette situation d’une manière simple.

« C’est frustrant d’en savoir si peu à son sujet quand on sait que la vie de [Belle] était si publique et bien remplie. Nous savons qu’elle a écrit une tonne de lettres, [mais] où sont-elles passées? » [traduction libre][7]

[1] Tel que cité dans : Jennifer Bobrovitz et Trudy Cowan, « Reasoned Speculation », Remembering Chinook Country, 2005, p. 28

[2] Doris Jeanne Mackinnon, Métis Pioneers, presses de l’Université de l’Alberta, 2018, p. 179

[3] C.B. Fisher, « Venture into Paradise », The Daily Colonist, le 5 août 1962, pp. 4-5

(d’après les souvenirs de Mme Norman Lougheed, Mary Stringer)

[4] Amy Larin, « A Rough ride: Automobiles in Banff National Park, 1905-1915 », Alberta History, hiver 2008, pp. 2-9

[5] Alan Hustak, Peter Lougheed, McClelland and Stewart Ltd, Toronto, Canada, 1979, p. 24

[6] Elizabeth Bailey Price, « Preserving the Red River Jig for Posterity », Toronto Star Weekly, le 7 avril 1928

[7] Correspondance personnelle de la recherchiste et rédactrice Jennifer Bobrovitz à l’écrivain rédacteur Donald Smith (auteur de Calgary’s Grand Story), archives de la société de conservation de la maison Lougheed, 2003