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Voie d’eau, voie de contact

La solitude du portage.
Ce geste répété depuis des millénaires.
Épuisante patience qui sculptait le corps et l’âme des hommes.
L’échine brisée par le canot, je marche dans les pas des voyageurs anonymes.
Lentement, les herbes folles voudront effacer leurs traces.
Mais la rivière se souviendra.

Stéphane Rostin-Magnin

Plusieurs canots remplis d'hommes glissent sur la rivière.

Excursion en canots lors de la visite de Mgr Latulippe en 1913

Comme les premiers Atikamekw, embarquons dans notre canot et empruntons cette voie de communication ancestrale qu’est le Saint-Maurice. Grâce à cette autoroute d’eau, bien avant l’arrivée des Européens au 16e siècle, on peut entrer en contact et commercer avec les Anishinabeg (Algonquins) de l’ouest, avec les Cris et les Innus du nord ou les Iroquoiens, les Wendats et les Abénakis du sud.

Plusieurs lieux situés en bordure de la rivière sont utilisés pour le commerce entre ces nations autochtones, notamment Metaperotin (Trois-Rivières), Wemotaci, Kokac (inondé par le réservoir Blanc, en amont du Rapide-Blanc) et Oskisketak. Les Atikamekw peuvent ainsi se procurer du cuivre et du maïs en échange de poisson, de viande et de peaux.

Les Atikamekw mettent à profit les différentes ressources que la Tapiskwan sipi (rivière Saint-Maurice) leur offre. En se procurant du frêne qui pousse dans les régions plus au sud, ils construisent en effet des structures plus solides et durables pour leurs rabaskas en écorce de bouleau.

Une vingtaine d’hommes et de femmes rament pour faire avancer un grand rabaska.

Rabaska construit dans les années 1990

La rivière permet un rapprochement stratégique des peuples autochtones alliés dans la guerre contre les Iroquois au 17e siècle. Lorsqu’ils désirent se rendre jusqu’au fleuve Saint-Laurent, les Autochtones de l’Outaouais et des Grands Lacs empruntent cette voie pour éviter les guerriers de la nation iroquoise.

Les premiers contacts

Un homme porte un canot sur ses épaules au milieu de la forêt.

Portage d’un canot d’écorce

En avançant un peu dans notre périple dans le temps, nous constatons que les premiers Européens commencent à croiser le chemin des Autochtones sur la rivière. Le premier témoignage écrit d’un contact entre Européens et Atikamekw remonte à 1636, alors que le jésuite Paul Le Jeune rapporte leur présence au nord des Trois-Rivières.

Dans la deuxième moitié du 17e siècle, les Atikamekw délaissent le sud de la Tapiskwan sipi, désireux d’échapper aux maladies apportées par les colons.

Quelques aventuriers les suivront petit à petit vers le nord, mais la première trace écrite d’un Européen en Haute-Mauricie est le récit du voyage effectué en 1651 par le jésuite supérieur de la mission de Trois-Rivières, Jacques Buteux. Pendant son séjour de trois mois, il constate que les Atikamekw possèdent déjà fusils, épées, chapelets et farine, ce qui illustre la fréquence des échanges.

Aventuriers, voyageurs et touristes

Notre périple sur le Saint-Maurice n’est pas sans danger, puisque ses nombreux rapides et chutes sont autant de défis à surmonter pour les commerçants de fourrures, les militaires et les voyageurs. Ces mêmes rapides et chutes deviennent paradoxalement un facteur d’attraction au 19e siècle pour les nombreux curieux du Canada, mais aussi de l’Angleterre et des États-Unis. Ils sont nombreux à venir admirer les paysages offerts par le Saint-Maurice dont les chutes de Shawinigan.

Une quinzaine de personnes, dont des femmes, des enfants et des membres du clergé, posent en haut des chutes.

Des visiteurs aux chutes de Shawinigan vers 1890

Plusieurs personnages d’importance y accourent, notamment l’ingénieur civil et scientifique Sir Sanford Fleming en 1865, ainsi que des gouverneurs généraux du Canada dont messieurs Elgin, Head, Monk et Dufferin. Pour ce qui est de la Haute-Mauricie, il faudra attendre les années 1870 pour que les arpenteurs et les touristes s’y aventurent, bien conseillés par des guides atikamekw.