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Pourquoi acheter une voiture électrique ? (1900–1912)

Publicité en noir et blanc montrant un homme et une femme conduisant une voiture électrique sur un chemin de campagne. Titre : Journées d’automne/ N'est-ce pas un argument convaincant pour acquérir une Pope Waverley électrique.

La campagne de commercialisation de 1904 des « runabouts » de Pope-Waverley, voiturettes légères et ouvertes, concentrait en quelques mots les avantages de la voiture électrique : « silencieuse, propre, simple et sure », exactement ce que la conductrice était supposée vouloir.

 

Avec le recul, il est souvent difficile d’imaginer pourquoi les voitures électriques ont eu un tel succès sur le marché automobile naissant. Non seulement elles étaient chères, lentes et d’une autonomie restreinte, mais leurs batteries nécessitaient un entretien constant. En 1900, les voitures à vapeur dominaient le marché nord-américain des véhicules à moteur. Les voitures électriques occupaient la deuxième place avec 38 % des parts de marché. Les voitures à essence n’arrivaient qu’en troisième position. Plusieurs raisons fondamentales expliquent cette tendance.

L’électrique, c’est chic !

Au début du 20e siècle, l’électricité est à la mode. La deuxième révolution industrielle a balayé le monde apportant des innovations technologiques dans l’industrie et le commerce comme l’éclairage électrique, le téléphone, la radio et le phonographe. Beaucoup de grandes villes ayant mis en place des réseaux de tramways électriques largement utilisés, les voitures électriques sont considérées comme la suite logique du tramway. D’ailleurs, un grand nombre de voitures électriques nord-américaines sont conçues sur la base de moteurs et de batteries de tramway. L’électricité est moderne. L’électricité est en vogue.

Photo publicitaire éditée montrant trois femmes bien habillées assises dans une voiture électrique. Le titre indique : Voitures électriques Woods : construites à Chicago / Meilleur choix selon les tests.

La publicité des Woods Electrics, comme ce modèle de 1910 construit à Chicago, vantait les voitures pour leur « beauté luxueuse et leur dignité ». La voiture électrique n’était pas juste un moyen de transport. C’était un article de mode.

Stop à la saleté urbaine

Alors que les villes reliées par voitures hippomobiles et trains à vapeur s’agrandissent, elles sont confrontées au problème de la saleté urbaine. L’air de la ville est pollué par la suie et les rues sont recouvertes de neige fondue mêlée d’eaux usées et de fumier de cheval qui, les mauvais jours, peut arriver jusqu’aux genoux des piétons. Contrairement aux voitures à essence, avec leurs fuites d’huile et échappements de fumées, ou aux voitures à vapeur un peu plus propres, les voitures électriques ne dégagent pas de substances évidentes. Bien entendu, la plupart tirent leur énergie des centrales à charbon, mais à une époque antérieure à l’étalement urbain et à l’environnementalisme, cette pollution est hors de la vue et des consciences.

Publicité en noir et blanc montrant des illustrations d'une voiture avec chauffeur et des images de monuments de Washington. Titre : Les personnes qui savent faire preuve de discernement et au goût raffiné conduisent des automobiles Columbia.

Les véhicules de la Columbia Electrics visaient directement les clients richissimes, et les publicités de la société, comme celle-ci datant de 1903, présupposaient « la nécessité d’un conducteur séparé », c’est-à-dire d’un chauffeur.

Entretien réduit (en quelque sorte)

Les voitures électriques ont relativement peu de pièces mobiles, un net avantage pour un nouveau conducteur qui apprend à prendre soin de sa voiture. Pas de boîte de vitesses ou de transmission à huiler, pas de bougies d’allumage à changer, et donc pas d’accumulation de suie ou de graisse. L’entretien de la batterie demande un travail considérable que l’on compare souvent à s’occuper d’un patient malade plutôt qu’à réparer une pièce défectueuse. À une époque où les maisons n’ont pas de garages, la plupart des propriétaires de voitures électriques payent des grands garages centraux pour l’entretien et le chargement de leur véhicule.

Facile à recharger

Avant l’invention de ce que nous appelons aujourd’hui la station-service (la première au Canada ouvre ses portes en 1907 à Vancouver), l’essence ne peut être achetée que dans les pharmacies, car il s’agit d’un produit chimique courant pour le nettoyage des vitres. N’étant pas certains de pouvoir trouver de l’essence lors de leurs déplacements, les conducteurs doivent souvent trimbaler d’énormes bidons d’essence. Même si les voitures électriques présentent l’inconvénient d’une autonomie beaucoup plus restreinte, elles sont généralement utilisées en ville où l’on peut facilement accéder à des sources électriques et à des stations de recharge. De plus, l’électricité est nettement moins chère que l’essence.

Une anguille électrique inventive / Se construit une automobile. / Pas besoin d’essence, / D’air comprimé ou de vapeur. / Elle attache une roue à sa queue.

-Charles Welsh, Automobilia, 1905

Démarrage sans ratés

Le processus de démarrage est une des imperfections de conception notables de la plupart des premières automobiles. Les voitures électriques, elles, démarrent au quart de tour : il suffit généralement d’actionner un interrupteur et d’appuyer sur une pédale ou de tirer un accélérateur manuel. Comparativement, ce n’est pas si facile pour les autres types de voitures. Le démarrage d’une voiture à vapeur prend du temps, car la pression doit s’accumuler dans la chaudière, ce qui peut être difficile par mauvais temps. Le démarrage d’une voiture à essence est dangereux, car il faut la mettre en route à la manivelle. Un conducteur inconscient démarrant sa voiture de manière inappropriée risque de se retrouver avec des ecchymoses, des fractures – parfois appelées les « fractures de Ford » – ou pire.

Une voiture électrique à quatre portes ressemblant à une calèche, avec un schéma montrant les cinq sièges intérieurs. Titre : SILENT WAVERLEY ELECTRIC, 1912.

Le confort et le luxe de la limousine Waverley de 1911 viennent à un prix élevé : 3 500 dollars américains, à peu près le coût de cinq Ford Model T de l’époque.

Voyage en confort

Tout le monde aime rouler en tout confort et dans le plus grand style et les voitures électriques offrent la conduite la plus confortable. Elles sont silencieuses – les premiers taxis new-yorkais sont surnommés « colibris » en raison de leur faible bruit – sans sifflement de soupapes ni vrombissement caractéristique des moteurs à vapeur ou à essence. En roulant, la voiture transmet l’électricité directement aux roues. Le conducteur n’a pas besoin de changer de vitesse et ne risque donc pas de caler ou, dans le cas d’un conducteur novice, de faire cahoter la voiture.

Tous ces facteurs favorisent la popularité de la voiture électrique dans les grandes villes. Les acheteurs privés et commerciaux, soucieux de paraître comme des visionnaires et d’emboîter le pas vers la prochaine grande innovation, se ruent sur la voiture électrique, entraînant une soudaine croissance des constructeurs de voitures électriques au Canada.