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Le Géant bipolaire, une légende vivante! – Troisième partie

Écoutez Guillaume Beaulieu vous raconter sa légende à sa manière en cliquant sur l’extrait audio ci-dessous ou choisissez de la lire à votre rythme. Consultez la transcription intégrale ici.

Peinture aux couleurs franches représentant deux personnages aux côtés d’un arbre.

Tree of Life (Arbre de vie), par Frank Polson, acrylique sur toile (2017).

Dans un excès d’orgueil, il trace ensuite des frontières, installe des piquets de clôture en redoutant les étrangers et monnaye son territoire. En fait, en recommençant à côtoyer son père dans la grande ville, il se met à tirer le sud vers le nord, appliquant les mêmes recettes dans la même logique, mais avec un succès mitigé. Il est bon discoureur. Suivant son appel viril, quelques amis viennent le rejoindre dans son vaste territoire pour y cultiver la suite de leur race de gens pâlis. Ils comptent le faire en creusant des sillons, en rasant par endroit la chevelure verte de la nature et en piochant le roc. Les plus hardis à regarder leur avenir en face sur cette terre rustre, bientôt débarrassé des promesses vides du bipolaire, sont les « terre à terre », les plus habiles et vaillants.

Photographie noir et blanc d’une vue sur une ferme : une grange, une résidence, des animaux et de l'équipement agricole.

La ferme Dollard Trudel d’Amos en Abitibi à fin des années ’20.

Prétentieux jusqu’à vouloir réchauffer le climat austère par l’action des mains humaines, le géant, encore beau, se met à fréquenter une coquette femme de la ville, présentée par son père. Elle est mince et elle lance souvent un sourire invitant à son homme, qui accepte de devenir pourvoyeur officiel de la famille. Leur idylle dure quelques fastes années. La belle donne naissance à leurs quatre enfants, alors que lui et son propre père signent une entente pour hypothéquer la terre et l’exploiter de plusieurs manières.

Photographie couleur d’une vue extérieure en été sur un village, dont l'église au centre. À l'avant-plan, on distingue une embarcation avec des gens sur un lac.

Vue sur le village de Rémigny, fin des années ’70.

Travaillant plus fort encore qu’à la poussée du glacier puisqu’il est coincé cette fois avec un stress rongeant ses nerfs, il se résout à faire passer le devoir avant le plaisir. Puis, excédé par l’ouvrage éreintant de l’aube au crépuscule et par la perte d’un de ses fils, décédé à la guerre, il entre dans un « down » monumental.

Une femme stylisée vue de trois quarts est entourée d’une végétation dont les feuilles et les fleurs se confondent avec les motifs de sa robe.

L’essentiel. Peinture de Josette Allard, 2008.

Le géant à taille humaine a tant négligé sa femme issue de la ville, de toute façon lézardée par l’ennui des foules, qu’elle l’a quitté pour retourner en ville avec leur fille la plus jeune. Le claquage de porte violent et sonore laisse le pourvoyeur vide de projet, dans sa maison dépouillée de couleur. Or, l’hypothèque n’attend pas. Le système roule 24 heures par jour et il a, à ses côtés, deux de ses enfants du deuxième lit. Il se convainc, plus mal que bien, que le travail c’est la santé.