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En route vers l’est

Ontario

 Livret intitulé Canadiens de l'Est - parias ou citoyens?

Livret intitulé « Canadiens d’Orient : parias ou citoyens? Avec l’aimable autorisation d’Addie Kobayashi.

De nombreux Canadiens japonais cherchent refuge en Ontario, notamment à Toronto. La classe politique de Toronto réagit en adoptant une interdiction à l’encontre des Canadiens japonais. Mais de l’aide est parfois venue d’endroits inattendus. Ernest Trueman, l’agent de placement de la « division japonaise du ministère fédéral du travail » a fait preuve de bienveillance. Il fermait les yeux chaque fois que cela était possible. Lorsqu’on lui posait la question, M. Trueman suivait la ligne officielle : « Aucun Japonais n’est autorisé à Toronto ». Mais si une personne ou une famille canadienne japonaise s’installait à Toronto sans attirer l’attention sur elle, il détournait le regard.

 Coupure de journal intitulée Le plus grand nombre de personnes évacuées se dirigent vers l'Ontario - Plusieurs postes offerts

« Un grand nombre d’évacués se dirige vers l’Ontario », The New Canadian, 17 avril 1943.

 

De nombreuses familles ont cherché refuge ailleurs. Elles se sont établies dans le sud de l’Ontario, notamment dans la région de Niagara. L’arrivée de Canadiens japonais dans le Niagara pendant et après la guerre suscite différentes réactions parmi les habitants. Il y avait de la curiosité, mêlée à de l’inquiétude et de l’hostilité.

Certains hommes politiques ont tenté d’inciter une peur des « étrangers ». Pourtant, 75 % des Canadiens japonais arrivant en Ontario étaient nés au Canada ou étaient des citoyens naturalisés.

Coupure de journal intitulée Les Japs arrivent à Beamsville

Coupure de journal intitulée Les Japonais arrivent à Beamsville, 23 septembre 1942, Beamsville Express.

La peur et la curiosité ont souvent pris la forme de messages contradictoires. Le 23 septembre 1942, le Beamsville Express titre ainsi à sa une : « Les Japonais arrivent à Beamsville ».

Les contestations de ce type ne se limitaient pas à Beamsville. En réaction à la présence de Canadiens japonais à la ferme Tregunno à St Catharines, le St. Catharines Standard publie en 1945 deux articles intitulés : « La présence japonaise n’est pas la bienvenue » et « Protestez contre les Japonais dans la région ».

Les contribuables du canton les mettront dehors si on ne les fait pas partir.

– Cecil Secord, préfet du canton de Grantham et président du conseil du comté de Lincoln, 1945.

 

Écoutez ces archives audio de la CBC (en anglais) : Kinzie Tanaka : Je suis fier d’être un Canadien 

(CBC Radio News Special, 13 août 1945. Commentateur : Kinzie Tanaka)

Transcription en français

↑ cacher la transcription

“Kinzie Tanaka: I’m proud to be a Canadian”

Kinzie Tanaka : La paix qui s’est rétablie dans le monde suite à la capitulation du Japon sera accueillie avec joie et gratitude par les Canadiens japonais ici au Canada, ainsi que par tous les peuples démocratiques du monde.

Depuis que la machine de guerre japonaise a envahi la Chine, nous, Canadiens japonais, avons vécu dans l’ombre de sa culpabilité, même si nous n’avons pris aucune part à ses crimes. Nous espérons sincèrement que, du le chaos et de la destruction qui ont déchiré l’Orient, naîtra au Japon une voix forte et démocratique qui conduira son peuple sur les chemins de la paix, de sorte qu’un jour il pourra lui aussi devenir signataire de la Charte des Nations Unies.

Je suis canadien japonais et je vis ici au Canada depuis vingt-neuf ans, ma mère vit ici depuis quarante ans. En ce jour fatidique de décembre au cours duquel les bombes japonaises sont tombées sur Pearl Harbor, chacun de nous a ressenti les explosions. Dès lors, nous savions que nos vies seraient incertaines.

