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Le règne de l’essence, partie 2 (1947–1973)

Une voiture électrique Westinghouse Markette conduite lors de l’Exposition nationale canadienne de 1967. (Sous-titrage disponible en anglais et en français) Regardez cette vidéo avec une transcription en français.

Pendant la Guerre froide, le développement et la vente de véhicules électriques sont l’exception plutôt que la règle : le règne de l’essence continue. Cependant, le prestige croissant de la science et des technologies de pointe, notamment la technologie militaire, donne lieu à d’étonnants véhicules uniques ou de production limitée.

Henney Kilowatt : Un projet franco-américain sans souffle

Publicité en couleur d'une voiture de tourisme décorée d’un logo avec un l'éclair. Le titre indique: HENNEY KILOWATT / LA NOUVELLE AUTOMOBILE ÉLECTRIQUE !

La Henney Kilowatt promettait d’éliminer les dangers et la complexité de l’entretien des voitures à essence. Elle offrait une bonne performance à un prix raisonnable.

 

Dans les années 1950, l’effort de construction des voitures électriques connait un sursaut de croissance qui s’explique – qui l’aurait imaginé – par la lente faillite de l’une des plus prestigieuses entreprises de voitures de luxe d’Amérique du Nord : Packard. Pendant des décennies, la Packard a été la voiture des présidents et des célébrités, mais au début des années 1950, la société est lourdement déficitaire. La Henney Motor Company, une filiale de longue date de Packard, cherche à sortir du marasme avant l’effondrement de Packard et, en 1953, elle profite d’une fusion avec la National Union Electric Company pour se tourner vers de nouvelles activités.

Henney obtient une licence pour la conception de la carrosserie et du châssis de la Renault Dauphine, une voiture économique très populaire construite en France. Henney construit les carrosseries des voitures, Union Electric et une équipe de l’Institut de technologie de Californie fournissent les batteries au plomb et l’entreprise Eureka Williams, plus connue pour sa marque d’aspirateurs Eureka, construit les moteurs.

Le résultat final est un véhicule électrique de puissance modeste baptisé « Kilowatt ». Ce véhicule peut atteindre une autonomie de 64 kilomètres à une vitesse de pointe de 64 km/h. Une mise à niveau en 1960 permet de prolonger l’autonomie à 96 kilomètres et d’augmenter la vitesse à 96 km/h. Pourtant, la société Henney ne réussit pas à mettre en place un réseau de distribution. Elle ne construit que 100 Henney Kilowatt dont 47 sont vendues. La voiture ne vaut tout simplement pas le prix de base élevé de 3 600 dollars américains, et Henney abandonne le projet.

Nic-L-Silver Pioneer : Style et performance

Les batteries nickel-argent sont inventées dans les années 1930. L’apogée de l’industrie de la voiture électrique est déjà passé, mais la haute densité énergétique et la légèreté de ces batteries suscitent un grand intérêt dans les milieux militaires et scientifiques. Elles sont utilisées dans les missiles, les sondes spatiales et une large gamme d’équipements de pointe.

En 1960, la société californienne Nic-L-Silver, spécialisée dans la fabrication de batteries, tente une nouvelle méthode ingénieuse pour utiliser cette puissante technologie. Elle s’inspire de la 1958 Alken, un concept qui transforma une Coccinelle Volkswagen en une voiture de sport avec moteur à l’arrière et une carrosserie élégante, ultralégère et entièrement en fibre de verre, le tout étonnamment rapide.

Publicité en couleur montrant des carrosseries de roadsters, de cabriolets et de familiales pour une voiture électrique. Titre : VOITURE ÉLECTRIQUE NIC-L-SILVER.

Trois styles de carrosserie différents pour la Pioneer. Seuls les modèles de type « roadster » ont été construits.

Avec 12 batteries nickel-argent dans le coffre et un moteur électrique de 8 chevaux à chaque roue, la Pioneer combine le style et l’enthousiasme sportif de l’Alken avec d’excellentes performances. Sa vitesse de pointe de 80 km/h et son autonomie annoncée de 240 kilomètres lui permettent de rivaliser même avec certaines voitures électriques modernes. Avec son prix de vente de 1 995 dollars américains et sa batterie d’une durée de vie estimée à trois ans, la Pioneer apparaît comme une proposition raisonnable. Malgré le grand intérêt du public, seules trois Pioneer sont construites et aucune n’a jamais été vendue.

La raison de l’échec du projet Pioneer reste floue, mais elle pourrait avoir un rapport avec les batteries. Bien que légères et efficaces, les batteries nickel-argent ne résistent pas bien aux décharges et recharges constantes : l’autonomie de la voiture et la durée de vie réelle des batteries étaient probablement considérablement inférieures à ce qu’annonçait le fabricant.

Chevrolet Electrovair I/II : Technologie de pointe à prix d’or

Ce film de 1966, qui porte sur les performances et les limites de l’Electrovair II, montre la voiture au centre technique de General Motors à Warren, dans le Michigan. (Sous-titrage disponible en anglais et en français) Regardez cette vidéo avec une transcription en français.

Au milieu des années 1960, la General Motors se lance dans la construction d’une série de voitures de démonstration prestigieuses destinées à promouvoir les technologies avancées de l’entreprise, développées initialement dans le contexte de la course spatiale. Les deux Electrovair, construites sur le châssis de la Chevrolet Corvair avec le moteur à l’arrière, sont les voitures électriques les plus performantes de l’époque.

La société choisit la plateforme de la Corvair pour plusieurs raisons pratiques. Elle est légère et le moteur monté à l’arrière libère l’espace pour un volumineux banc de batteries. Sur le plan financier, la Corvair se vendant mal, l’entreprise dispose d’un grand nombre de pièces détachées et de châssis pour le projet. Les batteries zinc-argent choisies pour la voiture offrent une densité énergétique supérieure de 300 % à celle des batteries au plomb de même volume, mais au coût astronomique de 160 000 dollars américains par bloc-batterie.

Diagramme montrant la batterie, le moteur et le système de refroidissement complexes d'une voiture électrique.

L’intérieur complexe de l’Electrovair, avec le plus grand nombre de batteries possible entassé dans un châssis de Corvair surchargé.

L’Electrovair II perfectionnée est aussi puissante que n’importe quelle voiture de sport qui écume les routes à l’époque. Son moteur de 115 chevaux atteint une vitesse de pointe de 129 km/h, avec une autonomie de 128 kilomètres. Cependant, en raison du poids des batteries, son accélération est médiocre. En plus, les cellules zinc-argent se dégradent rapidement, leur durée de vie ne dépassant pratiquement pas 100 charges par cellule.

L’Electrovair n’a jamais été un projet à vocation commerciale. Avec l’Electrovan, un projet jumeau pour un véhicule à batterie à hydrogène, et une série de toutes petites « voitures citadines expérimentales », l’objectif de General Motors est d’afficher les capacités d’ingénierie de la société. À l’époque des grosses voitures et de l’essence à bas prix, la demande pour les voitures électriques est faible.

À la fin des années 1960, General Motors construit des « voitures urbaines expérimentales » ultracompactes à propulsion électrique, à essence et hybrides. (Sous-titrage disponible en anglais et en français) Regardez cette vidéo avec une transcription en français.

Mais tout change lorsque le prix de l’essence grimpe en flèche à cause d’une guerre à l’autre bout du monde.