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La fin de la première génération (1912–1920)

Le premier clou dans le cercueil de la première voiture électrique est la mort inopportune du magnat américain de l’automobile Byron Carter en 1908. Alors qu’il tente de démarrer à la manivelle une voiture en panne, Carter est frappé par le recul de la manivelle, ce qui lui brise la mâchoire. En convalescence à l’hôpital, il contracte une pneumonie et décède peu de temps après. Son décès incite l’industrie automobile américaine à trouver de nouvelles méthodes de démarrage pour les véhicules à essence.

Publicité pour une voiture à essence à toit ouvert. Titre : LA CADILLAC : LUXUEUSE ET FIABLE.

Le succès de la Cadillac de 1912 et de son démarreur électrique pousse d’autres entreprises à développer des dizaines d’imitations, lançant l’élaboration d’une nouvelle norme industrielle qui va anéantir toutes les chances de la voiture électrique.

En 1911, Charles Kettering de la Dayton Engineering Laboratories (Delco), une filiale de GM, invente un démarreur alimenté par une simple batterie au plomb. Les démarreurs électriques Delco, installés pour la première fois sur les Cadillac de 1912, prennent d’assaut l’industrie automobile. Du coup, l’un des principaux inconvénients de la voiture à essence est éliminé : il devient possible de la faire démarrer elle aussi en appuyant sur un bouton, sans qu’il soit nécessaire d’effectuer des manœuvres dangereuses.

Le deuxième clou est enfoncé lorsque le marché de l’automobile se tourne vers la classe moyenne. La popularité croissante des voitures bon marché, avec à la tête la Ford Model T et la Chevrolet 490, assure des gains énormes pour les fabricants de voitures à essence. Les entreprises de voitures électriques ne peuvent tout simplement pas tenir la cadence. Il n’est pas possible de baisser le coût des voitures électriques ; les batteries au plomb sont efficaces lorsqu’elles sont utilisées à grande échelle, comme sur les tramways, mais il n’existe pas de technologie permettant de réduire leur taille, leur poids ou leur complexité.

Illustration publicitaire en couleur montrant deux hommes bien habillés à côté d'une voiture électrique décapotable, devant la scène champêtre d'un terrain de golf.

Une image de catalogue du Detroit Electric Roadster de 1914. Avant les années 1910, les publicités des voitures électriques visent la clientèle féminine en mettant l’accent sur le confort, la sécurité et la facilité d’utilisation. Avec l’essor du démarreur électrique, les entreprises commencent à cibler le public masculin, mais sans grand succès.

Beaucoup de gens achetaient des voitures électriques en raison de leurs coûts d’exploitation moins élevés, mais découvraient par la suite que le coût de l’entretien des batteries et des stations de recharge à domicile était aussi élevé, voire plus, que le prix de l’essence qui, lui, était en chute libre. De nouvelles technologies telles que la batterie nickel-fer sont censées « résoudre » les problèmes d’autonomie de la voiture électrique, mais elles s’avèrent encore plus coûteuses que les batteries au plomb qu’elles remplacent.

La Première Guerre mondiale enfonce le dernier clou dans le cercueil. Les armées des différents pays utilisent presque exclusivement les camions à essence (de faible coût). Les conditions en première ligne prouvent au monde entier la fiabilité du tout nouveau moteur à essence qui peut fonctionner dans les environnements les plus éprouvants.

Les vendeurs de voitures à essence ont présenté la voiture électrique comme une voiture pour les personnes âgées, les infirmes et les femmes, et [les entreprises de voitures électriques] l’ont accepté. C’est tout faux… Pourquoi donner l’impression qu’il faut être millionnaire pour posséder une voiture électrique?

-E.P. Chalfant, membre du conseil d’administration de la Detroit Electric, 1916

Image publicitaire en couleur montrant deux hommes d'affaires conduisant une voiture électrique dans un cadre suburbain. Titre : Plus d'hommes préfèrent maintenant la Raulang !

Une publicité pour les voitures électriques Raulang de 1919, dont le slogan semble exprimer une nuance de désespoir.

 

L’industrie des voitures électriques est entièrement consciente de ces changements, mais les entreprises sont soit trop petites pour prendre le tournant vers le marché de masse, soit elles s’y prennent trop tard. La commercialisation des voitures électriques a longtemps ciblé les femmes (de la classe privilégiée, bien entendu), ce qui a contribué à limiter l’attrait général des voitures. Les entreprises réalisent trop tard qu’en matière de publicité, la vitesse, la performance et l’aventure ont un plus grand impact que le confort et la tranquillité. Le marché des véhicules électriques s’est relégué lui-même aux oubliettes.

La [voiture électrique]… n’est pas seulement une voiture pour les dames… Certains constructeurs pensaient qu’ils faisaient preuve d’ingéniosité et de perspicacité en promulguant cette idée d’un bout à l’autre du pays. Je crois que ce genre de publicité a causé beaucoup de tort au véhicule électrique.

-James McGraw, rédacteur en chef de la National Electric Lighting Association, 1916

Dans les années 1920, la grande majorité des entreprises nord-américaines spécialisées dans les voitures électriques ont cessé leurs activités ou se sont tournées vers la fabrication de véhicules industriels, tels que les chariots élévateurs et les camions d’exploitation minière. L’industrie des batteries est toujours en plein essor – après tout, toute voiture équipée d’un démarreur électrique a besoin d’une batterie –, mais son développement est axé sur la sécurité et la compacité, et non pas sur les besoins en énergie des véhicules électriques. La première vague de véhicules électriques est passée.

Photo noir et blanc d’une voiture électrique de forme carrée et d’une conception similaire à celle d’une voiture à essence. Titre : Voiture électrique Milburn.

Dans un marché automobile graduellement dominé par les voitures à essence, certains constructeurs remodèlent leurs voitures électriques pour qu’elles ressemblent davantage à celles de la concurrence, comme cette berline Milburn de 1918.