Nos craintes étaient justifiées, car le gouvernement du Canada a rapidement ordonné l’évacuation de toutes les personnes d’origine japonaise de la région côtière de la Colombie-Britannique. Notre maison et nos biens ont été expropriés et vendus, et notre famille a été séparée. Nos voitures, radios et appareils photo ont été confisqués.

Le fait d’être né au Canada ne constituait pas une protection. Tout le monde était traité de la même façon. Tous les Canadiens japonais ont été traités comme des étrangers ennemis. L’ombre des militaristes japonais était projetée sur nous; nous faisions tous l’objet de soupçons. La culture et l’éducation que nous avions reçues dans les écoles canadiennes ne pouvaient pas nous aider. Nos amis canadiens de toujours ne pouvaient pas nous aider. Dès lors, nous avons su que nous devions faire nos preuves, que nous sommes canadiens, tout comme n’importe quel autre groupe minoritaire, et que les origines d’une personne ne déterminent pas nécessairement sa loyauté.

Il est gratifiant de savoir que pas un seul acte de sabotage n’a été commis par notre peuple au Canada. Dans l’ensemble, tous les ordres du gouvernement ont été respectés, et nous avons coopéré au programme de réinstallation. De nombreuses restrictions nous sont encore imposées.

Mais je crois que, grâce à nos efforts permanents pour être reconnus comme citoyens canadiens, elles finiront par être levées. Pour faire connaître ces efforts, nous, les Canadiens japonais de Toronto, avons créé une organisation, qui s’appelle le Comité canadien japonais pour la démocratie.

L’éducation que nous avons reçue dans les écoles canadiennes ne nous a pas quittés, ni les idéaux d’un Canada démocratique. Et c’est dans ce but que nous nous sommes organisés, afin que notre peuple apporte sa contribution au développement de notre vie nationale aux côtés des personnes venant d’autres pays.

Nos garçons ont sans cesse essayé de s’engager dans les forces armées depuis le début de la guerre. Mais ce droit leur a été refusé. Ce n’est qu’il y a quelques mois, lorsque les efforts de la nation se sont orientés vers le Pacifique, que l’armée canadienne a eu besoin de nos services. Nos gars se sont enrôlés sans hésiter, et ils servent maintenant sous les ordres de Lord Mountbatten en Inde et en Birmanie. D’autres s’entraînent ici au Canada.

Lorsque le gouvernement nous a ordonné de quitter la région côtière de la Colombie-Britannique, on nous a dit que c’était pour des raisons militaires, par mesure de précaution. Lorsque nous avons déménagé dans l’Est, nous avons trouvé des emplois dans des usines d’armement et des secteurs essentiels, produisant du matériel destiné à l’effort de guerre des Alliés. Ceux qui se sont moqués de nous et nous ont haïs en raison de nos origines s’apaiseraient sans doute un peu s’ils connaissaient la manière dont nous nous sommes comportés pendant cette période difficile.

Il existe au Canada comme ailleurs des personnes qui, pour des raisons égoïstes, sacrifieraient l’unité de ce pays et les idéaux pour lesquels des hommes sont morts. Comme l’a dit le premier ministre, « la doctrine haineuse du racisme, qui est la base du système nazi partout dans le monde, ne doit pas être tolérée au Canada ».

Nous, Canadiens japonais, saluons ces paroles, car elles nous donnent de l’espoir pour l’avenir. J’ai des amis au Canada qui sont chinois, juifs, noirs, ukrainiens et de nombreuses autres nationalités. Ils sont tous canadiens, tout comme nous. Ils veulent tous être reconnus comme faisant partie intégrante de ce dominion, et nous aussi.

Si les terribles sacrifices qui ont finalement ramené la paix dans ce monde doivent avoir un sens, alors les dispositions essentielles de la charte mondiale concernant la race, le sexe, la langue ou la religion doivent être respectées, et chaque homme doit être jugé en fonction de son seul mérite, et non en fonction des actions des habitants du pays d’où viennent ses ancêtres.

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