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Une affaire familiale

Le caporal suppléant John Dunn passe Noël à la maison du médecin d’Almonte avec sa famille. John devait travailler la fin de semaine, sauf qu’aux alentours de 16 h le vendredi après-midi, son capitaine-adjudant était entré soudainement dans la salle des rapports pour lui remettre un billet de congé jusqu’au lundi, 8 h. Le dépôt des effectifs du parc Lansdowne serait tranquille pendant la fin de semaine, et son capitaine-adjudant serait certainement capable de s’en sortir seul.

Dessin de la façade de la maison du médecin, à Almonte, années 1960

La maison du médecin, à Almonte, années 1960

 

Lorsque l’horloge sonne 19 h 30 le dimanche soir, John quitte son coin chaud près de la cheminée et met fin à une conversation tranquille avec les membres de sa famille. Il doit se mettre en route s’il veut attraper le train à destination d’Ottawa. Sa tante, qui s’était jointe à la famille pour le souper du dimanche, doit également partir en ville. Après avoir revêtu son grand manteau militaire et dit au revoir, il part vers la gare en ayant beaucoup de temps devant lui.

Beaucoup trop de temps, comme il finira par constater. Il est passé 20 h, et le train n’est toujours pas arrivé.

Le train du soir est en retard.

Très en retard.


La longue attente

La salle d’attente des hommes est remplie à craquer. Toutes les places sur les bancs sont prises; certains hommes sont même assis sur le radiateur sous la fenêtre.

Finalement, avec près de quarante minutes de retard, le train arrive.

John rencontre sa tante sur le quai bondé et commence à se frayer un chemin vers la dernière voiture. Il monte toujours dans la dernière voiture, car c’est elle qui se trouvera la près de la barrière à l’arrivée du train à la gare Union d’Ottawa.

« Oh, mon chapeau, s’exclame sa tante. C’est un tout nouveau chapeau, et marcher vers l’arrière sous la neige et la pluie le ruinera. On ne peut pas monter ici? »

« Bien sûr », dit John, alors que sa tante le suit vers la quatrième voiture depuis la queue.

Ne trouvant aucune place, John monte dans la troisième voiture depuis la queue. Rien là non plus, mais c’est à ce moment qu’il aperçoit un ami de Renfrew assis sous le porte-bagages. Il retourne à la quatrième voiture, et il voit qu’il y a des places debout dans l’allée.


Sous le regard des témoins

À l’insu de John, deux de ses frères, Arthur et Declan, descendent avec un de leurs amis pour assister au départ du train. Beaucoup de jeunes d’Almonte avaient l’habitude de marcher jusqu’à la gare pour voir le train partir et les gens se perdre dans le tourbillon du retour au travail en ville. Mais la sortie avait perdu un peu de son éclat en raison de l’attente inattendue et du mauvais temps.

Finalement, ils décident qu’ils ont assez attendu et commencent à rentrer chez eux. Ils viennent d’arriver à la boucherie Mick McCabe lorsque le train arrive. Et puis, la chose la plus étrange se produit; ils entendent le sifflement d’un autre train, puis ils voient une locomotive emboutir l’arrière du train de passagers.

Arthur entre rapidement dans la pharmacie et appelle son père.

Prends ta mallette noire et dépêche-toi d’aller à l’hôtel de ville, lui dit-il. Tu vas être occupé.

 

Photographie montrant un train circulant sur la voie ferrée et l’hôtel de ville d’Almonte à l’arrière-plan, années 1950

Un train passe devant l’hôtel de ville d’Almonte, années 1950


 

Le décès d’un ami cher

Dans la confusion de l’accident, John pense qu’un accouplement a dû se briser. Debout dans l’allée, agrippant les deux mains courantes en laiton des bancs de chaque côté de lui, il fixe le grand espace qui s’est ouvert entre l’avant du train et leur voiture. Soudain, se souvenant de son ami dans la troisième voiture, il se fraie un chemin entre d’autres passagers sous le choc pour voir s’il va bien. La charpente en acier du porte-bagages l’a empalé. Il est mort sur le coup.

John n’en croit pas ses yeux. Il descend précipitamment sur le quai. Il y a des débris partout et il entend le sifflement de la vapeur qui s’échappe d’une locomotive derrière. Comment est-ce possible? Il ne comprend pas. L’autre locomotive est immobilisée, son mécanicien toujours assis dans la cabine. Les roues de tête sont à deux ou trois pouces au-dessus des rails.

Reprenant ses esprits, il retourne à l’intérieur de la voiture et dit à sa tante qu’ils seront retardés au moins jusqu’au matin. Alors qu’ils descendent du train, elle met son nouveau chapeau sous son bras pour le protéger.